Paul Dionne, l'auteur de cet article. Source: Site web du cabinet Dionne Schulze
Paul Dionne, l'auteur de cet article. Source: Site web du cabinet Dionne Schulze
Dans un récent texte Idées (« Réconciliation et Constitution, un nécessaire arrimage », Le Devoir, 19 juillet), le professeur Pierre Cliche aborde la difficile question de la place des peuples autochtones dans le partage des pouvoirs en droit constitutionnel canadien. Son point de départ est la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, adoptée en 2021 par le Parlement fédéral. Des précisions s’imposent, d’abord sur la portée de cette loi, ensuite sur la place de l’autonomie gouvernementale des peuples autochtones dans la Constitution.

La portée de la loi est limitée, puisque ce sont les lois fédérales qu’elle vise à harmoniser avec la Déclaration des Nations Unies. Dans le préambule de la loi, le gouvernement canadien reconnaît d’ailleurs que les gouvernements provinciaux ont la faculté d’établir leurs propres façons de contribuer à la mise en œuvre de la Déclaration en adoptant des mesures relevant de leurs compétences, et il se dit prêt à collaborer avec eux pour atteindre les objectifs de la Déclaration. Il est donc difficile de voir dans cette loi un envahissement des compétences provinciales.

Quant à l’autonomie gouvernementale, il est important de souligner qu’en février dernier, dans son avis sur la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, la Cour d’appel du Québec a conclu que la réglementation des services à l’enfance et aux familles faisait partie des droits constitutionnels des peuples autochtones.

Selon la Cour d’appel, l’objectif de réconciliation qui sous-tend l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 écarte l’idée que la Loi constitutionnelle de 1867 a réparti tous les champs de compétence entre le fédéral et les provinces et empêche les peuples autochtones de se réglementer dans les matières qui les concernent. Ce « troisième ordre de gouvernement » — si tant est que la Cour suprême en confirme l’existence – n’émanerait pas du gouvernement fédéral, comme le présume le professeur Cliche, car selon la Cour d’appel les lois concernant les services à l’enfance et à la famille adoptées par les gouvernements autochtones « découlent d’une compétence autochtones inhérente », c’est-à-dire d’une compétence reconnue et confirmée à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

À propos de l’auteur

Paul Dionne est avocat retraité. Il a œuvré toute sa carrière en droit des peuples autochtones. Ce texte est d’abord paru au Le Devoir.