Ces allégations se succèdent sur le compte LinkedIn de Mario Naccarato, professeur à la Faculté de droit de l’Université Laval depuis 2006. Il a été titularisé ces dernières années.
Au Canada, le titre de professeur titulaire est le plus haut titre qu’un professeur puisse obtenir. Il est attribué aux professeurs reconnus pour la qualité de leur recherche et de leur enseignement.
Entre le 9 et le 23 août 2021, le professeur Naccarato, très actif sur LinkedIn, a émis une douzaine de commentaires estimés erronés sur la pandémie de COVID-19. À ces chiffres recensés par Droit-inc, il convient de mentionner une demi-douzaine de publications LinkedIn qui relaient des informations trompeuses, tirées hors de leur contexte, ou encore tirés de sites de fake news et de false news (Exemple ici).
Capture d'écran MN20 - Une publication LinkedIn de Mario Naccarato. L'article est tiré du site internet de Guy Boulianne, qui a émis plusieurs déclarations controversées par le passé.
À noter que nous avons ignoré, dans le cadre de notre recensement, les commentaires et publications de Me Naccarato qui critiquent la gestion de la pandémie et qui se fondent sur des informations de médias reconnus et d’institutions réputées crédibles.
Une situation similaire s’observe sur la page Facebook personnelle de Me Naccarato, qui a été admis au Barreau en 1984. Ce dernier écrivait par exemple le 5 septembre dernier que les « (personnes) asymptomatiques (sic) ne transmettent pas le virus selon l’OMS. » Sa publication ajoute : « Donc la pandémie est terminée. Pourquoi le masque ? »
Capture d'écran MN25 - Une publication tirée de la page Facebook de Mario Naccarato. Elle est datée de septembre 2020.
Même si notre compréhension du SARS-CoV-2 évolue à mesure que progresse la pandémie, un consensus scientifique émergeait vers l’été 2020 sur le fait que les personnes asymptomatiques peuvent elles aussi être des vecteurs de transmission de la COVID-19.
Une semaine et demi plus tôt, le 26 août, le professeur de droit affirmait que Bill Gates avait « freiné » (notre traduction) l’économie américaine avec une « fausse pandémie ».
L’Université Laval s’en dissocie
Avisées par Droit-inc, l’Université Laval et sa Faculté de droit se « dissocient » des propos tenus par leur professeur titulaire.
« L’Université Laval et sa Faculté de droit se dissocient entièrement des propos ici attribués à M. Naccarato. Ces propos ne reflètent d’aucune façon les positions de l’Université Laval et de sa Faculté de droit quant à la crise sanitaire. Comme tous les membres du corps enseignant, le professeur Naccarato est tenu à toute la rigueur et l’intégrité que commande cette fonction », formule le conseiller en relations médias, Simon La Terreur.
L’Université Laval a transmis cette déclaration à Droit-inc après avoir pris connaissance de certaines de nos captures d’écran des profils LinkedIn et Facebook de Me Naccarato.
L’Université Laval a refusé d’émettre des commentaires supplémentaires et de répondre à d’autres questions. Jointe par Droit-inc, Me Anne-Marie Laflamme, la doyenne de la Faculté de droit, nous a référé à la réponse officielle de l’Université.
Joint par Droit-inc, Me Naccarato a d’abord accepté de répondre à nos questions par écrit. « J’ai pris connaissance de vos questions et je n’ai rien à dire », nous a-t-il cependant indiqué, après lecture des premières questions que nous lui avons envoyées (voir les questions au bas de cet article). Il n’a pas répondu à notre seconde série de questions.
Me Naccarato a publié entre-temps de nouveaux commentaires et de nouvelles publications sur LinkedIn.
Capture d'écran MN30 - Une publication diffusée par Mario Naccarato sur LinkedIn, dans la soirée du 24 août, quelques heures après l'envoi de nos questions écrites.
Responsabilité académique
Jointe par Droit-inc, la Dre Caroline Quach, l’un des visages de la pandémie, échappe un soupir bien senti.
« (...) Je ne commenterais jamais quoi que ce soit en termes de législatif ou de droit. J’aimerais que les avocats se gardent une petite gêne, et restent dans leurs talles, lâche-t-elle après plusieurs minutes d’entretien. Je sais où mon expertise s’arrête, et les autres devraient en savoir tout autant. »
« Quand on me pose des questions sur la vaccination obligatoire, pour savoir, par exemple, si elle est légalement acceptable, je ne me prononce pas, car je ne le sais pas. Je laisse aux autres, ceux qui ont une expertise dans ce domaine, le soin de se prononcer », fait-elle valoir par analogie.
Ces critiques, qui visent Me Naccarato, s’insèrent dans les réflexions toutes personnelles de la Dre Quach sur la responsabilité académique.
Sans nier le principe de la liberté académique, auquel elle est très attachée, la microbiologiste-infectiologue et épidémiologiste au CHU Sainte-Justine rappelle que le « statut d’universitaire » sous-tend des responsabilités, selon elle.
