Nathalie Lavoie. Source: Site web de BFC Avocats
Nathalie Lavoie. Source: Site web de BFC Avocats
Un homme d’affaires porte plainte au Conseil de discipline du Barreau contre son ancienne avocate, Nathalie Lavoie, du cabinet BCF Avocats d’affaires. Il est lui-même poursuivi au civil par cette dernière à la Cour du Québec.

Vincent Deblois, président de North Lion Holding, lui reproche plusieurs infractions au code de déontologie, révèlent des documents judiciaires obtenus par Droit-inc. Me Lavoie l’aurait notamment poussé à signer une reconnaissance de dette après avoir investi près de 22 000 $ dans sa société, soutient la plainte disciplinaire.

Les documents vont plus loin, et allèguent que Me Lavoie aurait donné « à sa profession un caractère de lucre ». Elle aurait recherché un « gain avec avidité ou cupidité » et recouru « à son statut d'avocat dans le but de s'enrichir », selon M. Deblois.

Contactée par Droit-inc, Me Lavoie a décliné notre demande d’entretien. Elle représentait Vincent Deblois dans un dossier à la Cour supérieure, entre 2016 et 2019.

Dans un courriel transmis à Droit-inc, la chef du développement de clients chez BCF, Sarah Mitchell, qualifie de « non fondée » la plainte de M. Deblois.

22 000 $ en jeu

Me Lavoie a déposé une poursuite à la Cour du Québec contre M. Deblois en février dernier. L’enjeu se résume à la somme de 22 000 $ évoquée ci-haut.

Selon la demande introductive d’instance, M. Deblois aurait promis « maintes fois » de s’acquitter de « sa créance » depuis août 2018. Mis en demeure, reconnaissant sa dette par écrit, il soutient pourtant aujourd’hui ne rien lui devoir.

Son exposé sommaire de défense et sa demande reconventionnelle dénoncent la conduite de son ancienne avocate. Ils font écho à la plainte disciplinaire de M. Deblois.

Vincent Deblois. Source: LinkedIn
Vincent Deblois. Source: LinkedIn
Le président de North Lion Holding prétend que Me Lavoie lui aurait remis 4 000 $. Il prétend aussi qu’elle aurait acquis des actions de sa société à un prix privilégié.

« Le montant d’un “prêt” de 4000$ CAD est en réalité une façon détournée pour la demanderesse de pouvoir acheter à son client des actions à prix moindre avant l’approbation de la U.S. Securities and Exchange Commission (SEC) », indique l’exposé sommaire des moyens de défense de M. Deblois.

« Me Lavoie a ainsi investi un montant avoisinant les 22 000$ CAD dans cette entreprise. La somme a d’ailleurs été versée par la demanderesse directement dans le compte bancaire de ladite compagnie en vue de financer celle-ci et non le défendeur ».

Vincent Deblois est représenté à la Cour du Québec par Me Stéphane Harvey. Précisons que ce dernier est en conflit avec Me Lavoie et son cabinet, BCF Avocats. 25 chefs d’infraction pèsent contre lui au Conseil de discipline. Il risque la radiation s’il est reconnu coupable.

L’audition disciplinaire chargée d’évaluer la conduite de Me Harvey devrait débuter le 22 juin prochain, malgré les procédures qu’il a intentées. Me Lavoie est la syndic ad hoc en poste tandis que Me Harvey estime qu’elle est en conflit d’intérêts.

Une demande « abusive »

Selon d’autres documents judiciaires obtenus par Droit-inc, dont une demande visant à rejeter la défense de M. Deblois, Me Lavoie dénonce les allégations « abusives, mensongères, vexatoires et dilatoires » de son ancien client.

Elle juge sa défense « invraisemblable », et rejette catégoriquement celle-ci. Elle serait « l’exemple typique d’une procédure abusive ».

Elle nie aussi s’être procuré des actions de North Lion Holding, l’entreprise de Vincent Deblois enregistrée au Delaware.

Exit Me Harvey ?

Me Stéphane Harvey. Source: Archives
Me Stéphane Harvey. Source: Archives
Des documents supplémentaires consultés par Droit-inc veulent déclarer Me Harvey « inhabile » à représenter Vincent Deblois à la Cour du Québec. C’est ce qu’avance Me Lavoie, dans une demande en inhabilité déposée le 3 mai dernier.

Elle insiste sur ce qui lui apparaît être un manque de « distanciation » et de « désintéressement » de la part de Me Harvey.

« Il est à craindre objectivement que (Me Harvey) soit enclin à représenter (Vincent Deblois) dans le présent dossier afin de servir ses propres intérêts et soutenir ses prétentions tant devant la Cour supérieure et le Conseil de discipline du Barreau », mentionne sa requête.

Contacté par Droit-inc, Me Harvey parle d’une « tentative d'intimidation ». Il y voit une « entrave » au droit de son client à être représenté par l’avocat de son choix.

« Me Lavoie entrave ce droit fondamental de la (NDLR : Charte « québécoise » des droits et libertés de la personne) et prouve qu'elle a perdu toute lucidité », assure-t-il.

Des reproches contre Me Lavoie

Revenons à la somme de 22 000$.

« Lorsque (Me Lavoie) s’est aperçue que le retour sur investissement ne serait pas aussi rapide qu’initialement espéré, celle-ci a forcé son propre client à signer, sur-le-champ, une reconnaissance de dette ».

C’est du moins la défense de M. Deblois et son avocat, Me Harvey. Ils assurent qu’elle aurait menacé, « de façon voilée », de « bâcler » son travail en raison de cette « créance ».

C’est ce qui aurait poussé Vincent Deblois à reconnaître par écrit une dette de 22 000 $. Il craignait des répercussions, et souhaitait, affirme-t-il, « protéger » le dossier pour lequel Me Lavoie le représentait. Me Lavoie aurait également fait « pression » pour le dissuader de consulter un tiers avocat.

Rappelons que la principale intéressée rejette ces allégations.

Avec sa demande reconventionnelle, Vincent Deblois réclame une indemnité de 25 000 $ en dommages-intérêts pour « la crainte et les troubles, ennuis et inconvénients subis ».