Opinions

Les bourses canadiennes s’emballent pour les SPAC

Main image

Claude Désy

2021-06-02 11:15:00

Désorienté face au monde de la bourse ? Un expert vous explique pourquoi elles s’emballent pour les SPAC…

L’auteur M. Claude Désy. Source : Dunton Rainville
L’auteur M. Claude Désy. Source : Dunton Rainville
La popularité des programmes de Special Purpose Acquisition Companies (SPAC) de bourses américaines, une méthode alternative de mise en bourse, autre que par la voie d’un premier appel public à l’épargne (PAPÉ; IPO) traditionnel d’inscriptions en bourse, est telle que les bourses et les experts canadiens et d’autres pays se mobilisent pour aider nos entreprises à se financer et s’inscrire en bourse par la mise en place de programmes similaires.

Pour la plupart des gestionnaires, la mise en bourse de leur entreprise est complexe. Ceux qui réussissent cette opération accélèrent leur plan de croissance et leurs entreprises sont, dans bien des cas, éventuellement classées parmi les plus importantes. Entre autres, cette méthode serait plus rapide et moins coûteuse qu’une mise en bourse traditionnelle.

Au cours des dernières années, moins d’entreprises ont complété une telle opération. Celles qui complétaient celle-ci, pour la plupart, ont eu recours à un premier PAPÉ traditionnel. Par ailleurs, en 2020 aux USA, nous avons constaté une croissance fulgurante (59 PAPÉ de SPAC en 2019 et en 2020, 248) des inscriptions ayant eu recours à une méthode alternative, soit le regroupement avec une SPAC (la traduction française de ce programme par la TSX est : Société d’acquisition à vocation spécifique (SAVS)). À ce jour, on compterait aux USA autant de nouvelles inscriptions de SPAC que pour toute l’année 2020 soit : 289 PAPÉ de SPAC avec 255 en attente de révision par les autorités règlementaires i; une croissance spectaculaire.

Une SPAC est une entité qui s’inscrit en bourse dans le cadre d’un PAPÉ dont les seules activités ont trait à la recherche d’un regroupement avec une entité privée, son financement et sa clôture. L’entité résultante du regroupement de la SPAC avec une entité privée devrait être une entreprise publique bien capitalisée pour exécuter son plan d’affaires.

Cette méthode d’inscription en bourse prend de l’ampleur dans plusieurs autres pays. Notamment, ce véhicule est utilisé pour financer et mettre en bourse des entreprises localisées dans des pays autres que celui de la SPAC. Serait-ce une accélération de l’internationalisation du financement des entreprises inscrites en bourse ?

Par exemple, Lion Electrique (Lion) de Saint-Jérôme, Québec serait à compléter une telle transaction. Lion prévoit se regrouper, pour se financer et s’inscrire à la cote de la NYSE, avec la SPAC américaine Northern Genesis. Son financement comprend 319M.US$ du promoteur et du public investisseur de la SPAC. En plus, dans le cadre de ce regroupement de la SPAC avec l’entité privée (p. ex. Lion), il y aura un placement privé de 200M.US$. Après ce regroupement et ces financements, on estime que les actionnaires actuels de Lion détiendront 68.1 % (1,359M.US$) de la société résultante du regroupement qui sera une société inscrite à la cote du NYSE ii. Les promoteurs de la SPAC seront détenteurs de certaines actions de la résultante de cette opération qu’ils auront acquises à un prix dérisoire, ce qui est leur incitatif (promote) pour leur apport.

Bientôt les bourses canadiennes

Les bourses canadiennes ont toutes ou auront sous peu des programmes SPAC. D’autres programmes SPAC sont en place ou seront sous peu promus par plusieurs bourses étrangères. Rappelons que le Canada compte 3 bourses classées comme étant des bourses seniors, soit : la Bourse de Toronto (TSX), la NEO Exchange (NEO) et la Canadian Stock Exchange (CSE)) et une bourse junior, dédiée aux PME publiques, la Bourse de croissance TSX (TSXV). Les Bourses TSX et TSXV sont toutes les deux la propriété du Groupe TMX.

Les Groupes TMX et NEO qui ont, depuis le début de leur programme, mis en bourse environ 30 SPAC dont certaines ont conclu, à ce jour, des regroupements inscrivant en bourse ainsi finançant des entités qui étaient privées. Ces chiffres ne comprennent pas ceux de la TSXV qui opère depuis des décennies son programme SPACjr (SCD; CPC).

Les programmes SPAC canadiens sont des programmes des bourses qui ont reçu l’aval des autorités provinciales règlementaires pertinentes. Aux termes de ces programmes sont créées des entités qui deviendront publiques en déposant un prospectus de SPAC (incl. SPACjr) visé par les autorités règlementaires dans la province ou seront offert les titres de celles-ci. Les SPAC n’ont pas d’autres activités que la recherche et la conclusion d’un regroupement dans un délai qui ne peut excéder 36 mois sauf pour les SPACjr qui n’ont plus de délai dans sa politique. Ces programmes prévoient des mécanismes de protection des fonds recueillis auprès du public jusqu’au regroupement et des contrôles sur le choix des administrateurs de la SPAC quant à leur probité et collectivement leur connaissance des sociétés publiques.