« Quand nous avons un statut universitaire, il est de notre responsabilité de s’assurer que les faits que nous avançons soient véridiques, vérifiés et avérés. »
« Ça serait déjà moins embêtant s’il publiait sans son titre professoral », poursuit-elle. D’autant qu’il faut rester « humble » face à la science et au SARS-CoV-2. « Face à ce virus, clairement, l’humilité, c’est ce qui a payé davantage. »
Contacté par Droit-inc, Jean Portugais, le président de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU), n’avait pas donné suite à nos demandes d’entretien au moment d’écrire ces lignes. Il est chercheur à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal.
Les éclaircissements de la Dre Quach
La scène est survenue il y a deux semaines, sur LinkedIn.
Me Naccarato a pris position sur la vaccination à coup de commentaires infondés, sur une publication de l’Université McGill. La publication concernée, qui diffuse une vidéo YouTube, met en scène le professeur de mycologie moléculaire, Don Sheppard.
Source : McGill University / YouTube
L’un des commentaires de Me Naccarato nie l’efficacité des vaccins contre la COVID-19. Il n’est soutenu d’aucune évidence.
Capture d'écran MN11 - Une série de commentaires émis par Mario Naccarato sur une publication LinkedIn de l'Université McGill.
« La plupart des nouveaux cas de COVID-19 affectent des personnes vaccinées. Il semble y avoir une immunité naturelle chez les non-vaccinés. Et l'immunité naturelle protège des variants, ce que les vaccins ne font pas. Donc, la non-vaccination devrait être la voie à suivre » (notre traduction), écrit-il.
La Dre Quach a taillé en pièces ces allégations.
« Je ne sais pas d’où il tient ces informations-là. Je vous dirais que la majorité des cas qui surviennent actuellement sont encore chez les non-vaccinés », confirme-t-elle.
« Des cas surviendront éventuellement chez les vaccinés, mais ils sont habituellement beaucoup moins sévères et ne mèneront pas à des hospitalisations. (...) Et il n’y a pas d’immunité collective qui se développe chez les non-vaccinés – à moins qu’ils aient fait la maladie. Donc, soit vous êtes protégés parce que vous avez fait la maladie par le passé, habituellement dans les six mois qui suivent, soit parce que vous avez été vacciné. Autrement, vous n’êtes pas protégés. »
Janci Lindsay, une chercheuse controversée
Me Naccarato partageait la semaine dernière une publication de la scientifique américaine, Janci Lindsay, biologiste moléculaire, sur les variants du SARS-CoV-2.
La publication de Mme Lindsay semble avoir été retirée de la plateforme LinkedIn, depuis. Notons que la scientifique est à l’origine de déclarations controversées, voire erronées, sur les vaccins contre la COVID-19, révèle une enquête de Health Feedback.
Le réseau de fact-checking, composé de scientifiques qui confirment la véracité d’actualités médicales, a déclaré « inexactes » et « non étayées par des preuves scientifiques » plusieurs de ses déclarations sur la dangerosité des vaccins. La rubrique Fact Check de l’Agence France-Presse est arrivée à la même conclusion au sujet de remarques publiques de Mme Lindsay datées du 23 avril dernier.
Source : Mario Naccarato / LinkedIn
La Dre Quach, qui n’avait jamais entendu parler de la scientifique américaine, continue de se prêter à l’exercice de vérification de faits.
Elle démontre que les paroles tenues dans cette publication ne résistent pas au consensus scientifique. L’expert en immunologie rétablit l’heure juste.
« Les mutants se développent lorsqu’il y a une transmission de virus, peu importe chez qui. Plus il y a de transmission, plus il y a un risque de développement de mutants. Comme les non-vaccinés sont beaucoup plus à risque d’être infectés et de transmettre, ce sont habituellement eux qui transmettent davantage. »
« Et ce n’est pas vrai que les vaccins que nous utilisons ont une mauvaise neutralisation, assure-t-elle. Au contraire, ils sont très bons ».
Capture d'écran MN17 - Mario Naccarato commente, sur LinkedIn, une publication de Stéphanie Grammond, éditorialiste en chef de La Presse.
Non, les variants ne sont pas « plus faibles »
À deux semaines de l’entrée en vigueur du passeport vaccinal, au Québec, Me Naccarato commentait une publication de Droit-inc au sujet de la vaccination obligatoire. Le gouvernement de François Legault annonçait la veille l’entrée en vigueur de cette mesure pour les employés du secteur de la santé.
« La courbe est plate. Et le gouvernement travaille avec des hypothèses d’un variant. Il est connu que les variants sont plus faibles que le virus principal », a-t-il notamment revendiqué.
Capture d'écran MN13 - Mario Naccarato commente, sur LinkedIn, une publication de René Lewandowski, fondateur de Droit-inc.
« Ce qui est faux », dément la Dre Quach.
« En fait, on espère toujours que le variant soit plus faible que la souche ancestrale. Ça peut survenir par hasard, et, si ça survient, à ce moment-là, l’épidémie va s’éteindre – ce qui n’est absolument pas le cas présentement », explique-t-elle.
