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Le goût du vin nature!

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Camille Dufétel

2023-09-19 13:15:00

Les enjeux juridiques liés au vin nature occuperont-ils bientôt certains avocats? À Montréal, l’un d’entre eux s’y intéresse en tout cas de près.
Me François Pariseau. Sources: LinkedIn et Shutterstock
Me François Pariseau. Sources: LinkedIn et Shutterstock
Avocat chez Lavery à Montréal où il est membre du groupe de droit administratif, Me François Pariseau s’apprête à animer une conférence le 28 septembre prochain à l’Université de Montréal sur un sujet qui sort quelque peu des sentiers battus: le vin nature.

Intitulée « Vin nature et droit : oxymore ou réconciliation possible? », la conférence, qualifiée de « décontractée » par l’avocat, sera l’occasion d’examiner le phénomène du vin nature sous l’angle juridique.

Il est effectivement rappelé que « bien qu’enivrant et sapide pour plusieurs, le vin nature ne possède encore aucune existence juridique à l’international ». L’avocat prévoit de démystifier ce sujet avant une petite dégustation!

Droit-Inc en jase avec lui.

Pourquoi vous a-t-on choisi pour animer une conférence sur le vin nature?

J’ai fait un essai dans le cadre de ma maîtrise en common law et droit transnational qui portait essentiellement sur le vide juridique entourant le vin nature.

On en entend beaucoup parler et sa popularité ne fait que grandir depuis les dix dernières années. Ça m’a intéressé parce que j’ai travaillé dans des bars pour payer mes études, et que je devais vendre du vin nature. C’était au moment où je devais choisir mon sujet de maîtrise.

Je me suis rendu compte en lisant des livres sur le sujet qu’il y avait véritablement un vide juridique. Il n’y a pas d’existence formelle à l’international du vin nature. Ce n’est qu’un concept inventé par la société civile auquel les gens se réfèrent avec différentes définitions.

Donc, on peut dire qu’on fait du vin nature sans critères très précis, et c’est problématique?

Exactement. Ça ne rentre pas dans les cases de qualifications habituelles du vin. Par exemple, les indications d’origine protégée, ou les labels qui existent déjà, comme la feuille verte, qui réfère au bio européen. Il faut savoir qu’un vin nature va beaucoup plus loin que ces labels.

Donc, on peut dire qu’on fait du vin nature, et tout le monde sait à peu près que c’est un vin avec le minimum possible d’interventions, mais il n’existe pas de certification qui peut nous dire que c’est effectivement du vin nature.

Il faut se fier à la réputation du vigneron si on le connaît, et à ses méthodes de travail. Il faut savoir aussi que c’est carrément interdit à certains endroits, de mettre les mots « vin nature » sur la bouteille. Selon la législation européenne, on ne peut pas le faire parce que ce n’est pas reconnu par la réglementation en vigueur.

L’argument des gros producteurs de vin est de dire que si certains mettent « vin nature » sur leurs bouteilles, ça implique que leurs propres vins ne sont pas naturels.

Mais en Europe, on en voit pourtant, du vin nature? Et au Québec, qu’en est-il?

Oui, les gens « disent » qu’ils font du vin nature.

Au Québec, c’est la même chose, on suit essentiellement la législation européenne qui a beaucoup d’influence sur la manière dont les gens vont décrire leur vin sur la bouteille.

Une initiative intéressante à mon sens vient du milieu syndical français qui a mis sur pied le label « Vin Méthode Nature ». Ça reste encore un projet pilote auquel le gouvernement français a donné son aval. Mais différents pays en Europe contestent devant la Commission européenne l’existence de ce label.

On va voir comment tout cela se développe, mais à noter que c’est en raison de l’interdiction de mettre « vin nature » sur les bouteilles que l’initiative syndicale française a choisi d’indiquer « Vin Méthode Nature ».

On ne peut pas toujours être sûr que du vin présenté comme du vin nature dans un bar ou autre en soit vraiment?

Oui, il y a des vins qu’on appelle du vin nature, qui s’en approchent, qui n’en sont pas réellement.

Vous pensez qu’il va falloir à un moment donné légiférer là-dessus?

Oui, parce que le droit déteste les choses qu’il ne contrôle pas, les choses qui ne sont pas réglementées. Le vin est resté longtemps dans un certain angle mort du droit, à tort ou à raison.

Ce qui rajoute de la complexité à tout cela est qu’il y a des réglementations publiques de l’Union européenne. Plusieurs labels sont des regroupements privés, des OBNL qui font des cahiers des charges et essaient de donner certaines informations aux consommateurs. Puis vous avez aussi tout ce qui vient de la société civile avec le vin nature qui ne fait partie d’aucune réglementation internationale.

