Carrière et Formation

Ces avocats qui « décrochent »

Main image

Camille Dufétel

2023-02-16 14:15:00

Le défi « On décroche 2023 » bat son plein. Il consiste pour les avocats à faire une trêve de 19h à 7h… et des techniciennes juridiques s’y mettent aussi.

Me Marianne Plamondon. Source: Langlois Avocats
Me Marianne Plamondon. Source: Langlois Avocats
« Déconnecter pour mieux communiquer ». Voici ce que suggère le défi « On décroche » pour sa troisième édition. Jusqu’à la fin février, entre 19h et 7h, les avocats sont ainsi invités à reporter au lendemain toute communication professionnelle non urgente.

Le Barreau de Montréal coprésente d’ailleurs le défi cette année, avec le Barreau de Québec qui l’a initialement lancé. Me Marianne Plamondon, avocate en droit du travail et de l’emploi et associée chez Langlois Avocats, qui s’intéresse de près au droit à la déconnexion, est la porte-parole du défi.

Mais celui-ci n’interpelle pas que les avocats. Des parajuristes, des techniciens juridiques, s’y mettent aussi, avec l’idée de faire passer un message à ce sujet aux avocats.

C’est notamment le cas du centre de services parajuridiques et administratifs Paral’elles Juridiques, dont les bureaux sont situés à Québec et à Dégelis, dans le Bas-Saint-Laurent.

Geneviève St-Amand. Source: LinkedIn
Geneviève St-Amand. Source: LinkedIn
« Pas toujours possible »

La copropriétaire et technicienne juridique Geneviève St-Amand explique avoir déjà essayer, depuis la création de son entreprise en janvier 2021, de déconnecter le soir. « Mais je vous avouerais qu’avec certains avocats, c’est assez difficile », pointe-t-elle.

Il est rare, de base, que l’équipe de Paral’elles Juridiques accepte d’envoyer des communications après 18 heures. Elle programme l’envoi des factures et essaie de limiter les communications les fins de semaine également, même s’il y a parfois des urgences.

« Par contre, certains avocats nous envoient des demandes qui font que ce n’est pas toujours possible, décrit-elle. Par exemple, quand on reçoit une demande l’après-midi et que ça doit être fait le lendemain matin. »

Ce n’est toutefois pas systématique, d’autant que son entreprise, dont l’autre propriétaire est Victoria Blouin-Demers, met tout le monde « au parfum » dès le départ sur l’importance de la déconnexion.

« Notre tarification diffère d’ailleurs en dehors des heures de bureau pour inciter les clients à ne pas y recourir », précise la technicienne juridique, dont l’entreprise offre des services juridiques dans toutes les sphères du domaine juridique et à la grandeur de la province.

Geneviève St-Amand explique quoi qu’il en soit vouloir inviter ses collègues à inciter leurs clients à faire de même.

« Je trouve que c’est un fléau épouvantable et que dans le milieu juridique, les avocats s’en demandent tellement trop que ça a des impacts sur la santé, sur la famille, mais aussi sur les services », ajoute-t-elle.

Pour elle, tous les collaborateurs des avocats ont un rôle à jouer dans le fait que ces derniers arrivent à décrocher. Elle estime que tout le monde à quelque chose à y gagner, y compris les clients des avocats.

« Ça ne devrait pas être un défi d’un mois, ça devrait toujours être en place », croit celle qui se décrit comme une « entrepreneure dans l’âme » et qui a amorcé un retour aux études à 38 ans pour suivre sa technique juridique.

Me Samuel Massicotte. Source: Stein Monast
Me Samuel Massicotte. Source: Stein Monast
Couper ses notifications ? Non !

Me Samuel Massicotte, associé chez Stein Monast à Québec, est l’idéateur de ce défi.

Il fait d’emblée remarquer à Droit-Inc que sa dernière publication à ce sujet sur LinkedIn, datée du 12 février, dans laquelle il rappelle que « ça peut attendre à demain », « pour les autres », « par respect », lui a valu 18 000 vues en une journée et demie, de beaux commentaires…

Mais aussi quelques remarques teintées de scepticisme.

Des remarques disant que rien n’oblige personne à lire ses courriels d’emblée, même s’ils ont été reçus le soir. Un point sur lequel il n’est pas d’accord.

