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Procès à huis clos au Canada : une rare exception

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Radio -canada

2023-07-25 11:15:00

Plusieurs s'inquiètent pour le droit de la presse, la confiance du public et la transparence de la justice…
Iain MacKinnon, l'ex-président de l'Association canadienne des avocats de médias. Source: LinkedIn
Iain MacKinnon, l'ex-président de l'Association canadienne des avocats de médias. Source: LinkedIn
La Cour d'appel de l'Ontario défend un jugement controversé qu'elle a rendu la semaine dernière au sujet de la requête d'un informateur qui voulait protéger son identité et la confidentialité de sa cause. Certaines associations affirment qu'une telle façon de faire est inhabituelle, mais pas surprenante.

Le jugement John Doe de la Cour d'appel est inusité en ce sens qu'il ne donne aucune information de base : le nom du tribunal inférieur, la ville où le procès s'est tenu, l'identité du magistrat, des procureurs, des avocats de la défense, de l'accusé et des témoins. Même la nature du crime qui a été commis est gardée secrète.

« On ne sait absolument rien, si ce n'est que l'appel a été entendu à huis clos et que l'accusé est un informateur qui a requis la confidentialité », déclare Iain MacKinnon, l'ex-président de l'Association canadienne des avocats de médias.

« On y apprend que l'appelant a été débouté, que le verdict de culpabilité est confirmé et que sa condamnation a été maintenue », poursuit-il.

Principe des tribunaux ouverts

Me MacKinnon se demande si une ordonnance de mise sous scellé des preuves ou un interdit de publication conventionnel sur les identités auraient suffi.

« Le principe des tribunaux ouverts et transparents doit permettre de renforcer la confiance du public dans l'administration de la justice », rappelle-t-il.

« Avec une telle approche, il existe un danger de saper la confiance du public », souligne-t-il.

Il n'est pas rare au Canada de caviarder les initiales d'un accusé, d'une victime adulte ou d'un témoin à charge ou encore de censurer des preuves au dossier.

Me MacKinnon affirme toutefois qu'il n'était pas nécessaire de tout censurer et que la divulgation de quelques informations de base n'aurait pas compromis la cause.

L'Association canadienne des libertés civiles (ACLC) se questionne elle aussi sur l'envergure de la censure.

Shakir Rahim, le directeur du programme de justice criminelle au sein de l'ACLC. Source: LinkedIn
Shakir Rahim, le directeur du programme de justice criminelle au sein de l'ACLC. Source: LinkedIn
« Nous nous inquiétons de l'étendue du secret dans cette affaire pour que des informations de base y aient été censurées de la sorte », explique Shakir Rahim, le directeur du programme de justice criminelle au sein de l'ACLC.

L'Association des avocats de la défense au criminel ne se dit pas indignée outre mesure, parce que le principe des tribunaux ouverts est généralement bien respecté, selon elle, au Canada.

Sa porte-parole, l'avocate Jessyca Greenwood, affirme que la Couronne doit parfois s'en tenir aux informations d'un informateur pour tenter d'arracher un verdict de culpabilité.

« Si la cour avait divulgué plus d'informations, elle aurait mis la vie de l'accusé en danger », renchérit l'avocate.

L'avocat d'origine burkinabée Obadolo Olivier, qui est inscrit aux barreaux du Québec et de l'Ontario, affirme qu'il est fondamental de protéger un accusé pour éviter qu'il ne se fasse assassiner.

« La protection d'un condamné en détention est un aspect qu'il ne faut pas négliger », dit-il.

Me Greenwood affirme que le secret et la censure permettent aussi de protéger « des informations sensibles » dans des cas d'agression d'enfant, d'agression sexuelle contre des femmes ou des Autochtones, ou encore dans des cas de toxicomanie.

« Il est donc essentiel d'équilibrer le droit des victimes à la confidentialité et le droit du public à être informé », dit-elle.

L'avocate Jessyca Greenwood. Source: LinkedIn
L'avocate Jessyca Greenwood. Source: LinkedIn
La moindre information sur les lieux d'un procès peut enfin révéler, selon elle, de précieux indices à la presse, lesquels pourraient compromettre la confidentialité qui protège le nom de l'accusé.

« Si le procès s'est tenu dans une petite ville du nord de la province où il n'y a qu'un seul juge, il serait alors facile de remonter la filière pour en savoir plus sur la cause », explique-t-elle.

Me Olivier soutient par ailleurs que la divulgation des informations n'aurait de toute façon rien changé au verdict. « La Cour d'appel n'a fait aucune faveur à quiconque dans cette affaire », dit-il.

Me Rahim ajoute néanmoins que le principe des tribunaux ouverts permet aussi au public, par l'intermédiaire de la presse, de rendre responsable l'administration de la justice ou encore la Couronne dans une cause criminelle.

Réaction de la Cour d'appel

Dans un courriel, le plus haut tribunal de la province écrit que « l'ensemble du dossier a été scellé conformément à une ordonnance », ce qui signifie que le public ne peut même pas y avoir accès en consultant sur place le dossier moyennant des frais.

La Cour d'appel explique que le procès s'est tenu à huis clos et que le jugement a bien été caviardé pour protéger la confidentialité d'informateurs dans cette affaire.
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