Le consultant Jordan Furlong
Le consultant Jordan Furlong
Le problème est simple, selon le consultant Jordan Furlong : imposer aux débutants de générer des revenus dès leurs premiers mois de pratique résulte en un travail bâclé et des clients mécontents.

« Cette idée qu'un junior doit facturer des centaines d'heures dès les premiers mois amène ce dernier à faire du travail facilement facturable, mais totalement inutile pour le client », explique le conseiller en gestion stratégique sur son blogue Law21.

Les juniors, qui savent très bien qu’à défaut de facturer rapidement, et beaucoup, ne feront pas de vieux os, s'adaptent. Et ils produisent en série. Mais cela donne du travail a) très convenu et sans aucune valeur, b) plein d'erreurs, c) sujet à d'intenses révisions de la part des seniors, quand il n'est pas simplement rejeté, ou encore qui contient d) toutes ces réponses.

C'est pourtant le modèle d'affaire des cabinets dans leur ensemble. « Les clients, bien sûr, s'en rendent compte », observe Jordan Furlong, selon qui il arrive souvent que ces mêmes clients refusent carrément de payer les heures facturées par des juniors.

Une tendance irréaliste

Bien sûr, les cabinets se défendent en disant qu'ils offrent de la formation professionnelle aux nouveaux venus : la segmentation des clientèles, la gestion, le développement d'affaires, etc.

« Mais ces efforts ont une faille : ils sont consentis selon la perspective que le développement professionnel soit une activité marginale. »

Se former et se développer est ce qu'on fait à temps perdu, en dehors des heures de bureau. Et pourtant. « De là un système qui insiste pour que l'avocat facture au plus vite », constate Jordan Furlong qui se demande si c'est bien sain.

Remarquant qu'il faut de 3 à 5 ans pour qu'un avocat devienne vraiment compétent et rentable, le conseiller et consultant croit que cette tendance à la facturation rapide est irréaliste. « Je ne crois qu'on puisse faire la transition d'un étudiant à temps plein à un générateur de revenus sans que ça ne cause des séquelles émotives et mentales. »

D'où l'idée selon laquelle les cabinets devraient plutôt traiter ses nouveaux avocats comme des « sans-factures », en phase de développement.

Ce revenu net nul consiste à ce qu'un cabinet mise plutôt sur le développement de ses pupilles : « Pour les deux premières années, il faut que le développement du nouvel avocat » soit la priorité du cabinet, dit Jordan Furlong.

Les associés peuvent par ailleurs facturer certaines activités de leur pupille, leur permettant de recouvrir certains coûts, comme leur salaire.

Jordan Furlong va plus loin : « Une fois que le junior a eu une formation de calibre professionnelle et rigoureuse, il pourra ajouter une réelle valeur aux clients. Tant en fait que la firme récupérera son investissement. »

Cela ne fonctionnerait pas dans le cas d'une recrue payée 180 000 dollars dès la première année. Mais le fait est que « personne ne mérite un salaire de 180 000 en première année, peu importe sa rigueur ou son intelligence ».

Un avocat débutant, au revenu net neutre, serait plutôt payé selon des objectifs de facturation réalistes, croit M. Furlong. « Et la certitude qu'il rapportera davantage après quelques années de formation de haut niveau. »

Sans compter que les jeunes savent très bien qu'ils ont besoin de davantage de compétences pour percer. Le cabinet qui leur offrira cette chance pourrait bien faire des merveilles pour le recrutement.

Les clients sont las

Il est d'autant plus pressant pour les cabinets de cesser de refiler les coûts de la formation de leurs nouveaux avocats aux clients que le marché change, avertit Jordan Furlong. La technologie, l'impartition et les services à la carte émergent justement de la lassitude de clients qui ne veulent plus payer des tarifs gonflés pour du travail d'apprenti juriste.

« La vérité, c'est que les jours de l'avocat junior qui facture sont comptés. »

Et le jour des sans-factures est arrivé.