Le vin est d’ailleurs le seul produit agroalimentaire pour lequel on ne retrouve pas une table de valeurs nutritives, une liste d’ingrédients. Mais ça va changer à partir du 8 décembre 2023 dans l’UE, il y a eu un genre de compromis entre gros et plus petits producteurs. Ils vont être obligés d’inclure une table nutritive et une liste d’ingrédients sur leur bouteille.

Ils pourront choisir de mettre un code QR qui renverra aux informations de la table nutritive.

On voit donc que les lignes commencent à bouger…

Exact, ça bouge. D’après moi, c’est sûr qu’il faut qu’il y ait quelque chose qui soit fait pour le vin nature et c’est évident que ça le sera. Ça ne peut pas rester dans l’ombre comme ça alors que c’est un phénomène qui existe et dont tout le monde parle.

Pourquoi a-t-on décidé d’organiser une conférence sur le sujet à l’UdeM?

En fait, j’ai parlé de ce sujet à une de mes amies qui a fait son doctorat à l’Université de Sherbrooke et qui a été ma chargée de cours pendant que je faisais ma maîtrise. Elle m’a invité à donner une présentation sur le droit du vin à l’UQAM.

Suivant cela, j’ai parlé de cette conférence à une amie affiliée au Centre de recherche en droit public de l’UdeM, Ève Gaumond, c’est elle qui m’a lancé l’invitation.

Vous appréciez le vin nature de votre côté?

J’apprécie beaucoup le vin nature. Je ne suis pas spécialisé en vin mais je trouve que ça a participé à une certaine démocratisation du vin. On a tendance à voir cela comme quelque chose de super compliqué.

Je ne m’attendais jamais à voir une révolution aussi grande d’un produit qui existe depuis des millénaires, qui dérange certaines personnes de la vieille école mais qui en même temps, donne une expression très claire de ce qu’est un vin de qualité.

Ça mène à des discussions sur ce qu’on appelle un vin de qualité. Dans les plus grands restaurants au monde, les gens en veulent…

L’idée est d’aider le plus possible la nature à faire son travail et non de contrôler le processus.

Dans votre métier, pensez-vous que vous aurez des dossiers à traiter sur le sujet à l’avenir?

Je pense que c’est possible. Il y a beaucoup à faire. C’est un sujet assez intéressant et beaucoup plus travaillé en France, en Europe, avec des avocats qui représentent des vignerons et des agences de vin. C’est sûr que j’aimerais à terme arriver à arrimer mes deux passions et faire du droit du vin.

Actuellement, j’ai une belle pratique connexe chez Lavery, en faisant du droit public, du droit réglementaire.

Pour terminer, il faut penser à comment ce qui arrive avec le vin nature pourrait arriver dans d’autres domaines agroalimentaires. Avec d’autres produits plus verts, plus bios, plus naturels!
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2 commentaires
  1. Demis Roussos
    Demis Roussos
    il y a un an
    Le véritable débat
    La vraie question est: pourquoi confondre vin nature et vin de qualité? Ça n'a pas de lien.

    La majorité des vins natures sur le marché sont issus de vignerons qui ne travaillent pas assez bien et précisément pour maitriser les défauts potentiels du vin (que le souffre permet de mieux maitriser). Par la suite, des sommeliers hipsters essaient de convaincre les clients que les odeurs déviantes ou le pétillant d'un vin qui a refermenté en bouteille seraient en fait....des qualités!

    Seuls de très bons vignerons maitrisent assez bien ce qu'ils font pour faire du bon vin nature et malheureusement, les vins résistent mal au voyage avec les changements de température dus au transport non réfrigéré. Ça donne à l'arrivée, parfois de bons vins, parfois des boissons pétillantes aux goûts étranges qu'on confond avec du vin... Bref, il est faut de dire que le vin nature est un vin de qualité. C'est une méthode qui peut donner de bons résultats mais qui comporte beaucoup plus de risques de déception et il y a trop souvent l'arnaque des hipsters qui veulent faire passer des picrates pour du bon vin,

  2. Roxanne
    Roxanne
    il y a un an
    Autres mentions
    La mention "vin nature" peut évoquer un faux sentiment de confiance, car elle est facilement associée à la mention "bio", laquelle, requiert une certification.

    Il va de soi qu'une autre force de la mention "nature" est qu'elle peut être couplée avec d'autres, tout aussi non réglementées internationalement et/ou localement : le petnat, le blanc de noir, le vin orange, le vin veagan, etc.

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