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Quoi de neuf en droit de l’emploi ?

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Camille Dufétel

2023-07-26 13:15:00

Ça bouge en droit de l’emploi ! Une associée au sein d’un grand cabinet explique tout à Droit-Inc…
Me Magali Cournoyer-Proulx. Source: Fasken
Me Magali Cournoyer-Proulx. Source: Fasken
Me Magali Cournoyer-Proulx, associée chez Fasken et spécialisée en droit de l’emploi, en droit professionnel et en droit de la santé, a récemment été invitée à se joindre à l’American Employment Law Council (AELC), première organisation nationale d’avocats de haut niveau en droit du travail et de l’emploi.

Pour y adhérer, il faut être un avocat expérimenté et accompli dont la pratique consiste principalement à représenter un ou des employeurs à un niveau de responsabilité important. Droit-Inc a souhaité en savoir plus auprès de l’associée, Barreau 1997, sur cette organisation, et surtout sur ce qui anime en ce moment les avocats en droit de l’emploi.

Pouvez-vous me parler un peu de l’AELC ? Comment y adhère-t-on ?

C’est sur invitation, par des gens soit déjà membres, soit qui ont une certaine notoriété dans l’industrie. Je viens tout juste d’être nommée, donc je n’ai pas encore eu l’occasion de participer aux formations. Ils offrent des formations de très haute qualité qui regroupent des panélistes de partout en Amérique du Nord. La prochaine va porter sur trois décisions rendues par la Cour suprême des États-Unis.

C’est vraiment une association dédiée à l’éducation, qui ne fait pas de lobby et qui suit les courants juridiques pour les employeurs. C’est à très haut niveau.

Comment décririez-vous votre pratique ?

Je pratique en droit de l’emploi, et il y a une distinction à faire entre droit du travail et droit de l’emploi. Principalement, mes clients sont des entreprises non syndiquées comme les institutions financières, comme des entreprises de services professionnels…

Cela m’amène à conseiller des entreprises principalement pour des questions liées à l’embauche de dirigeants ou de hauts dirigeants, de cadres supérieurs, ou à des congédiements. Quotidiennement, je suis appelée à donner des conseils sur d’autres questions liées à la discipline, aux droits des personnes, aux situations de harcèlement, d’enquêtes internes…

Ce que j’aime beaucoup dans ma pratique, c’est le caractère stratégique des interventions que je dois faire ou des conseils que je dois donner.

Le cadre juridique est assez bien établi, le défi est que le client arrive avec une situation et veut savoir comment la régler. La situation ne se règle pas toujours avec un recours juridique. Il faut savoir penser en dehors de la boîte.

On connaît le contexte économique actuel, la pénurie de main-d’œuvre… Est-ce que tout ça a un impact sur votre pratique ?

Absolument ! Ce qui est intéressant, c’est qu’on voit de tout en ce moment. On a une pratique pancanadienne, et entre collègues, on se dit « Ah, tiens ! On a des clients qui sont en train de faire des licenciements collectifs »… C’est lorsque plus de dix employés sont mis à pied en même temps sur une période de deux mois.

Certains d’entre nous en ont vu plusieurs dans les derniers mois, alors que d’autres clients sont encore sur un mode embauche et sur comment recruter la main-d’œuvre la plus qualifiée… On se pose encore ces questions liées au contexte de pénurie de main-d'œuvre et d’entreprises en croissance.

On voit encore les deux et c’est ça qui est tout à fait étrange et particulier. C’est quelque chose que je n’ai pas souvent vu dans mes 25 années de pratique, de conseiller d’un côté les employeurs qui doivent laisser aller des dizaines ou des centaines d’employés, et de l’autre, des employeurs qui nous disent qu’ils peinent à recruter.

Un employeur qui peine à recruter va être beaucoup plus tolérant par rapport à ses employés. Il va vouloir les garder et travailler avec eux pour essayer d’améliorer leurs performances, leur attitude au travail… Il va être plus patient qu’il ne l’était. Il ne peut pas se permettre de congédier autant qu’avant.

Vous dites que vous n’avez jamais vu ça avant… Quelle est la différence avec avant ?

C’était l’un ou l’autre. En période de récession, par exemple en 2008, il y avait une tendance à la réduction des effectifs. Il y a cinq ans, ce qu’on voyait, c’était de l’embauche. Là, on voit les deux.

