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Bachelier en droit à 55 ans!

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Gabriel Poirier

2021-05-28 15:00:00

Un baccalauréat en droit à 55 ans, ça vous dit ? C’est le choix de cet ancien sergent du SPVM, qui espère continuer d’épauler les avocats…

Alfredo Muñoz. Photo : Twitter
Alfredo Muñoz. Photo : Twitter
« Se fixer des défis, et repousser ses limites ».

C’est un peu le mantra d’Alfredo Muñoz. L’ancien sergent du SPVM a défoncé des portes toute sa vie.

Judoka, bachelier en éducation physique, policier, entrepreneur… sa liste d’accomplissements est longue. Et il compte un nouveau fait d’armes : un baccalauréat en droit. Il vient d’ailleurs tout juste de le terminer, après l’avoir entrepris en 2019. De 2018 à 2019, il étudiait au certificat en droit à l’Université de Montréal.

À son départ du SPVM, après 12 ans de service, Alfredo Muñoz s’est reconverti en enquêteur privé tout en poursuivant ses activités chez SOS Ticket, l’entreprise de contestation de contravention qu’il a fondée et dont il est l’ancien propriétaire.

C’est en donnant des formations à des avocats en cabinet sur les constats d’infraction et le code de la sécurité routière qu’il a eu envie d’aller plus loin, d' « embarquer sur la glace », comme il dit lui-même.

Résultat ? Il s’est inscrit il y a deux ans à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa. « J’ai découvert une passion pour le droit, nous confie-t-il. J’ai eu la chance d’avoir de bons profs ».

Entretien avec un étudiant pas comme les autres, qui, aujourd’hui, à titre de formateur et d’enquêteur, dit « mieux comprendre les besoins des avocats ».

Parlez-nous un peu de votre parcours académique pour commencer.

J’ai un parcours atypique. J’ai fait mon certificat en droit à l’Université de Montréal, car il ne m’était pas possible d’entrer directement au baccalauréat.

Quand j’ai fait mon bac en éducation physique, j’étais un athlète. J’ai fait des championnats du monde et des championnats panaméricains en judo. Ma concentration, c’était le sport.

Mes études n’étaient pas secondaires, elles étaient tertiaires (rires). Ma moyenne, malgré mon expérience, ne me permettait pas d’entrer directement à la faculté de droit de l’Université de Montréal.

J’ai eu la chance de rencontrer les gens de l’Université d’Ottawa. Je vais leur faire une belle publicité, car ils m’ont ébloui, épaté, en raison de leur ouverture et de leur intelligence. Ce sont des gens qui sont ouverts à la différence, à des parcours atypiques comme le mien.

Ils m’ont fait confiance, et ça, rendu à une certaine période de ta vie, c’est important. Ç’a été un défi extraordinaire, et je ne pourrais jamais suffisamment les remercier.

Justement. Un retour aux études, dans la cinquantaine, ce n’est pas anodin. Quel a été le plus grand défi que vous avez rencontré ?

Mon plus gros défi, dans ma vie, même après les championnats du monde, les entraînements pour les Olympiques, les jeux panaméricains, ç'a été de faire mon baccalauréat en droit.

Deux enfants, pas d’argent, six cours par session, le travail d’enquêtes, tout ça, en se rendant à Ottawa ! Je dormais de trois à quatre heures par jour. Pendant un an, je partais le matin, à 3h45, mes enfants étaient couchés, et je revenais le soir à l’heure où ils dormaient. Je ne les ai pas vus pendant un an, presque. Aujourd’hui, je les vois tous les jours et j’en profite au max.

Ç'a été un défi familial, ma conjointe m’a aidé d’une façon extraordinaire. J’ai eu cette chance-là, puis mon père m’a donné un petit coup de main économiquement, pour ne pas qu’on perde la maison.

Ç'a été un beau gros défi. Est-ce que je le recommencerais ? Ça ferait mal ! (rires). Ceci étant dit, j’ai eu la chance de découvrir le droit, qui est désormais une passion. À 55 ans, de découvrir une passion, ça n'a pas de prix.

Vous mentionnez la conciliation études-famille-travail. Quel travail occupiez-vous durant cette période ?

Des enquêtes. Que ce soit des enquêtes de fraudes, extorsion, meurtres… tout type d’enquêtes. Des filatures, tout ce qui se rapporte au volet enquête de A à Z.

J’ai une expérience de 26 ans. J’ai été à l'antigang, aux stupéfiants, et, maintenant, depuis 2007, je fais des enquêtes au privé.

Retournons à votre passion pour le droit. Voyez-vous des similitudes entre le travail d’enquête et le droit ?

