Oui au renforcement du français comme langue de la justice au Québec
Guillaume Rousseau
2022-05-03 11:15:00
Dans une lettre ouverte publiée dans Le Devoir du 26 avril dernier, le doyen de la Faculté de droit de l’Université McGill, Robert Leckey, critique des amendements apportés au projet de loi 96 visant à renforcer le français comme langue de la justice au Québec en invoquant l’indépendance judiciaire et les risques de politisation de la nomination des juges.
Pour bien comprendre ces amendements, il faut les situer dans le contexte plus large du projet de loi. Alors que le français a été consacré comme seule langue officielle du Québec par l’article 1 de la Charte de la langue française en 1977, depuis, sous l’effet de certaines évolutions jurisprudentielles et législatives s’est opéré un glissement qui a eu pour conséquence de rendre cette consécration symbolique en conférant à l’anglais un statut équivalent à celui attribué au français.
En effet, la langue officielle étant celle de l’État, elle doit être celle du législatif, de l’exécutif et du judiciaire. Or, divers jugements et modifications législatives survenus depuis ont imposé une forte dose de bilinguisme dans ces trois branches de l’État. Ajouté à d’autres facteurs, dont des affaiblissements de la Charte de la langue française liés à une foule de jugements, ce virage a eu pour effet de faire reculer considérablement le français au Québec en général et à Montréal en particulier.
C’est pourquoi en 2021 a été déposé le projet de loi 96, qui propose une série de mesures visant à renforcer le français comme langue commune et officielle, ce qui se traduit notamment dans les domaines législatif, exécutif et judiciaire. Malheureusement, au moment même où survenait cette importante réforme de la politique linguistique, la juge en chef de la Cour du Québec, nommée à ce poste par le gouvernement Couillard, est intervenue pour au contraire diminuer la portée du français langue de la justice en exigeant que dans l’accession à la magistrature soient discriminés encore plus souvent les francophones ne maîtrisant pas suffisamment l’anglais.
Cette intervention serait justifiée aux yeux de certains par les articles 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 et 530 du Code criminel. Or, un équivalent de cet article 133 est applicable dans d’autres provinces, et cet article 530 l’est ailleurs au Canada sans que cela oblige les autres provinces à exiger presque systématiquement un haut niveau de connaissance des deux langues chez les juges.
Dans ce contexte, des amendements ont été apportés au projet de loi 96 afin de limiter cette discrimination et cet affaiblissement du français langue de la justice. Et rien n’indique qu’ils sont contraires au principe de l’indépendance judiciaire, puisqu’ils ne permettent en rien au pouvoir politique d’influencer directement des questions comme l’assignation des juges aux causes ou la gestion des salles d’audience.
D’ailleurs, comme la juge en chef de la Cour du Québec l’avait incitée à le faire, la Cour supérieure a très sagement refusé de se pencher sur l’hypothétique enjeu relatif à ce principe dans son récent jugement sur le bilinguisme des juges. Ce jugement a donc ouvert la porte à ce que le gouvernement modifie les règles en matière de nomination des juges dans le but d’assurer la protection du français, sans qu’il n’en résulte une politisation de ces nominations.
À cet égard, le processus québécois de nomination des juges est exemplaire (et les modifications récentes ne changent rien à cela), surtout si on le compare au processus de nomination fédéral, qui, encore récemment, a été à l’origine d’allégations troublantes. Ceux qui souhaitent combattre les risques de politisation de la nomination des juges devraient donc plutôt regarder de l’autre côté de la rivière des Outaouais…
Guillaume Rousseau est professeur de droit à l’Université de Sherbrooke. Ce texte est d’abord paru au Le Devoir.
Lisez la lettre de Robert Leckey, aussi paru sur Droit-inc.
