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Les procès qui ont tout changé

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Andréanne Moreau

2021-03-17 14:15:00

Une avocate devenue peintre publie un livre sur l’évolution du droit, mais surtout de la moralité...

Francesca Trop, l’auteure du livre Ces grands procès qui ont changé le monde. Photos : Site web de la Fondation du Barreau du Québec et de Renaud Bray
Francesca Trop, l’auteure du livre Ces grands procès qui ont changé le monde. Photos : Site web de la Fondation du Barreau du Québec et de Renaud Bray
Qu’ont en commun Caïn et Abel, Charles 1er, Alfred Dreyfus et Nelson Mandela?

Leurs procès ont marqué un tournant dans le droit, tracé une ligne entre le bien et le mal. C’est le lien qui unit les 24 histoires de procès illustrées, racontées et analysées par Francesca Trop dans son livre Ces grands procès qui ont changé le monde.

Droit-inc s’est entretenu avec elle.

D’où est venue l’idée de ce livre?

J’ai publié un premier livre en 2018, Esprit juridique, au sujet du droit et de ses origines religieuses et que j’avais illustré avec mes œuvres. Et c’est quand j’ai découvert le livre de Philip Woods, The fall of the priests and the rise of the lawyers, que je me suis dit que je tenais une suite. L’auteur y démontre que ce sont les avocats qui ont pris le relais pour définir les règles morales. J’ai voulu poursuivre cette idée en montrant la façon dont le monde juridique a en quelque sorte créé une nouvelle mythologie.

Quels parallèles établissez-vous entre le droit et la mythologie?

L’homme a besoin d’histoires pour se comprendre. Expliquées de façon théorique, les règles ne rejoignent que l’intellectuel et ne stimulent pas grand-chose. Ce sont les émotions qui nous aident à mémoriser les événements. Donc, quand une règle s’incarne dans une histoire réelle, on la comprend beaucoup mieux. On peut s’identifier aux protagonistes et mieux la saisir.

Les mythologies et les religions ont toujours utilisé ces ressorts narratifs pour véhiculer des messages.

Un peu comme les grands cas de jurisprudence, finalement. Roe v. Wade, par exemple, ou bien cette femme québécoise dont j’oublie le nom qui voulait se faire avorter malgré l’opposition de son mari.

Oui, Chantal Daigle. Voyez, c’est exactement ça. L’histoire devient plus grande que les protagonistes. On oublie leurs noms, les détails, mais on se souvient de la règle parce qu’elle s’incarne dans l’histoire de quelqu’un.

Dans le livre, j’ai choisi d’illustrer l’arrêt Bobbini, qui a rendu légal l’avortement en France. Cette jeune fille qui a subi un avortement clandestin suite à un viol a incarné l’enjeu. L’avortement n’était plus une question abstraite de bien ou de mal.

Vous allez plus loin que le rapport à la mythologie, puisque vous incluez certains procès, ou plutôt des jugements, tirés de la Bible, comme Adam et Ève ou Caïn et Abel. Pourquoi avoir choisi de débuter votre histoire du droit avec l’Ancien Testament?

Tous nos grands principes de droit ont une origine religieuse. Je trouve que c’est important de se rappeler à quel point nos racines chrétiennes sont ancrées dans notre perception du bien et du mal, même si on est assez athées au Québec. On oublie parfois que notre rapport à la religion est plus fort qu’on le pense.

On n’a jamais vraiment fait table rase, dans le système de droit. Il s’est bâti sur des fondations religieuses qui étaient déjà en place, même si on ne les voit plus aujourd’hui.

Y a-t-il quand même une grande distinction à apporter entre le droit moderne et le droit religieux?

Oui, bien sûr. Le code religieux a pour objectif de sauver les âmes des croyants. Notre système de droit, lui, a pour visée le vivre-ensemble. Mais cet objectif respecte quand même l’obligation chrétienne d’aimer son prochain.

Comment avez-vous fait votre sélection? Y avait-il certains procès que vous teniez absolument à inclure?

Dès le départ, je savais que je voulais peindre Nuremberg. Mon père est l’un des derniers survivants de l’Holocauste, donc j’avais l’impression de peindre mon histoire en le peignant. Même chose pour l’affaire Dreyfus, qui avait ce même aspect personnel à mes yeux.

Ensuite, je me suis dit que j’allais faire les procès que tout le monde connaît, comme Jeanne d’Arc ou Galilée. Ensuite sont venus les procès qui ont marqué une coupure, ceux où il y a eu un avant et un après. Les mariages entre personnes de même sexe ou l’aide médicale à mourir, par exemple. Je trouvais assez extraordinaire que, dans le cadre d’un seul procès, notre paradigme change complètement.

Évidemment, plusieurs procès n’ont pas été retenus. Oscar Wilde, Madame Bovary, Flaubert et les fleurs du mal, Salman Rushdie… J’essayais de voir tous les sujets touchés par la loi et de trouver LE procès qui cristallisait toute l’information.

J’ai finalement gardé comme trame l’évolution des droits de la personne.

Malgré toutes ces références au droit, inutile d’être membre du Barreau pour bien comprendre votre livre. Quel était votre public-cible?

J’ai fait beaucoup d’efforts pour que le texte puisse être facilement compris par tous, pas seulement par des avocats. Mes deux fils qui sont de jeunes adultes m’ont beaucoup aidé en relisant mes textes, surtout mon aîné de vingt ans, Samaël.

Quand on est avocat, on n’arrive parfois plus à faire la distinction entre le langage normal et le langage juridique. On est tellement habitués qu’il nous faut un regard extérieur pour rendre le texte compréhensible.

La publication d’un livre n’est pas une activité très lucrative. Comment allez-vous rentabiliser les deux années que vous avez passées sur ce projet?

Surtout en vendant les tableaux que j’ai peints pour le livre et que j’ai mis en vente sur mon site web, francescatrop.com.

Bien sûr, il y a aussi le livre, qui est en vente partout au Québec et sera disponible en Europe à la fin du mois d’avril.
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