Deux des bourses senior canadiennes, soit de la TSX et de NEO ont un programme SPAC similaire à celui de la TSX. La CSE travaillerait avec les autorités règlementaires qui la régissent à la mise sur pied d’un programme SPAC qui serait similaire à celui de la TSX. La TSX a pris modèle sur les SPAC du NYSE et de NASDAQ. La TSX dans son Guide sur les SPAC écrit :

Une SAVS est un outil de placement qui permet au public d’investir dans des sociétés ou des secteurs d’activité qui intéressent habituellement les sociétés de financement par capitaux propres. Elle offre aux personnes qui ne peuvent participer à des fonds de couverture ou à des fonds de capital-investissement la possibilité de prendre part à l’acquisition de titres de sociétés fermées actives qui sont généralement ciblées par de tels fonds.

Contrairement à un premier appel public à l’épargne (« PAPE ») classique, le programme de SAVS permet à des administrateurs et à des dirigeants chevronnés de constituer une société n’exerçant aucune activité commerciale et ne possédant pas d’autre actif que des liquidités.

(…)

La SAVS devient un émetteur assujetti au moment de son PAPE, et elle est dès lors entièrement réglementée par l’autorité en valeurs mobilières provinciale compétente et par la TSX. Étant cotée en bourse, la SAVS offre aux investisseurs un placement liquide, ce qui permet à ces derniers de moduler leur profil de risque d’investissement.

On aura compris que le succès d’une SPAC dépend de la qualité de ses promoteurs et de celui du regroupement, des gestionnaires de la société avec leur plan d’affaires.

La TSXV a depuis des décennies un programme SPAC similaire, avec des différences notables, à celui de la TSX, les Sociétés de capital de démarrage (SCD; CPC) (que l’on appelle dans la présente : SPACjr). Celle-ci a récemment modifié son programme des SCD dans le but de le rendre plus populaire. Aussi, elle a cantonné celui-ci à l’intérieur du Groupe TMX en limitant à 10 000 000$ le montant qui peut être levé avant le regroupement de celle-ci avec une entité privée. Par ailleurs le programme SPAC de la TSX exige un PAPÉ au cours duquel on lève au moins 30 000 000 Can$. En pratique peu de SPACjr (plus précis d’une SCD) lève avant leur regroupement plus de 2 000 000 Can$.

Nous comprenons que NEO est d’avis que ces limites font place à un nouveau programme de type SPAC canadien qui se situe entre les programmes SPAC de la TSX ou de NEO. Il s’agit du programme appelé Growth Acquisition Corporation (G-Corp), un projet pilote récemment annoncé. Je vous invite à prendre connaissance de notre article intitulé « La Bourse NEO propose une nouvelle SPAC ».

Contrairement aux programmes de la TSX et de NEO celui de la TSXV (SCD; CPC) ne prévoit pas de mécanisme en vertu duquel l’actionnaire de la SCD peut demander le rachat de ses actions. Aussi, à certaines conditions, à la fois les SCD et les SPAC n’ont pas à obtenir le consentement des actionnaires sur le regroupement proposé.

Quant à un financement concomitant au regroupement (p. ex. PIPE), les programmes SPAC canadiens ne prévoient pas de limite quant au montant pouvant être levé lors de cette opération.

Avec ces nouveaux véhicules de nos bourses senior, les modifications du programme de la bourse junior (SPACjr) et ce que proposera NEO, il est possible que l’on assiste au Canada et ailleurs à une recrudescence des financements et des mises en bourse par le regroupement de nos entreprises avec des SPAC canadiennes ou étrangères et par la création de SPAC canadiennes à ces fins.

Sur l'auteur
Claude Désy, de Dunton Rainville, se spécialise dans le domaine de la fiscalité et des valeurs mobilières. Il évolue au sein des milieux financiers canadiens et québécois.


I. US SPAC Monitor de SPAC Alpha du 5 avril 2021 et récemment Definitiv Perspertives du 20 avril 2021 de Matthew Tool : Deal making from sky-high to stratospheric

II. Présentation aux investisseurs de Lion du 30 novembre 2020, qui précise que les chiffres présentés n’assument aucun rachat d’une action de la SPAC.
3546

Publier un nouveau commentaire

Annuler
Remarque

Votre commentaire doit être approuvé par un modérateur avant d’être affiché.

NETiquette sur les commentaires

Les commentaires sont les bienvenus sur le site. Ils sont validés par la Rédaction avant d’être publiés et exclus s’ils présentent un caractère injurieux, raciste ou diffamatoire. Si malgré cette politique de modération, un commentaire publié sur le site vous dérange, prenez immédiatement contact par courriel (info@droit-inc.com) avec la Rédaction. Si votre demande apparait légitime, le commentaire sera retiré sur le champ. Vous pouvez également utiliser l’espace dédié aux commentaires pour publier, dans les mêmes conditions de validation, un droit de réponse.

Bien à vous,

La Rédaction de Droit-inc.com

PLUS

Articles similaires