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Un juge ordonne le retour à l’école d’un ado présumé agresseur

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Radio-canada Et Cbc

2024-05-30 10:15:24

Source: Evanto
Source: Evanto
Peut-on avoir commis des gestes à caractère sexuel et continuer de fréquenter la même école que ses présumées victimes? Oui, ordonne un juge!

Un juge de la Cour supérieure ordonne la réintégration en classe d’un adolescent accusé d’avoir commis des gestes sexuels, six mois après son expulsion.

L’adolescent fréquente une école secondaire du Centre de services scolaire des Navigateurs (CSSDN), en Chaudière-Appalaches. Puisqu’il ne peut être identifié parce qu’il s’agit d’un mineur, la décision du juge Jacques Blanchard le désigne comme « X ».

« X » est suspendu de son école secondaire à l’automne 2023. Il est soupçonné d’avoir commis des actes à caractère sexuel envers trois présumées victimes, dont deux élèves de son école.

Il est accusé de distribution de pornographie juvénile, de leurre et de possession de pornographie juvénile. L’adolescent, qui a plaidé non coupable, accepte de se conformer à des conditions de remise en liberté. Il lui est interdit de communiquer avec ses présumées victimes ou de se trouver en leur présence.

Trois jours après avoir pris connaissance de ces conditions, la direction de l’école expulse « X », qui est transféré dans un autre établissement. Or, sa mère affirme au tribunal qu’il n’y a aucun transport en commun ni taxi scolaire dans le secteur où elle habite et qu’elle n’est pas en mesure d’assurer le transport de son fils.

Plainte déposée

La mère porte plainte au Protecteur national de l’élève. Un service de cours à distance est mis en place pour l’adolescent plus d’un mois après son expulsion. Ses conditions de remise en liberté sont modifiées, lui permettant de retourner dans son école, malgré la présence des autres élèves.

La Protectrice régionale de l’élève rédige son rapport à l’hiver et le transmet au CSSDN. Elle recommande la réintégration de l’élève en classe. Entre-temps, une accusation supplémentaire est portée contre « X », soit celle d’agression sexuelle envers l’une des présumées victimes qui fréquente son école.

Malgré les recommandations, le conseil d’administration du Centre de services scolaire des Navigateurs décide de maintenir son expulsion.

Cinq mois après avoir été retiré de l’école, « X » apprend que sa scolarisation à distance est terminée et qu’il se retrouve privé d’instruction.

Crainte d’une présumée victime

La mère de l’adolescent a décidé de se tourner vers les tribunaux. Elle réclame ni plus ni moins que la réintégration sans délai de son fils dans son l’école, afin qu’il puisse terminer sa deuxième année du secondaire.

Devant le tribunal, le CSSDN a expliqué avoir l’obligation d’assurer la sécurité des élèves. « X » aurait été expulsé puisque l’école en question est « de petite taille, rendant difficile de tenir à distance X et les présumées victimes, dont l’une craint d’ailleurs la réintégration de celui-ci ».

Dans son jugement rendu au mois d'avril, le juge Blanchard tranche toutefois en faveur de « X » et de sa mère. Il rabroue le CSSDN, qui n’aurait pas entendu la version des faits de l’adolescent et de sa mère avant de l’expulser.

Balance des inconvénients

Puisque l’adolescent était privé d’éducation au moment de rendre sa décision, le juge affirme que « sa réussite scolaire est gravement compromise » et qu’il subirait « un préjudice sérieux et même irréparable » s’il ne pouvait pas retourner en classe.

Or, le juge conclut que c’est « X » qui se retrouve désavantagé.

« Le Tribunal conclut ainsi que la balance des inconvénients favorise X », écrit le juge, précisant que les conditions de remise en liberté permettent au CSSDN « de rencontrer ses obligations à l’égard des élèves fréquentant l’établissement ».

Le juge a donc ordonné au centre de services scolaire de réintégrer l’élève jusqu’au 11 juin, date prévue du retour en cour de son dossier.

Le CSSDN a refusé de commenter la situation, puisque des accusations criminelles pèsent toujours contre « X ». L’organisation n’a pas non plus voulu préciser quelles mesures ont été mises en place pour éviter que l’adolescent ne croise ses présumées victimes à l’école.

« Toutes les décisions ont été prises dans l’intérêt des victimes, tout en s’assurant de la scolarisation du présumé agresseur », mentionne Louise Boisvert, coordonnatrice des communications, Centre de services scolaire des Navigateurs

Une loi-cadre réclamée

Cette situation illustre la double responsabilité des établissements scolaires pour le Regroupement des CALACS, les centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel.

« C'est important de garantir l'accès à des services scolaires, mais c'est aussi important d'assurer la sécurité des victimes d'agression à caractère sexuel », illustre la responsable des communications, Justine Chénier.

Elle déplore qu’il n’existe aucun protocole uniforme permettant aux écoles québécoises de savoir comment réagir face à des allégations d’actes à caractère sexuel, créant des réactions « à géométrie variable ».

Elle plaide pour l’instauration d’une loi-cadre destinée aux écoles primaires et secondaires, comme il en existe pour les cégeps et les universités. La députée de Québec solidaire, Ruba Ghazal, a déposé à deux reprises un tel projet de loi.

« Malheureusement, pour le moment, cette loi-là est tablettée par le gouvernement de la CAQ », déplore la députée de Mercier.

Ruba Ghazal explique que cette loi comporterait des protocoles, et définirait les responsabilités des intervenants scolaires. Elle permettrait ainsi aux directions d'école de savoir quoi faire lorsqu'un élève est accusé de gestes à caractère sexuel, mais n'a pas encore été retrouvé coupable.

« C'est un outil qu'on donne aux écoles, avec des ressources, pour les aider dans ce genre de situation-là, lorsqu'ils sont pris entre l'arbre et l'écorce », précise Ruba Ghazal.

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