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La Cour suprême invalide l’inscription obligatoire au registre des délinquants sexuels

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Radio -canada

2022-10-31 12:00:00

La Cour suprême invalide l’inscription obligatoire au registre des délinquants sexuels.

Le juge en chef de la Cour suprême, Richard Wagner. Source : Radio-Canada
Le juge en chef de la Cour suprême, Richard Wagner. Source : Radio-Canada
Dans une décision partagée à cinq juges contre quatre, vendredi, le plus haut tribunal du pays a déclaré inconstitutionnelle l'inscription obligatoire à perpétuité au registre national des délinquants sexuels.

Le jugement de la Cour suprême accorde un an aux parlementaires pour changer la section de la loi portant sur l'inscription obligatoire au registre. En ce qui a trait à l'inscription à perpétuité, la décision des plus hauts magistrats prend effet immédiatement.

Toute personne ayant vu son nom être ajouté à ce registre depuis 2011 peut d'ores et déjà demander que son statut soit révisé.

La décision de la Cour suprême invalide ainsi des modifications apportées en 2011 par le gouvernement de Stephen Harper à la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels (LERDS).

En vertu de ces modifications au Code criminel, l’inscription au registre de toute personne reconnue coupable d’une infraction d’ordre sexuel était devenue obligatoire. Le fait d'être inscrit au registre implique, pour un délinquant, de devoir se présenter en personne pour fournir des renseignements personnels détaillés, de mettre à jour ses renseignements chaque année et d'aviser de tout changement concernant son travail, son bénévolat, entre autres exemples.

En outre, la décision du gouvernement Harper faisait en sorte que les individus reconnus coupables de plus d'une infraction de nature sexuelle voyaient leur nom inscrit à perpétuité dans ce registre.

La décision rendue en Cour suprême invalide donc les changements apportés en 2011.

Le registre national des délinquants sexuels a été créé en 2004 dans la foulée de l’adoption de la LERDS par le Parlement, qui était préoccupé par l’enlèvement d’enfants et les sévices sexuels commis contre eux.

En vertu de la loi, il revenait à un juge de décider d'inscrire, ou pas, au registre un délinquant sexuel après qu’un procureur de la Couronne eut demandé une ordonnance à cette fin.

En 2011, le Parlement a retiré à la Couronne et au juge ce pouvoir discrétionnaire.

Or, dans leur décision, les juges majoritaires de la Cour suprême statuent que « les deux dispositions du Code criminel violent l’article 7 de la Charte des droits et libertés d’une façon qui ne peut être justifiée dans une société libre et démocratique ».

Il y a atteinte au droit à la liberté garanti par la Charte « parce que l’inscription au registre a d’importantes répercussions sur la liberté de circulation et la liberté de faire des choix fondamentaux de personnes qui ne présentent pas un risque accru de récidive ».

« Il y a des délinquants qui, en raison de leurs caractéristiques individuelles, présentent un risque négligeable de récidive. De plus, en réalité, de 75 à 80 % d’entre eux ne récidivent jamais. »

Le cas de Eugene Ndhlovu

En 2015, une juge albertaine avait condamné Eugene Ndhlovu à six mois de prison et à trois ans de probation après que ce dernier eut plaidé coupable à deux chefs d'accusation pour agressions sexuelles contre deux personnes. Les faits qui lui étaient reprochés avaient eu lieu quatre ans auparavant alors que l'accusé était âgé de 19 ans.

Après avoir examiné les antécédents de M. Ndhlovu et la preuve, la juge de première instance avait conclu que les risques de récidive présentés par ce dernier étaient faibles.

Mais M. Ndhlovu a néanmoins été inscrit au registre national des délinquants sexuels de manière automatique et à perpétuité. Il a contesté avec succès ce jugement, arguant que la loi portait atteinte à sa vie, à sa liberté ou à la sécurité de sa personne pour le reste de son existence.

La Couronne a fait appel de cette décision à la Cour d'appel de l'Alberta, qui a conclu que les dispositions adoptées en 2011 par le Parlement étaient constitutionnelles.

La Cour suprême a accueilli l'appel en février dernier.

En vertu de leur décision, vendredi, les juges exemptent Eugene Ndhlovu de l'obligation d'être inscrit au registre des délinquants sexuels. Et ce, même si la déclaration d'invalidité de l'article 490.012 du Code criminel n'entrera en vigueur que dans un an.

Un registre utile aux policiers

La Cour suprême rappelle que la LERDS et le registre des délinquants sexuels ont pour but d'aider les policiers à prévenir les crimes de nature sexuelle et à enquêter sur ceux-ci.

La Gendarmerie royale du Canada (GRC) recense 61 503 personnes au registre des délinquants sexuels. Le nombre de personnes qui y sont inscrites à vie est de 16 370.

Les juges minoritaires sont d'accord avec les juges majoritaires pour dire que l'inscription obligatoire à perpétuité a une portée excessive.

Toutefois, selon eux, l'inscription obligatoire au registre n'est pas inconstitutionnelle et elle avait pour effet d'aider les policiers dans leur travail de prévention et d'enquête. « De nombreux juges avaient exercé leur pouvoir discrétionnaire de dispenser certains délinquants d’une manière manifestement inappropriée, et le taux peu élevé d’inscription au registre minait son efficacité », écrit le juge en chef Richard Wagner au nom des juges minoritaires. Dans ce contexte, poursuit-il, « le Parlement était en droit de ratisser large ».

Ottawa étudie la décision

Le ministre de la Justice et procureur général du Canada, David Lametti, a déclaré que le gouvernement étudiera cette décision et qu'il reste engagé à ce que les forces de l'ordre disposent des outils nécessaires pour prévenir et enquêter sur les crimes sexuels.

Le ministre Lametti a aussi déclaré qu'il reconnaissait « la souffrance des victimes et survivants des agressions sexuelles » et que le système de justice devait protéger les Canadiens tout en respectant la Charte des droits et libertés.
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