Procès Turcotte: les réactions des avocats

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Céline Gobert Et Emeline Magnier

2015-12-07 15:00:00

À la suite du verdict rendu dans le second procès de Guy Turcotte, reconnu coupable de meurtre non prémédité, Droit-inc a recueilli les commentaires d’avocats criminalistes...

«Les avocats ont fait un travail remarquable»

Me Julie Couture, avocate criminaliste
Me Julie Couture, avocate criminaliste
« Je ne suis pas surprise, je m'attendais à un verdict de meurtre au deuxième degré » lance au bout du fil l'avocate criminaliste Julie Couture, même si elle ajoute qu'on ne peut jamais savoir avec certitude ce que le jury décidera.

Lors du second procès, des éléments de preuve qui n'avaient pas été autorisés au premier procès, ont pu être produits sur certains faits postérieurs à l'infraction, ce qui aurait notamment participé au verdict de culpabilité.

« Les directives au jury ont aussi été différentes et l'arrêt Bouchard Lebrun de la Cour suprême est venu établir qu'on ne pouvait invoquer l'intoxication et le trouble mental comme une défense de non-responsabilité » indique l'avocate.

L'appel du verdict est toujours possible s’il y a des erreurs dans les directives au jury et que l'appel a des chances de succès. « Si la défense décide d'aller en appel, il y a aussi un risque que Guy Turcotte soit condamné pour meurtre au premier degré, il faut le considérer.»

Advenant que l'appel soit déposé et accepté, un troisième procès pourrait alors être ordonné, précise l'avocate.

Le verdict de meurtre au second degré entraîne une peine de prison à vie mais le juge André Vincent devra fixer le minimum à purger entre 10 et 25 ans, après quoi Turcotte pourra tenter d'obtenir une libération conditionnelle.

Selon Me Couture, qui se réfère au cas de François Tartamella - jugé également par le juge André Vincent- et condamné pour le meurtre non prémédité de son ex-conjointe et de la fille de celle-ci -, il pourrait devoir effectuer 15 ans de détention.

« Les avocats de la défense et du Directeur des poursuites criminelles et pénales ont fait un travail remarquable dans une affaire très médiatisée. Ils ont réussi à prendre le recul nécessaire pour mener à bien le dossier », conclut Me Couture.

« Un procès de société »

Me Richard Philippe Guay, avocat du cabinet RPG Avocat
Me Richard Philippe Guay, avocat du cabinet RPG Avocat
Si Me Richard Philippe Guay indique faire confiance au système de justice, il affirme toutefois se questionner sur la pertinence d'un procès devant jury pour apprécier la culpabilité d'une personne relativement à la plus grosse infraction du Code criminel.

« Ce sont douze personnes qui n'ont pas de formation juridique qui décident du sort d'une autre personne », dit l'avocat du cabinet RPG Avocat, à Québec.

Il ajoute que contrairement aux affaires tranchées par un juge où un jugement motivant les faits retenus et le droit applicable est rendu, on ne dispose d'aucune information sur le raisonnement suivi par les jurés. « On ne saura jamais pourquoi ils n'ont pas retenu le meurtre au premier degré ou la non responsabilité criminelle.»

Me Guay s'interroge également sur l'équilibre des forces en présence de part et d'autre. « Il y avait une grosse équipe du côté du DPCP, la défense était-elle désavantagée ? »

Il rappelle que les frères Poupart ont agi sur un mandat d'aide juridique et disposaient donc de moyens limités. « On se demande si c'était vraiment le procès de Guy Turcotte ou un procès de société », conclut-il.

« Le jury a-t-il était objectif ? »

Me Pierre Poupart a fait un travail remarquable.
Me Pierre Poupart a fait un travail remarquable.
Si le verdict rendu, qu’il qualifie de « raisonnable », n’a pas surpris non plus Me Normand Bibeau, avocat de la défense, le côté revanchard de la vindicte populaire lui a cependant paru « exorbitant ».

