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Au secours, l'inspecteur débarque!

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Emeline Magnier

2014-07-17 15:00:00

Ça y est, vous allez recevoir la visite d’un inspecteur du Barreau. Votre coeur palpite, vos mains tremblent et vous n’arrivez plus à dormir. Voici un aperçu de ce qui vous attend...

Quand un avocat apprend qu'il va recevoir la visite d'un inspecteur professionnel, en général il ne considère pas qu'il s'agit d'une bonne nouvelle. « Beaucoup d'avocats croient qu'ils sont poursuivis ou qu'il y a une plainte contre eux. On travaille contre ça. La visite fait partie de notre service », indique Me Geneviève Lefebvre, directrice du Service de l'inspection professionnelle du Barreau du Québec.

Me Geneviève Lefebvre, directrice de l'Inspection professionnelle du Barreau du Québec
Me Geneviève Lefebvre, directrice de l'Inspection professionnelle du Barreau du Québec
Chaque année, 700 à 900 visites sont réalisées par une trentaine d'inspecteurs, qui ont eux-même leur propre pratique. Ils rencontrent des avocats qui exercent dans le même domaine d'activité qu'eux. « Pour nous, c'est une priorité : on veut des gens qui seront pertinents dans leurs propos. Ce n'est pas toujours facile et quand l'avocat couvre plusieurs secteurs, deux inspecteurs pourront le rencontrer », indique Me Lefebvre.

Les avocats inspectés sont choisis aléatoirement, suite à un signalement fait au syndic ou en fonction des orientations et du programme établis par l'inspection professionnelle. « Le but est de visiter les avocats tous les cinq à sept ans. Cette année, nous avons décidé de nous concentrer notamment sur les avocats en droit de l'immigration car leur clientèle fait partie des plus vulnérables », souligne la directrice.

Entre 250 et 350 visites d'inspection comptable ont également lieu chaque année, indépendamment ou suite à la tenue d'une inspection professionnelle. « Lors de l'inspection professionnelle, la comptabilité est passée en revue mais si une étude supplémentaire est requise, il pourra y avoir une inspection comptable ».

Une procédure par étapes

Plusieurs mois avant la visite, un guide d'auto-évaluation est transmis aux avocats, lequel fait référence aux différentes normes applicables. 1 000 à 1 500 guides sont envoyés chaque année. « Différentes raisons justifieront qu'une visite ne suive pas l'envoi du guide : un congé maternité, un arrêt de la pratique, une recherche d'emploi… », énumère Me Lefebvre.

Les membres du Barreau ont 30 jours pour le compléter et le signer à même la plateforme du Service de l'inspection, qui traitera et analysera les déclarations de l'avocat. Dans les quatre mois qui suivent, une lettre de recommandations est envoyée à l'avocat en fonction des lacunes qui auront été relevées dans le guide.

 Les avocats inspectés doivent être en mesure de répondre aux questions posées sur leur comptabilité
Les avocats inspectés doivent être en mesure de répondre aux questions posées sur leur comptabilité
Un rendez-vous est ensuite fixé avec un inspecteur pour la tenue de la visite, confirmée par l'envoi d'un avis. « L'avocat doit être prêt et en mesure de répondre aux questions de l'inspecteur. Si ce n'est pas lui qui fait sa comptabilité, la personne responsable doit être présente », indique Me Lefebvre.

Application des normes et vérification des compétences

Pendant trois heures, l'inspecteur va passer au crible la pratique de son confrère et vérifier si les normes relatives à la tenue des dossiers, du bureau, de la comptabilité et des registres bancaires sont correctement appliquées. Il analysera également la compétence et les connaissances de l'avocat en choisissant quelques dossiers au hasard.

« On vérifie la rédaction des procédures, la qualité de l'argumentation, de la rédaction et la stratégie suivie. On peut aussi s'assurer que l'avocat connaisse la nouvelle loi en vigueur dans son champs de pratique et qu'il a correctement fait ses devoirs ».

La visite se termine par un résumé des recommandations faites à l'avocat en fonction de ce qui aura été relevé par l'inspecteur, qui peut aussi prendre copie de certains documents pour approfondir son analyse. « On veut que l'avocat modifie son comportement et sa façon de faire dès le lendemain. Quand l'inspecteur s'en va, il sait ce qu'il doit retravailler », indique Me Lefebvre.

Si les normes sont correctement appliquées, l'inspecteur donnera alors des conseils pour permettre à l'avocat d'avoir une meilleure pratique. « On vise l'excellence. Les inspecteurs ont dix à vingt ans d'expérience et peuvent donc donner beaucoup de trucs et astuces ».

Recommandations et suivi

Une lettre de recommandations pourra ensuite être envoyée pour rappeler les points à améliorer. Dans les 30 jours, l'avocat devra répondre au Service de l'inspection pour confirmer que les changements ont bien été apportés. Entre 50 et 80 visites de suivi sont organisées annuellement pour vérifier leur application.

Si l'avocat ne répond pas à la lettre de recommandations, « il est vraiment dans le pétrin », lance la directrice, qui souligne toutefois que les avocats collaborent dans 85 à 90% des cas. Un refus de réponse ou une entrave lors de la visite peut conduire à un signalement au syndic et à une radiation de deux à quatre mois.

 Il faut appliquer les Normes de tenue de bureau et de dossiers
Il faut appliquer les Normes de tenue de bureau et de dossiers
Pour que l'inspection se déroule dans les meilleurs conditions possibles, Me Lefebvre conseille à ses confrères de se tenir prêts. Pour les aider, le Barreau met à leur disposition de nombreux guides (voir liens ci-dessous) et modèles accessibles depuis son site internet. « Faites le ménage et si vous avez des questions, appelez-nous avant la visite ». Elle recommande également de prendre le temps de réfléchir avant de répondre aux questions posées : « Si on se trompe, on risque de perdre de la crédibilité ».

Erreurs et conséquences

Parmi les erreurs les plus fréquemment observées, il y a le dépôt des avances de fonds dans le compte de l'administration générale, l'absence de tenue de comptabilité, la prise de mandats sans lien avec ses compétences et la trop grande crainte de l'inspection. « Quand on a peur, on ne collabore pas. Il faut nous utiliser pour avoir une meilleure pratique. »

Elle note aussi que certains avocats, victimes de maladie, de dépression ou de deuil, ne sont plus en mesure de pratiquer et devraient prendre un temps d'arrêt. « Il faut qu'un confrère prenne la relève pour que les clients ne perdent pas leurs droits, d'où la nécessité d'avoir une pratique organisée », indique Me Lefebvre.

D'autres prennent l'inspection à la légère et oublient qu'en cas d'irrégularités majeures, elle peut aboutir à une limitation du droit de pratique : « On voit de tout, dans toutes sphères d'activités, des compétents et organisés et quelques cas catastrophes qui nécessiteront une visite mensuelle. Quelques fois, c'est tellement à l'envers qu'il est difficile de trouver une chaise pour s'asseoir. »

Mais il y a aussi des « success-stories » pour des avocats qui, partis de très loin, ont aujourd'hui de belles pratiques rentables. « À force de collaborer, on obtient des résultats », conclut Me Lefebvre.



Me Geneviève Lefebvre a débuté sa carrière au sein du cabinet Davies en 1997 où elle pratiquait en litige commercial. Elle a ensuite intégré McCarthy Tétrault en 2000 avant de devenir directrice adjointe du Service de l'inspection professionnelle du Barreau en 2007. Depuis 2010, elle occupe la direction de ce service.

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