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La fin de non-recevoir du Vatican avive le désir de justice des victimes

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Radio -canada

2022-08-19 13:30:00

Les réactions oscillent entre déception et amertume après la décision du pape François d'exclure une nouvelle enquête contre le cardinal québécois Marc Ouellet…

Le pape François a exclu l'ouverture d'une enquête par l'Église catholique contre le cardinal Marc Ouellet, qui fait l’objet d’allégations d'agressions sexuelles. Source: Radio-Canada / Associated Press / Gregorio Borgia
Le pape François a exclu l'ouverture d'une enquête par l'Église catholique contre le cardinal Marc Ouellet, qui fait l’objet d’allégations d'agressions sexuelles. Source: Radio-Canada / Associated Press / Gregorio Borgia
Tentative de camouflage pour les uns, prudence stratégique pour les autres. Le refus du Vatican d’ouvrir une enquête sur des allégations visant le cardinal Ouellet encourage les représentants des recours collectifs à poursuivre leur combat contre les prêtres agresseurs en passant par la voie judiciaire.

« C’est la position de l’Église depuis tout le temps de nier, nier, nier. De prendre des prêtres, de les changer de paroisse, de les envoyer en congé, de camoufler les choses », résume sans ambages Me Alain Arsenault. L’avocat responsable de l’action collective contre le diocèse de Québec pressent « une tentative de camouflage évidente » autour des accusations compromettant le cardinal Ouellet.

À titre de préfet de la Congrégation des évêques depuis 2010, cet « homme fort du Vatican » est chargé de sélectionner les évêques qui seront nommés par le pape. Son pouvoir « a évidemment joué » dans la décision du pape de ne pas l’incriminer, soutient Me Arsenault.

L’avocat représente notamment une requérante qui accuse l’éminent ecclésiastique de comportement déplacé et de harcèlement, indiquent les documents du recours collectif. En refusant la tenue d’une enquête plus approfondie, le Vatican aurait misé sur le pouvoir du silence, selon lui. « Ça fait partie d’une opération : on n’en parlera pas, elle va arrêter, c’est une croyante (...), ils ont ainsi espéré qu’elle renonce(ra) à poursuivre le diocèse. »

Même s’il envisage d'intenter un procès, le défenseur des présumées victimes n’exclut pas la possibilité d’un règlement à l'amiable avec le diocèse de Québec, qui devra désormais tenir compte des accusations précises portées contre le cardinal Ouellet, fait-il valoir.

L'avocat prévient que la plaignante « n’a pas l’intention de céder » dans son combat judiciaire et incite également les autres victimes de prêtres à porter plainte.

« On pourrait se retrouver dans la position : on a un règlement qui inclut (la plaignante accusant le cardinal), qui est organisé, malgré le fait que le pape François dit qu’il n’y a pas matière à (enquêter) », explique Alain Arsenault à Radio-Canada.

L’avocat attend désormais la réaction du diocèse de Québec ainsi que la copie du rapport ayant orienté la décision du pape François. « Mais entre-temps, on va aller en procès », assure l’avocat en entrevue à ICI RDI.

Joint à son tour par Radio-Canada pour obtenir copie dudit document, le diocèse de Québec a rétorqué par le biais de son service des communications que « personne d’entre nous n’a vu ce rapport ».

Conflit d'intérêts

Aux yeux de Sébastien Richard, porte-parole des victimes de religieux au Québec, la décision du souverain pontife illustre bien la structure féodale de l’Église « issue du Moyen-âge où le pape incarne à la fois le législatif, le judiciaire et l’exécutif ». Il dénonce notamment un conflit d’intérêts entre l’enquêteur nommé par le pape, le père Jacques Servais, et le cardinal Ouellet.

« Je ne suis pas surpris qu’il n’y ait pas d’accusations du Vatican, dit-il, les deux étaient proches. » Les deux ecclésiastiques sont en effet membres de l’Association Lubac-Balthasar-Speyr, que préside M. Servais.

L’enquête visant le cardinal a été déclenchée au début de 2021, à la suite d'une plainte envoyée au Vatican. Un an et demi plus tard, le directeur du Bureau de presse du Saint-Siège, Matteo Bruni, a transmis les conclusions stipulant qu’« il n'y a pas d'éléments permettant d'ouvrir un procès contre le cardinal Ouellet pour agression sexuelle ».

Pour l’expert en religion Christophe Henning, le Vatican a pris une décision « sans creuser à fond le dossier » : « S’il y a eu un rapport Servais, le Vatican l’a déposé sur une pile qui va en avoir beaucoup d’autres par la suite », analyse M. Henning.

« On le sait, les victimes d’agressions sexuelles mettent beaucoup de temps à se remettre de leurs blessures, et porter plainte est une épreuve pour elles », une citation Christophe Henning, expert en religion au journal La Croix

La procédure judiciaire n’en serait qu’à ses débuts, dit-il, ce que pressent aussi Louis Rousseau, ancien professeur au Département de sciences des religions de l'UQAM. Il explique à son tour que le Vatican laisserait d’abord la justice canadienne trancher l’affaire, en citant l’exemple du cardinal australien George Pell.

Le prélat de 78 ans a été condamné en 2019 à six ans de prison pour des violences sexuelles sur deux adolescents dans les années 1990, avant d’être acquitté au bénéfice du doute par la justice australienne un an plus tard.

Quant à l’avenir du cardinal Ouellet, nonobstant les éventuelles décisions de justice à venir, il demeure incertain malgré la protection du pape François. Je ne sais pas s’il va perdre de l’influence auprès du pape, ajoute M. Henning, mais ce sera certainement le cas au sein de la curie, car 20 nouveaux cardinaux vont être accueillis à Rome le 27 août, ce qui donnera un collège de cardinaux plus large et plus mondial.

Âgé de 78 ans, Marc Ouellet pourrait bien devoir déléguer une partie de ses responsabilités « sous couvert de réorganisation », anticipe Christophe Henning.
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