Covid-19

Télémandat au Québec : « Pas un chèque en blanc donné aux policiers », dit le DPCP

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Radio -canada

2020-10-02 12:00:00

En réponse aux critiques qui fusent, le DPCP affirme qu'il s'agit d'« une autorisation judiciaire bien encadrée »...

Une voiture du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) en patrouille. Photo : Radio-Canada
Une voiture du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) en patrouille. Photo : Radio-Canada

En vertu du décret entré en vigueur jeudi, un télémandat pourra être accordé par un juge à un policier qui a des motifs raisonnables de croire à un rassemblement illégal dans une résidence privée.

« Ce n’est pas un chèque en blanc qui est donné aux policiers, puisque l’acte que l’on souhaite poser est nommément prévu au mandat », a affirmé Audrey Roy-Cloutier, porte-parole du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) en entrevue à RDI, jeudi.

Alors qu'une deuxième vague de COVID-19 déferle sur le Québec, la question du télémandat prend toute son importance dans le contexte où le gouvernement de François Legault a resserré les règles sanitaires.

En vertu des nouvelles obligations, un policier qui a des motifs raisonnables de croire qu’un rassemblement est en cours dans une résidence pourra y entrer, après avoir obtenu un mandat auprès d'un juge.

Audrey Roy-Cloutier explique en substance qu'un mandat et un télémandat, c'est la même chose : le mandat, on va le chercher en personne devant le juge alors que le télémandat est obtenu par tout moyen de télécommunication.

Si une infraction est bel et bien constatée, le policier pourra remettre sur-le-champ un constat portatif aux contrevenants et leur imposer une amende de 1000 $ plus les frais, soit 1546 $ au total.

Dans ce cadre précis, et en vertu d'une modification apportée en juin au Code de procédure pénale (article 141.1), les policiers peuvent obtenir cette autorisation judiciaire après avoir fait une dénonciation par écrit et sous serment.

Munis de tels télémandats, les policiers peuvent utiliser « un dispositif, une technique, un moyen d'enquête ou accomplir tout acte qui constituerait, sans cette autorisation, une fouille, une perquisition ou une saisie abusive à l’égard d’une personne ou d’un bien ».

L’acte en question permettra de confirmer ou d’infirmer les motifs raisonnables qui ont été présentés au juge.

« On peut imaginer que le policier entre dans une résidence [...] qu'il y a huit personnes à l'intérieur, mais que les huit demeurent à cette adresse-là, dit Audrey Roy-Cloutier. Techniquement, il n'y aurait pas d'infraction commise. »

Le télémandat est requis lorsqu'un locataire ou un propriétaire refuse de laisser entrer le policier. « Si on consent librement à donner accès au policier, aucune autorisation judiciaire n'est nécessaire », précise la porte-parole du DPCP.

Pas un bon outil

« On me demande mon opinion légale : je considère que ce n’est pas un bon outil », affirme Me Denis Gallant, l'ancien président de l'Autorité des marchés publics, qui a aussi été inspecteur général de la Ville de Montréal et procureur à la commission Charbonneau.

En entrevue avec Radio-Canada, Me Gallant rappelle que les dispositions touchant à la vie privée dans une maison d’habitation doivent être interprétées très restrictivement. Il estime qu'en procédant de cette manière, le gouvernement de François Legault s'achète des contestations, assurément.

Ce à quoi la porte-parole du DPCP répond que des contestations, « il peut toujours y en avoir ». Il reviendra aux parties de présenter leurs arguments devant le tribunal, qui aura à trancher, dit-elle.

Audrey Roy-Cloutier rappelle en outre que les gens bénéficient toujours d'un grand principe de base, celui de la présomption d’innocence.

Difficultés à prévoir, selon le syndicat

« Honnêtement, c’est certain que c’est complexe », dit le président de la Fraternité des policiers, Yves Francoeur, quand on le questionne sur le recours aux télémandats dans le contexte de la pandémie.

M. Francoeur rappelle que le DPCP doit rendre des juges de paix disponibles, « parce que les ''partys'', en bon québécois, ne se déroulent pas de jour, mais plutôt de soir ou même en début de nuit ».

« En attendant l'obtention du télémandat, nos policiers doivent surveiller l'avant et l'arrière, les issues de la maison en question [...] », explique-t-il.

« C'est une question de rapidité. Il y a des endroits où ce sera difficilement applicable », conclut Yves Francoeur.

Exceptions et confusion

Le décret qu'a publié mercredi soir le gouvernement du Québec comporte de nouvelles règles sur les rassemblements et certaines exceptions.
Ces règles s'appliquent aux quelque 5 millions de Québécois qui se trouvent en zone rouge depuis mercredi soir, à 23 h 59 :
  • Communauté métropolitaine de Montréal

  • MRC de La Rivière-du-Nord

  • Région de Chaudière-Appalaches, à l’exception des MRC des Etchemins, de Montmagny et de L’Islet

  • Région de la Capitale-Nationale, à l’exception des MRC de Charlevoix, de Charlevoix-Est et de Portneuf


Cependant, les dispositions du décret relatives aux rassemblements ont créé une certaine confusion.

Et déjà, jeudi, Québec a annoncé que le décret serait modifié pour tenir compte de la situation d'amoureux qui ne vivent pas sous le même toit et qui aimeraient pouvoir se visiter même s'ils ont des enfants à la maison.
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