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Commission unique : Québec c. Ottawa, qui gagnera la guerre ?

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Natacha Mignon

2009-10-21 11:15:00

Québec et Ottawa s’affrontent sur la problématique de la réglementation des valeurs mobilières, à coup de renvois, chacun devant sa juridiction. Qui va gagner, qui va perdre ? Droit-inc a posé la question à des spécialistes.

Dans un entretien avec nos confrères de La Presse canadienne, le professeur de droit à l’université d’Ottawa et ancien ministre de Jean Charest, Benoît Pelletier a indiqué que si Québec perdait sa cause, la Province ne pourrait pas camper sur sa position d’un refus pur et simple d’une commission pancanadienne et devrait ouvrir la voie aux négociations.

D’accord, pas d’accord ? Pour Me André Joli-Cœur, du cabinet Joli-Coeur Lacasse, c’est trop tôt pour le dire et il ne veut pas partir du postulat qu’Ottawa va gagner. Au contraire, selon lui, Québec à toutes les chances de l’emporter. « Cette centralisation irait à l’encontre du principe du fédéralisme, qui dicte de préserver un équilibre constant entre les pouvoirs fédéraux et les pouvoirs provinciaux. »

Ne demandez-pas à cet avocat s’il s’agit là de son sentiment. « C’est plus qu’un sentiment, c’est une opinion d’avocat », répond-il au quart de tour.

Plus nuancée, mais dans le même sens, la position de Me Réal Forest, associé chez Blakes. « Il ne faut pas présumer que la Cour Suprême va dire oui au fédéral », indique ce spécialiste du droit public.

Choix procéduraux

Si le fédéral risque de perdre, pourquoi a-t-il donc pris le risque d’un renvoi ? « Le gouvernement fédéral est imbus de son pouvoir centralisateur, lance Me Jolicoeur. A leur niveau, tout ce qui est pouvoir et qui ne leur appartient pas est un empêcheur. Ils n’en demeurent pas moins de mauvais juges, quant à ce qu’ils font », précise l’avocat qui fut nommé amicus curiae dans le renvoi du gouvernement fédéral relatif à l’accession du Québec à la souveraineté en 1998.

S’il n’y a, à priori, rien à craindre sur le fond pour Québec relativement à ce renvoi en Cour suprême, il aura des conséquences sur la procédure provinciale. « Juridiquement, les deux procédures peuvent se poursuivre », indique Me Forest pour expliquer le principe.

Mais ce ne sera sûrement pas le cas. « A moins que les questions posées arrivent à être radicalement différentes, ce que j’ignore, la Cour d’appel de Québec devra se dessaisir de la question. C’est presque inévitable en pratique », analyse Me Joli-Cœur.

Fond du problème

Sur le fond aussi, Me Joli-Cœur espère une victoire de Québec, pour rester au plus près des besoins des entreprises et leur fournir un accès à l’épargne public rapide et efficace. « En tant que Québécois et homme d’affaires, ce projet de commission unique, c’est aller à l’envers du bon sens. Le système marche pas quand il est centralisé et fonctionne quand il ne l’est pas. »

« Le cas de Vincent Lacroix, si gros soit-il pour les victimes, c’est un petit scandale, et même là, la responsabilité principale incombe plus au fédéral, qui gère le code criminel canadien, commente Me Joli-Cœur. Notez, en plus, que c’est de la petite bière par comparaison aux scandales intervenus aux États-Unis sous l’égide d’une commission unique. »

Photo: ''André Joli-Coeur''
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5 commentaires

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 14 ans
    principe du fédéralisme
    Ce principe a ses limites. Dans les domaines "d'urgence nationales", Ottawa peut buldozer les compétences provinciales.

    Il suffit de dire aux juges qu'il y a péril en la demeure financière, ce à quoi ils répondront que le législateur est dans une meilleur position qu'eux pour juger de l'ampleur du péril, et l'affaire est dans le sac.

    Comme disait l'autre, sur ces questions la CSC est comme la tour de Pise: elle penche toujours dans le même sens.

  2. Me E.T.
    Me E.T.
    il y a 14 ans
    Passeport
    Le débat de commission unique est malheureux, car il mélange une multitude de concepts dans une période où les intervenants du marché ont quelque peu perdu confiance dans les autorités. La commission unique n'est pas simplement une question d' ''enforcement'', qui reçoit facilement l'appui populaire, mais plutôt d'efficience de la règlementation des marchés.

    Pourtant, à ce sujet, les effets du passeport sur lequel plusieurs commissions à travers le Canada ont travaillé au cours des dernières années, et travaillent toujours, n'ont pas encore commencé à se faire sentir. Et déjà, certains souhaitent gagner du capital politique en détruisant un système voué à répondre aux problèmes d'un système décentralisé.

    Je crois sincèrement que nous avons beaucoup à perdre avec une commission unique.

  3. Me
    Me
    Est-ce Me Elyse Turgeon de l'AMF ?

  4. Me E.T.
    Me E.T.
    il y a 14 ans
    Passeport
    Désolé, pratique privée...

  5. Me
    Me
    > Désolé, pratique privée...

    Je ne comprends pas pourquoi vous êtes désolée de ne pas être Me Turgeon.

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