Anonyme
il y a 2 ans"Lors du dernier débat télévisé, Philippe Couillard a soutenu qu’un travailleur d’usine devait absolument parler anglais au cas où un client anglophone viendrait faire un tour."
https://www.journaldemontreal.com/2014/03/30/mcouillard-et-la-langue-francaise
La juge en chef de la Cour du Québec, en contremaitre empressée de l'usine judiciaire provinciale, étendra-t-elle ses exigences de bilinguisme aux greffiers, huissiers, constables, ... au cas où un trafiquant de drogue antillais venait à comparaitre?
The Prattler
il y a 2 ansIf "Slippery Slope" doctrine leading to an absurdity is your best argument, then you have no case.
Pour les victimes de la Loi 101 qui n'ont pas eu l'opportunité d'apprendre l'anglais puisque votre gouvernement fait leur possible afin que vous restiez ignorant d'un langage qui ouvre une panoplie d'opportunité enrichissante, je traduis:
Si la doctrine dite "Slippery Slope" qui mène à une absurdité est votre meilleur argument, vous n'avez pas de cause.
Pirlouit
il y a 2 ans"Victime", ce qu'il faut pas entendre
Ces pauvres victimes ont toutes les autres possibilités qu'elles veulent pour apprendre l'anglais sauf celle de se faire financer par un état francophone.
En passant, on peut apprendre l'anglais tout en défendant le français. C'est rare mais c'est possible oui oui.
Anonyme
il y a 2 ansInitialement, les débats sur a l'avortement soulevaient, entre autre, des questions au sujet d'une poignée de cellules: devrait-on considéré comme un être vivant une cellule fécondée? 2 cellules, 4 cellules, 8, 16, 32 cellules ... La capacité de survie du foetus, grâce aux soins que la médecine moderne peut apporter aux grands prématurés, a ensuite été considérée comme un critère "objectif". Ce débat a conduit, en différents endroits du monde, à des limites au droit à l'avortement.
Maintenant, l'avortement est permis au Canada à tout stade de la grossesse. Rendu là, où est la différence avec l'infanticide?
Jean Doe
il y a 2 ans"le processus québécois de nomination des juges est exemplaire" ...
Aanonyme
il y a 2 ans"Cette intervention serait justifiée aux yeux de certains par les articles 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 et 530 du Code criminel. Or, un équivalent de cet article 133 est applicable dans d’autres provinces, et cet article 530 l’est ailleurs au Canada sans que cela oblige les autres provinces à exiger presque systématiquement un haut niveau de connaissance des deux langues chez les juges."
Voulez-vous nous faire rire? L'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 -- qui n'est pas parmi "certaines évolutions jurisprudentielles et législatives" depuis 1977 pour ceux qui savent compter -- rendent les cours au Québec bilingues, tant pour les causes civiles et pénales que les causes criminelles. L'art. 530 du Code criminelle s'applique uniquement aux causes criminelles (ou les causes pénales en vertu d'une loi fédérale.)
Par ailleurs, il n'a jamais été question d' "exiger presque systématiquement un haut niveau de connaissance des deux langues chez les juges" sauf pour des excités nationalistes comme notre ministre la Justice. Il est question d'en avoir suffisament pour que les anglophones puissent exerçer leurs droits.
Mon Oncle Roger
il y a 2 ansLa connaissance de l’anglais doit être entendue comme une connaissance de base de nos jours. Nous vivons dans un pays bilingue et avons une frontière commune avec les États-Unis. De prétendre qu’une connaissance minimale de l’anglais n’est pas nécessaire est absurde. Cet instinct de confrontation n’aide pas les choses.
Le seul fait de mentionner que la juge en chef a été nommée à ce poste par le gouvernement Couillard politise l’article et mine la crédibilité de son auteur.
Les francophones sont discriminés? Les minorités sont discriminées, les peuples des premières nations sont discriminés, mais de là à dire que les « francophones » sont discriminés au Québec, encore une fois, l’opinion de cet auteur porte à réfléchir.
De blâmer les anglophones et la langue anglaise dans le but de renforcer la langue française est une logique mesquine et ineffective.