Entre avocats, on a réalisé ce qu’on pense qu’il va arriver depuis 2020. Concernant la crise économique liée au départ à la pandémie, il y a eu trois mois d’incertitudes avec une grosse crise, mais après, il y a eu un boom extraordinaire, on a vu que ça continuait et là, on commence à voir définitivement un essoufflement.

Les entreprises en démarrage sont les plus affectées et doivent passer à travers des décisions difficiles de restructuration et donc de licenciements.

Quelles sont les entreprises qui s’en sortent bien ?

C’est difficile à dire, je pense aux entreprises bien établies, mais en même temps, on vient de voir un licenciement massif dans de grandes institutions financières. C’est difficile de donner une tendance nette. Autant, dans les entreprises de technologies émergentes, certaines ont plus de difficultés, autant il y en a d’autres pour qui ça va très bien.

La tendance générale est donc : licenciements collectifs d’un côté, embauche dans un contexte de pénurie de main-d'œuvre de l’autre…

Oui. Ce qu’on voit dans les licenciements, ce sont des gens qui sont en train de planifier. Ce que j’entends, c’est qu’on veut se prémunir, on anticipe ce qui pourrait devenir une récession. Les gens sont vraiment dans l’incertitude.

Ça les amène à faire des choix peut-être plus de prévention. Il y a ça aussi. Ce n’est pas nécessairement lié à la performance.

Depuis quand remarquez-vous cette tendance ?

Je dirais depuis 2022, probablement.

On est donc dans un contexte assez mitigé en droit de l’emploi ?

Exact, dans un contexte d’incertitude, de prudence, mais définitivement, l’enjeu de garde des talents est là pour tous. Avoir les meilleurs talents demeure un défi aujourd’hui. Avoir de la main-d'œuvre qualifiée reste compliqué.

Comment accompagnez-vous les entreprises qui peinent à recruter ?

Il faut penser à des façons d’attirer les talents. À titre d’exemple, comment on va les rémunérer, comment on va les inciter à venir chez nous, comment on va leur assurer un emploi pendant un certain temps… Il faut des stratégies qui vont les convaincre de se rendre chez nous et les rassurer quant au risque qu’ils prennent de sauter la clôture.

Les incitatifs à long terme sont aussi une bonne façon de retenir les employés. Par exemple, transformer une partie de leur rémunération en un incitatif à long terme, comme des options d’achat d’actions, ou des bonis versés sur le long terme. La personne va y penser deux fois avant de quitter alors qu’elle sait qu’une somme importante pourrait lui être versée un peu plus tard.

En même temps, ça existait déjà, mais c'étaient des moyens de rémunérer aussi en fonction du rendement de l’entreprise. La difficulté, c’est que si ton entreprise va moins bien, ça ne va pas t’aider à retenir tes employés.

Que voyez-vous également évoluer en droit de l’emploi ?

J’ai envie de vous parler des situations de harcèlement qui sont vraiment très compliquées et délicates pour les employeurs. Il y a énormément de firmes d’enquête externes qui sont en train d’opérer parce qu’elles sont très en demande. On le fait, mais parfois, on ne peut pas à la fois conseiller l’entreprise et faire l’enquête.

On doit travailler avec certaines firmes qui font des enquêtes externes.

Pour les employeurs, c’est hautement délicat et prenant. Souvent, ça implique le management. La personne qui se sent harcelée peut être une victime, mais celle qui peut être accusée à tort de harcèlement, qui a exercé ses droits de gérance, peut aussi se sentir être une victime.

Et là, comme employeur, tu es pris entre ces deux personnes qui se sentent elles-mêmes des victimes du processus. Parfois, on ne sait pas encore où se trouve la réalité et deux employés très performants peuvent être impliqués dans cette situation. Il faut gérer ça avec beaucoup de doigté et de jugement.

Vous voyez de plus en plus de cas en la matière ?

Oui, je dirais qu’il y en a eu peut-être encore plus avec la pandémie, ç'a créé des nouvelles situations… Peut-être que les gens étaient plus sensibles, peut-être qu’ils étaient plus impatients aussi, donc ç'a créé plus de situations explosives selon moi.
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