« Le jury a-t-il était objectif sachant que depuis 2009 on ne parle que de cela ? Selon le serment que les jurés ont prêté,oui, puisqu’ils ne jugent qu’en fonction de la preuve qu’il leur est soumise, mais on peut se demander s’ils ont vraiment fait abstraction de l’opinion du public qui a véritablement été électrocuté par le premier verdict...»

Selon lui, Turcotte pourrait bien écoper d’une peine « très près du maximum », comme 20 ans. Ou bien 15 ans si l’on considère qu’il a de bonnes chances de réhabilitation et que c’est un événement isolé dans sa vie, « deux critères qui peuvent favoriser une peine autour de 10 ans. »

Il ne cache pas son admiration pour Me Pierre Poupart, avocat de la défense, qui a dit-il refusé un gros mandat rémunérateur pour faire ce dossier là. « Il faut être terriblement courageux pour affronter les regards déplaisants, rageurs, revanchards des gens. Vous savez, ce sont des dossiers qui nous habitent, qui dévorent l’âme. Me Poupart a connu l’homme que nous n’avons pas connu et il s’est peut-être convaincu que son acte ne représentait pas l’homme qu’il était. »

D’ailleurs, il pourrait bien faire appel, selon Me Bibeau. « C’est un battant et il ne lâche pas prise facilement. »

« La preuve de la poursuite a été améliorée »

Bien qu’il précise respecter le verdict des jurés, l’avocat de la défense Me Robert Bellefeuille déclare ne pas exclure la thèse de l’homicide involontaire privilégiée par la défense.

« Selon le psychiatre, un trouble d’adaptation est un rhume de psychiatrie mais si vous consultez les informations sur les suicides des six dernières mois, des troubles d’adaptation les précèdent ».

Entre les deux procès, la poursuite a pu améliorer la preuve, se montrer plus précise et rigoureuse, selon lui. Le psychiatre aussi n’était pas le même. C’est cela qui a fait la différence selon l’avocat de la défense.
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6 commentaires

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 8 ans
    Suicide vs meurtre
    « Selon le psychiatre, un trouble d’adaptation est un rhume de psychiatrie mais si vous consultez les informations sur les suicides des six dernières mois, des troubles d’adaptation les précèdent ».


    Un suicide et un meurtre sanglant, c'est très différent selon moi. Vouloir mettre fin à ses jours veut souvent dire vouloir mettre fin à sa souffrance. Or, tuer ses enfants comme Turcotte l'a fait, c'est soit volontaire, soit que sa maladie mentale n'a pas bien été diagnostiquée. Le jury a conclu que Turcotte avait la mens rea requise au moment de poser ses actes.

  2. SBS
    faudrait pas exagérer
    "Me Guay s'interroge également sur l'équilibre des forces en présence de part et d'autre. « Il y avait une grosse équipe du côté du DPCP, la défense était-elle désavantagée ? »

    Il rappelle que les frères Poupart ont agi sur un mandat d'aide juridique et disposaient donc de moyens limités."

    La raison pour laquelle les avocats de la défense disposaient de moyens limités est que leur client s'est mis lui-même dans le pétrin. La population a payé pour sa défense, il ne faudrait quand même pas exagérer! Turcotte aurait du plaider coupable et accepter les conséquences de ses gestes.

