L'honorable Danielle Côté, juge en chef adjointe à la Chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec
L'honorable Danielle Côté, juge en chef adjointe à la Chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec
Lorsque l’on a rencontré l’honorable Danielle Côté, juge en chef adjointe à la Chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec dans son bureau avec vue sur le Vieux Port, elle nous a d’abord parlé avec un grand enthousiasme de la Soirée des femmes juges qu’elle a initiée alors qu’elle était présidente du Chapitre canadien de l'Association internationale des femmes juges.

« L’idée était de rencontrer des étudiantes en droit, de les familiariser avec une profession accessible, et de leur dire : croyez en vous et osez ! », déclare-t-elle à Droit-inc au sujet de la 3ème édition de l’événement qui s’est déroulé le 29 octobre dernier à la Faculté de droit de Sherbrooke.

Il faut dire qu’avec ses 21 années d’expérience à la magistrature, celle qui fut la première femme nommée en criminel à Sherbrooke est bien placée pour répondre aux interrogations des étudiantes.

Une formule « intimiste »

La juge Côté, nouvelle ambassadrice de la Faculté et ancienne procureure de la Couronne, est ainsi venue rencontrer une trentaine d’étudiantes en droit de Sherbrooke aux côtés de cinq autres juges : les juges Madeleine Aubé, Julie Beauchesne et Sylvie Durand de la Cour du Québec, la juge Marie Deschamps, juge retraitée de la Cour suprême du Canada et la juge Line Samoisette de la Cour supérieure.

La Faculté de droit a misé sur une formule « intimiste » qui privilégie les « échanges personnalisés », expliquent à Droit-Inc Me Eliane-Marie Gaulin, secrétaire de faculté et directrice des affaires étudiantes à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke et Josée Perreault, coordonnatrice du Centre de développement professionnel.

Le principe est simple : chacune des six juges voit une trentaine d’étudiantes se succéder toutes les 20 minutes à sa table. L’année prochaine, elles seront entre 8 et 10 juges, avec six étudiantes par table.

Et les files d’attente sont longues quand il s’agit de s’inscrire !, explique Me Gaulin qui participe également aux échanges avec Mme Perreault. « Les juges agissent comme modèles, ce sont des femmes de passion, très accessibles ! »

Ne pas baisser la garde

À la Cour du Québec, on trouve aujourd’hui 125 femmes (43%) et 163 hommes (57%). À la Cour supérieure, on compte 73 femmes parmi les 194 juges, soit 37,6 %.

« Y’en a encore qui nous appelle Monsieur le juge, mais c’est juste drôle, confie-t-elle, amusée. Louise Mailhot a raison quand elle dit qu’il ne faut jamais abandonner le combat. Le plafond de verre existe encore. Même si l’époque où on nous appelait Madame au lieu de Maître est loin derrière, il ne faut pas baisser la garde ! »

Durant la soirée, les juges se sont faites assaillir de questions par les étudiantes qui les ont interrogé sur le processus de nomination des juges, les sacrifices qu’elles avaient du faire pour concilier leur vie de famille avec leur travail, et les éléments les plus difficiles dans la fonction de juge.

« Le plus important conseil que je leur donne c’est de trouver un équilibre, explique la juge Côté. Évidemment, il faut travailler fort mais il faut aussi être équilibré dans sa vie, trouver une sérénité et savoir faire la part des choses dans sa vie personnelle et professionnelle ».

Voici quelques-uns de ses autres conseils et réponses :

Se ménager des temps de pause : Travailler neuf heures de suite ne donne pas les résultats escomptés, le cerveau ne suit plus au bout d’un moment, selon elle. « Plusieurs avaient l’air surpris. C’est la même chose en cour, on ne peut pas plaider pendant des heures et avoir la même attention ».

Aimer le monde : Être juge prend beaucoup de respect pour les gens, de l’humanisme, de l’écoute, explique-t-elle. « Il faut réaliser que les gens qui viennent devant nous, c’est le seul contact qu’ils vont avoir avec la justice et ne pas oublier que la magistrature est un service aux justiciables. Moi j’aime le monde. »

Garder la tête froide : « Quand tu sièges en criminel, c’est impossible de ne pas passer quelques nuits blanches en pensant à la peine appropriée. Il y a toujours des dossiers qui vont te faire réfléchir. Je n’ai pas un collègue qui dirait le contraire. On a des décisions à rendre et il ne faut pas se tromper.»

Savoir faire preuve de force de caractère : Elle se souvient d’un dossier où elle devait rendre une décision dans une affaire d’aide au suicide où l’accusé plaidait coupable et on lui demandait une peine suspendue. Quand elle est rentrée dans la salle, l’avocat de la défense pleurait, l’avocat de la Couronne pleurait, l’accusé pleurait. «Toi là tu pleures pas, mais tu peux pas rester indifférent à l’émotion dans la salle. Ce sont de beaux moments. »

Se parer contre la critique : Une fois, après avoir rendu une décision sur la Charte de la langue française en première instance, elle a fait la couverture des journaux qui écrivaient qu’elle était « une incompétente ». « Malgré toute la force de caractère que tu penses avoir, quand tu lis des critiques dans les journaux, tu ne peux pas rester insensible. On est des êtres humains. »

Choisir le bon partenaire: « J’ai eu le privilège d’avoir une conjointe qui est vraiment très compréhensive et qui n’a jamais dit quoi que ce soit. On s’est connues à Sherbrooke, elle a réorienté son travail à Montréal pour moi. Je n’ai pas d’enfants, ça facilite les choses par rapport à d’autres collègues. »

Et garder sa passion intacte: « J’ai autant de plaisir que la première journée. Un de mes rôles est de redonner à la société, j’ai la passion de la première journée. Quand je forme de nouveaux juges, je leur dis que dans 15 ans, ils auront encore la passion. Je ne peux pas imaginer faire autre chose. »

Pour voir des photos de l’événement, c’est ici.