Nouvelles

Québec fait-il de l’argent sur le dos des avocats?

Main image

Jean-francois Parent

2018-03-29 15:00:00

Québec a fait des économies de 15 M$ en réduisant le crédit pour les cotisations professionnelles des juristes…

Sophia Rossi, présidente du Jeune Barreau de Montréal
Sophia Rossi, présidente du Jeune Barreau de Montréal
Ce montant est extrapolé à partir de données fiscales et inclut les cotisations payées par les avocats et les notaires.

Tous les contribuables ont été conscrits dans la lutte au déficit, entamée par le gouvernement Couillard au lendemain de son élection, en 2014. Le premier budget Leitao réduisait alors de moitié le crédit d'impôt non remboursable applicable aux cotisations syndicales et professionnelles.

Depuis 2014-2015, ce crédit est passé de 20 % à 10 % de la cotisation professionnelle ou syndicale.

Cela a permis à Québec de réduire ses dépenses fiscales—une économie nette pour le trésor public—de 339 millions pour les trois dernières années d'imposition, révèlent les données du ministère des Finances.

4,9 millions $ par année

Un crédit d'impôt non remboursable réduit la facture fiscale, mais ne donne pas droit à un remboursement.

Pour les quelque 26 000 membres du Barreau, on a donc réduit de 165 dollars le crédit non remboursable, qui est ainsi passé de 330 dollars à 165 dollars.

De la cotisation totale d'un membre du Barreau du Québec de 2 600 dollars, on retranche la somme de 950 dollars versée à l'assurance professionnelle, cette dernière étant déductible.

Les 1 650 dollars restants donnent donc un crédit de 165 dollars. Notre évaluation repose sur l'application de cette somme aux 26 500 membres du Barreau du Québec. D'où l'estimation de 4,3 millions de dollars par an économisés avec la seule réduction du crédit d'impôt aux avocats.

Pour les 3880 notaires québécois, dont la cotisation annuelle s'élève à 1 700 dollars, la même règle de trois génère des économies approximatives de 660 000 dollars.

Au total, on arrive à une somme approchant les 4,9 millions de dollars par an depuis l'année d'imposition 2015. Ou, plus prosaïquement, des économies de près de 15 millions de dollars pour l'État. À même les cotisations des juristes. Et ce, alors que le budget est maintenant équilibré, d'après l'énoncé budgétaire de mardi dernier.

Jeunes avocats précaires

Au Jeune Barreau de Montréal, la présidente Sophia Rossi observe que la précarité de plusieurs de ses membres militerait plutôt pour quelques bouffées d'air. « Notre rapport sur la situation de l'emploi illustre que le tiers des jeunes avocats assument eux-mêmes les coûts de leur cotisation professionnelle. »

Si le JBM ne s'est jamais penché sur l'impact direct de ce crédit auprès de ses membres, on considère que ça ne fait rien pour améliorer la précarité de certains avocats. «Tout allégement fiscal, notamment pour les avocats qui se lancent ou ceux qui pratiquent dans des petits cabinets serait le bienvenu », dit Me Rossi.

« La Chambre n'a pas de position sur ces questions », indique-t-on à la Chambre des notaires. Quant au Barreau du Québec, on n'avait pas répondu à notre demande au moment de la publication.

Un calcul simplifié

Carlos Leitao, ministre des finances
Carlos Leitao, ministre des finances
Plusieurs réserves s'appliquent à notre calcul, et donc au montant avancé : d'une part, un crédit d'impôt non remboursable ne s'applique pas lorsque le revenu imposable est trop modeste, ou que la somme due au fisc est inférieure à celle autrement octroyée par le crédit en question.

Il est possible que des avocats à faible revenu ou tirant un salaire à partir des dividendes d'une entreprise ne bénéficient pas du crédit, ce qui fausserait évidemment nos calculs.

En outre, nous n'avons pas calculé le crédit des avocats opérant sous un couvert commercial : société en nom collectif, incorporation, etc. Cependant, les revenus tirés du véhicule préféré des avocats, la SENC, sont traités comme des revenus personnels, auxquels s'appliquent l'impôt des particuliers, C'est sous ce régime que le crédit pour les cotisations est appliqué.

Enfin, plusieurs avocats bénéficient de cotisations professionnelles payées par l'employeur. Elles deviennent alors très souvent un avantage imposable pour les juristes, ce qui les défavorise puisqu'il s'agit d'une dépense professionnelle et non d'un revenu personnel.

Pour toutes ces raisons, il nous est impossible de calculer précisément la contribution réelle des juristes à la réduction du déficit québécois.

Les fiscalistes à qui Droit-Inc a demandé conseil sont tous d'avis qu'à défaut d'avoir des données précises sur lesquelles se baser, notre évaluation pouvait servir à illustrer la situation.
7229

Publier un nouveau commentaire

Annuler
Remarque

Votre commentaire doit être approuvé par un modérateur avant d’être affiché.

NETiquette sur les commentaires

Les commentaires sont les bienvenus sur le site. Ils sont validés par la Rédaction avant d’être publiés et exclus s’ils présentent un caractère injurieux, raciste ou diffamatoire. Si malgré cette politique de modération, un commentaire publié sur le site vous dérange, prenez immédiatement contact par courriel (info@droit-inc.com) avec la Rédaction. Si votre demande apparait légitime, le commentaire sera retiré sur le champ. Vous pouvez également utiliser l’espace dédié aux commentaires pour publier, dans les mêmes conditions de validation, un droit de réponse.

Bien à vous,

La Rédaction de Droit-inc.com

PLUS

Articles similaires