« Certaines personnes me disent qu’ils ont leurs idées géniales la nuit, souligne-t-il. Justement, tu peux faire ton courriel, mais retarde-le jusqu’à demain matin pour éviter que la personne ne panique de recevoir ça la nuit en se demandant si c’est une urgence. »

Le but est selon lui « de réduire le côté anxiogène de la chose ».

Ce Barreau 1998 a reçu d’autres commentaires disant qu’il est aussi possible de couper ses notifications quand on souhaite déconnecter.

L’associé n’est pas non plus d’accord. « Je ne dis pas qu’il ne faut pas travailler ! Si j’ai une urgence, si une entreprise est en train de passer au feu et qu’on veut absolument parler à l’avocat… Ce n’est pas vrai que je vais tout éteindre ».

Il veut surtout insister sur le fait qu’il y a des sujets non essentiels que les gens vont transmettre pour se vider l’esprit. On peut tout simplement programmer certains courriels.

Plus de frontières

Pourquoi Me Massicotte a-t-il d’ailleurs eu l’idée de lancer ce défi ? Pas parce qu’il subissait la réception de ces courriels tardifs, mais plutôt parce qu’il était de ceux qui les envoyaient, admet-il, amusé.

Il a réalisé qu’il n’y avait plus de frontières, à cause du télétravail, entre le travail et la fin de la journée, et que c’était trop facile d’envoyer des courriels à toute heure du jour et du soir pour pouvoir se libérer l’esprit.

« Avec la pandémie et le télétravail, on avait une recette parfaite pour une catastrophe », ajoute-t-il, notamment sur le plan de la santé mentale. Il juge d’ailleurs que les parajuristes sont bien placés pour s’en rendre compte.

Il remarque qu’une des premières choses que vont noter ceux qui ont subi un épuisement professionnel, est qu’ils ne faisaient que travailler ou penser au travail. Et qu’ils se trouvaient paresseux dès qu’ils ne travaillaient pas. « C’est très insidieux », croit-il.

Bientôt des comptables et des notaires ?

L’avocat remarque, avec joie, que l’initiative se généralise et que plusieurs Barreaux de région suivent aujourd’hui le mouvement.

Des comptables et des notaires lui ont même fait part de leur intérêt pour ce défi.

« N’attendons pas d’avoir une loi qui va nous y contraindre, faisons-le par nous-même, par respect, de nos confrères, consœurs, employés ! »

Il assure suivre ce défi lui-même toute l’année, évidemment sauf en cas d’urgence.

Il pense que cela participe d’une saine organisation du travail mais ajoute qu’il faut aussi faire attention sur le plan des urgences, car certaines d’entre elles peuvent résulter d’un manque de planification…
6811

3 commentaires

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a un an
    Communication non urgente selon qui ?
    Pour les clients "non-sophistiqués", tout est "pour hier"!

    Un avocat qui ne répond pas dans les 5 minutes à un message, un texto, ou un courriel, et c'est déjà la panique à bord pour ce type de client.

  2. Anonyme
    Anonyme
    il y a un an
    Pierre
    Quand des avocats donnent des conseils de vie à d'autres avocats ... nous n'avons pas besoin de vous pour gérer nos vies ;-)

  3. Anonyme
    Anonyme
    il y a un an
    Qu’est ce que les jeunes en disent?
    Est-ce que les jeunes avocats qui travaillent avec ces associés ont droit de décrocher? Ou reçoivent-ils des dossiers en soirée à remettre le lendemain?

Annuler
Remarque

Votre commentaire doit être approuvé par un modérateur avant d’être affiché.

NETiquette sur les commentaires

Les commentaires sont les bienvenus sur le site. Ils sont validés par la Rédaction avant d’être publiés et exclus s’ils présentent un caractère injurieux, raciste ou diffamatoire. Si malgré cette politique de modération, un commentaire publié sur le site vous dérange, prenez immédiatement contact par courriel (info@droit-inc.com) avec la Rédaction. Si votre demande apparait légitime, le commentaire sera retiré sur le champ. Vous pouvez également utiliser l’espace dédié aux commentaires pour publier, dans les mêmes conditions de validation, un droit de réponse.

Bien à vous,

La Rédaction de Droit-inc.com

PLUS

Articles similaires