« Les variants sont plus contagieux, et nous avons l’impression, parce qu’ils sont plus contagieux, qu’ils causent plus de maladies chez les jeunes adultes, à tout le moins, et en particulier, chez ceux qui ne sont pas vaccinés. On espère toujours que les variants soient moins “méchants” que la source originale, mais, pour l'instant, ce n’est pas ce que nous vivons. »
Capture d'écran MN - Un commentaire de Mario Naccarato sur LinkedIn. Ce commentaire a été émis le 24 août dernier.
Bill Gates et la pandémie
Source : Mario Naccarato / Facebook
Cette publication de Me Naccarato, datée du 26 août 2020, impute au milliardaire américain, Bill Gates, la responsabilité de la pandémie de COVID-19.
Le docteur en droit a relancé cette idée, pratiquement invérifiable, il y a quelques jours, sur la plateforme LinkedIn. Il répondait à une publication de Peter Davidson, un internaute complotiste, qui prétend que le fondateur de Microsoft « est derrière la poussée mondiale des vaccins ».
« Je suis d'accord avec vous, écrit Me Naccarato. Le vaccin et les mesures sanitaires n'ont rien à voir avec une pandémie qui n'en est pas une » (notre traduction).
Capture d'écran MN24 - Le commentaire de Mario Naccarato en réponse à la publication de Peter Davidson, sur LinkedIn.
M. Davidson affirmait que sa publication serait censurée. Elle est toujours en ligne, au moment d’écrire ces lignes.
Précisons que Microsoft est propriétaire du réseau social LinkedIn depuis décembre 2016.
Source : Peter Davidson / LinkedIn
Mario Naccarato est professeur titulaire à la Faculté de droit de l’Université Laval. Il a été admis au Barreau, en 1984, au terme de sa formation au baccalauréat en droit, à l’Université de Sherbrooke.
Docteur en droit depuis 2006, il enseigne dans le domaine du droit immobilier. Il a remporté le Prix du concours juridique 2009 de la Fondation du Barreau du Québec et le Prix Minerve 2007 pour meilleure thèse de doctorat au Québec.
Sa thèse est parue en 2008 sous la forme d’une monographie intitulée De l'incidence normative du droit privé au regard du droit criminel économique : perspectives de droit transsystémique (Canada, Angleterre, Suisse et France).
Les questions de Droit-inc au professeur Naccarato
- Sur les captures d’écran que vous trouverez ci-jointes, et intitulées « MN11 », « MN13 », « MN14 », « MN17 », « MN23 » et « MN24 », vous émettez des commentaires ou relayez des informations allant à l’encontre de consensus scientifiques. Vos allégations, à vrai dire, sont considérées comme fausses et erronées par la majorité des membres de la communauté scientifique.
- Vous considérez-vous comme une personne dite « complotiste » au sujet de la pandémie de COVID-19 ?
- Que répondriez-vous à une personne qui vous qualifierait de « complotiste » au regard des propos que vous tenez sur les captures d’écran évoquées ci-haut ?
- Vous écriviez le 26 août 2020, sur la plateforme Facebook (voir « MN22 »), que Bill Gates a « freiné » (notre traduction) l’économie américaine avec une « fausse pandémie ». Vous avez émis une opinion similaire la semaine dernière sur la plateforme LinkedIn (voir « MN23 » et « MN24 »).
- Croyez-vous à l’existence du virus SARS-CoV-2 et de la pandémie mondiale qu’il a entraînée ?
- Pourquoi niez-vous l’existence du virus SARS-CoV-2 et de la pandémie mondiale qu’il a entraînée ?
- Pensez-vous que la pandémie de COVID-19 résulte d’un complot auquel Bill Gates et d’autres personnalités de renommées mondiales sont liés ?
- Pourquoi croyez-vous que la pandémie de COVID-19 résulte d’un complot auquel Bill Gates et des personnalités mondiales sont liés ? Quelles preuves vous permettent de soutenir de telles affirmations ?
- Dans un commentaire émis sur la plateforme LinkedIn (voir « MN_1 »), vous qualifiez de « poison » les vaccins contre la COVID-19. Vous appuyez cette épithète en vous référant au Nobel français, Luc Montagnier, qui est aussi un chercheur controversé. Rappelons que le professeur Montagnier est critiqué depuis plusieurs années pour ses « impostures scientifiques et médicales », selon les mots d’une quarantaine de Prix Nobel, dans une pétition de 2012.
- Que pensez-vous des avis émis par des organisations comme l’OMS et l’INSPQ sur la sécurité des vaccins contre la COVID-19 ?
- Pourquoi croyez-vous que les vaccins contre la COVID-19 sont dangereux, malgré les avis contraires émis par des organisations comme l'OMS et l'INSPQ ? Quelles preuves vous permettent de soutenir de telles affirmations ?
- Parlons de la responsabilité académique. Un chercheur, qui a la responsabilité de rechercher la vérité de façon honnête, en suivant des méthodes et protocoles de recherche rigoureux, doit-il être doublement vigilant vis-à-vis des déclarations qu’il émet publiquement ? Bref, de faire attention à ce qu’il affirme publiquement ?
- Désirez-vous émettre d’autres commentaires ?
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