  3. Anonyme
    Anonyme
    il y a 8 ans
    Justice sous pression populaire
    Si la justice doit être rendue dans le calme et une relative sérénité, la couverture médiatique de l'affaire Turcotte n'y a pas beaucoup contribué. En appelant au lynchage et en se faisant complaisamment le porte-voix de la personne forcément la moins objective qui soit (la mère) les médias ont fait pression indue sur une des institutions fondatrices de notre démocratie. On peut s'attendre à lire de l'opinion dans les chroniques, les éditoriaux et les blogues; nous sommes d'ailleurs à une époque où tous ont une opinion sur tout et sont spécialistes en tout. Mais lorsque la section des nouvelles titre «Justice enfin rendue», cela en dit long sur l'«information» dont nous sommes victimes. Cela n'est guère respectueux à l'endroit des 11 jurés du premier procès qui, comme ceux du deuxième procès, ont non seulement donné des semaines de leur vie pour juger de cette affaire difficile, consciencieusement, mais dont le jugement unanime, fondé sur la preuve qu'eux avaient eu le loisir d'entendre, a ensuite été l'objet du mépris agressif d'une certaine opinion publique alimenté par les médias qui, sans discernement, diffusaient le fiel de la mère, victime, certes, revancharde, assurément et sans surprise, d'autant plus qu'elle bénéficiait d'une totale immunité médiatique au sujet tabou de sa contribution au développement du climat pourri qui a entouré le drame. Les médias en ont fait une Jeanne d'Arc. Pour eux, les experts de la défense étaient achetés puisque payés, et disaient nécessairement n'importe quoi. Pour une société qui a vômi Bush et Harper pour leur conception «chapeau blanc, chapeau noir» de la vie, c'est franchement deux poids, deux mesures. Comme si les experts de la Couronne étaient des bénévoles. Comme si la coexistence d'opinions divergentes était soudainement inusitée et inacceptable et ne pouvait faire partie de notre monde, surtout en matière de psychiatrie. Comme si la justice ne passait pas par un débat contradictoire pour pouvoir soulever ou éliminer le doute. Comme si Galilée n'avait pas eu raison, contre le consensus de l'époque, de prétendre que la Terre était ronde, ne serait-ce que pour soulever un doute raisonnable dans l'esprit des tenants de la théorie de la Terre plate. Justice a été rendue ? Je l'espère, mais ce ne fut pas très édifiant.

    • A
      D'accord
      Tout à fait d'accord!

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 8 ans
      «Justice enfin rendue»,
      «Justice enfin rendue». Il faut considérer la source quand même, non? Ce "journal" n'est est pas à son premier éditorial-manchette-pseudo-couverture objective.

      Le résultat: des commentaires où les gens affirment que ce résultat est le résultat de l'acharnement de la mère, comme si elle avait eu quelque chose à voir avec l'appel, la décision de la CA et le nouveau procès.

      Cela dit, je ne suis pas d'accord que l'on aurait dû parler du "sujet tabou de sa contribution au développement du climat pourri qui a entouré le drame". Ce n'est pas pertinent quand vient le temps de juger l'homme qui s'en est pris à ses propres enfants.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 8 ans
      Pertinence d'aborder le sujet tabou
      «Cela dit, je ne suis pas d'accord que l'on aurait dû parler du "sujet tabou de sa contribution au développement du climat pourri qui a entouré le drame". Ce n'est pas pertinent quand vient le temps de juger l'homme qui s'en est pris à ses propres enfants.»

      Au point de vue de la théorie de cause, c'était pertinent pour apprécier l'évolution de son état mental. Et à partir du moment où l'épouse plaidait agressivement dans les médias, je me serais attendu qu'un journaliste courageux rappelle l'importance qu'il y a pour les parents en instance de séparation, principalement dans l'intérêt des enfants, d'agir avec respect, réserve, doigté et mesure pour éviter de créer un climat explosif ou préjudiciable. Les parents doivent contrôler ce qu'ils peuvent contrôler. Tout le monde a un deuil à vivre en cas de séparation, particulièrement les enfants et celui ou celle qui se fait laisser ou tromper. Réussir sa séparation dans le respect de l'ex-conjoint et des enfants implique par exemple le fait de laisser s'écouler un certain temps avant que le nouveau partenaire n'investisse le milieu familial. Suis-je le seul à penser que c'est élémentaire ? Raison de plus lorsque le nouveau partenaire est un ami du couple. Les divorces acrimonieux sont toujours préjudiciables aux enfants. Il l'aurait été dans le cas Turcotte même si monsieur avait réagi «normalement» et de façon prévisible à ce manque de sensibilité et de respect.

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