Est-ce qu’il y a des similitudes ? Absolument. Je pense que nous restons dans le droit, dans la notion de défendre des gens, de défendre les droits des individus.

C’est un tout. Et c’est d’ailleurs la beauté de la chose : si vous vous concentrez seulement sur le volet enquête, il vous manquera le côté théorique et légal. Maintenant, j’ai une vue d’ensemble de la chose.
L’enquête implique de constater des faits, et d’aider les avocats à construire la preuve et à monter leurs dossiers. Aujourd’hui, avec les yeux du bac, je comprends beaucoup mieux leurs besoins et je peux mieux les conseiller. Pour moi, c’est une ouverture sur le monde, et ça me permet de produire une analyse beaucoup plus complète des dossiers sur lesquels j’enquête.

Un coup de cœur, peut-être, pour l’un des domaines du droit lors de votre formation ?

Vous allez rire, mais j’ai tout aimé. Que ce soit le droit de la famille, le droit des assurances… Mais un coup de cœur personnel, qui n’a aucun rapport, c’est le droit de la propriété intellectuelle.

Pourquoi le droit de la propriété intellectuelle ? Parce que c’est un droit particulier, un droit qui est fin, très subtil. C’est aussi la protection de l’artisan et de l’inventeur, en même d’être un domaine excessivement complexe.

C’est compliqué, et ça, j’aime ça, parce qu’il y a de la subtilité et parce qu’on prend en compte les notions d'équité, par exemple. C’est ça qui fait la richesse de notre droit, c’est cette notion d’équité, comme la notion d’équilibre entre les parties. Il y a aussi l’aspect « concurrence déloyale », qui implique d’enquêter au maximum.

J’ai trouvé tout cela intéressant, car c’est nouveau. Tu ne retournes pas à l’université à 50 ans avec les yeux de quelqu’un de 20 ans. Tu peux pratiquement associer chaque chose que tu apprends à des moments de ta vie.

Ce n’est pas une obligation, pour moi, d’avoir fait mon droit. C’est un privilège.

Maintenant que vous terminez ce « privilège », que comptez-vous faire ? Des projets ?

Au début, je ne savais pas trop. Ce que j’aime faire et ce que je fais bien, ce sont les enquêtes, évidemment.

Pour le moment, j’aimerais offrir à des cabinets et à des avocats des services d’enquêtes… avec, bien sûr, une vision beaucoup plus grande.

Je ne suis plus un simple enquêteur. Je ne suis plus seulement le gars qui va faire une filature… Aujourd’hui, si vous me donnez un dossier, je suis en mesure de l'analyser, certes, avec mes yeux de 26 ans expérience, mais aussi avec mes yeux tirés de ma formation en droit. Je suis en mesure de mieux conseiller les avocats au niveau de leurs dossiers, par exemple pour les aider à trouver de bons angles d’attaques.

J’ai tellement aimé le droit que j’ai aussi décidé de faire la common law. Je n'exclus pas de faire le Barreau du Québec, mais je préférerais, pour le moment, faire le Barreau de l'Ontario. Ensuite, je verrai. Pour le moment, ce que j'aime du Barreau de l'Ontario, c'est qu'il me permet d'exercer partout au Canada via la tradition de common law.

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4 commentaires

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 2 ans
    Pas d'age pour le bac
    Pas de quoi me péter les bretelles: j'ai obtenu mon baccalauréat en droit à 73 ans, il y a 6 ans ..."Y a rien là" ... Aucun mérite particulier. Si tu veux tu peux. Rien à voir avec le calendrier.
    Mais bravo à M. Munoz. Il faut quand meme le faire.

  2. Alejandra Medina
    Alejandra Medina
    il y a 2 ans
    Enseignante
    Émouvant, intelligent et admirable témoin d'Alfredo Muñoz qui a 55 ans, après un gros effort individuel et familial, déclare avoir découvert une nouvelle passion: le Droit, qui va lui permettre de continuer à aider, plus solidement, les gens qui en ont besoin. Grand déclaration pour un grand être humain.

  3. Valentina Duran
    Valentina Duran
    il y a 2 ans
    Avocat
    “Tu ne retournes pas à l’université à 50 ans avec les yeux de quelqu’un de 20 ans. Tu peux pratiquement associer chaque chose que tu apprends à des moments de ta vie.” ???????? bravo, excellente histoire, courageux bachelier.

    • Thomas
      Thomas
      il y a 2 ans
      Parajuriste
      Tres convinquant. je me tatais depuis deux ans en me disant si je ne suis pas trop voeux, 35 ans, pour aller a la fac de droit pour devenir avocat. La j`ai dit chapeau, vraiment

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