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Grève au Palais de justice de Montréal ?

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Marie-ève Buisson

2023-05-03 15:00:00

Après les démissions, la grève ? Des adjointes à la magistrature mécontentes de leurs conditions de travail au Palais de justice de Montréal y songent…

Des manfiestants du SFPQ bloquent l'accès au palais de justice de Montréal. Source: Radio-Canada / Simon-Marc Charron
Des manfiestants du SFPQ bloquent l'accès au palais de justice de Montréal. Source: Radio-Canada / Simon-Marc Charron
Plusieurs adjointes à la magistrature du Palais de justice de Montréal souhaitent se tourner vers la Confédération des syndicats nationaux (CSN) pour leur nouvelle convention collective qui est échue depuis le 31 mars dernier.

Selon Line*, une adjointe à la magistrature au Palais de justice de Montréal, plusieurs moyens de pression seront mis en place pour remplacer la convention collective qui est échue.

« Ces moyens de pression peuvent se rendre jusqu’à la grève. Les gens sont exténués par le SFPQ, ils n’ont pas l’impression de se faire écouter », dit-elle.

Rappelons que dans un récent article de Droit-inc, on apprenait qu’il y a eu plus de 800 démissions depuis trois ans dans les palais de justice. C’est toutefois à Montréal qu’on retrouvait le plus de départs volontaires des greffières-audiencières, des techniciennes en droit, d’agentes de bureau et d’adjointes à la magistrature.

Le vice-président du Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ), Patrick Audy, s’était dit surpris de voir autant de démissions dans les palais de justice.

Line se dit choquée de voir « comment monsieur Audy a fait semblant de ne pas être au courant pendant trois ans de la situation. Il dit tout à coup qu’il est surpris de voir qu’il y a 35 % de démissions dans la fonction publique au Ministère de la Justice alors que ça fait plusieurs années qu’on lui dit qu’il y aura une pénurie ».

Selon une autre adjointe à la magistrature, Héloïse*, il n’y a aucun doute que le vice-président était au courant de la pénurie des employés dans les palais de justice.

« Ça fait des années qu’on se plaint. C’est lui qui reçoit nos revendications pour que ça se rende au Conseil du trésor et malheureusement ça ne se rend pas, pour une raison que j’ignore. Dire qu’il est surpris d’apprendre l’ampleur du problème, c’est un peu faire l’innocent », se choque-t-elle.

Le vice-président du syndicat, Patrick Audy, soutient qu’il a d’abord été surpris par le nombre de départs dans les palais de justice.

« Je ne suis pas étonné de voir ce que vivent les adjointes à la magistrature. À l’automne dernier, nous sommes allés voir le Ministère de la Justice pour leur parler des conditions de travail des employés. Ils m’ont alors présenté un projet de recrutement majeur dans les palais de justice, sans me dire le nombre de départs depuis les trois dernières années. Je peux aujourd’hui vous confirmer que nous nous sommes faits berner. Le ministère ne nous a jamais donné les statistiques concernant les départs massifs d’employés dans les palais de justice. C’est ça qui m’a surpris ».

Selon Héloïse, le syndicat actuel représente plus de 28 000 membres de la fonction publique. « Ça inclut le personnel de bureau, les agents, les secrétaires, les préposées à l’information, etc. Ce qu’on aimerait avoir, c'est un syndicat qui ne représente que les employés de la justice ».

Elle estime ainsi que la seule chose à faire sera la grève.« Selon moi, c’est urgent que quelque chose soit fait. Nous avons peu de contrôle sur ce que les autres font, mais je crois que partir en grève à Montréal est tout à fait faisable », ajoute Héloïse.

Pénurie d’employés ?

Dans un courriel, le Ministère de la Justice mentionne qu’il a embauché plus de 1700 employés au cours de la dernière année, dont 1242 dans les palais de justice.

« Comme tous les employeurs du Québec, le Ministère de la Justice n’est pas épargné par la pénurie de main-d’œuvre. Toutefois, selon nos plus récentes données pour l’ensemble des palais de justice du Québec, ce sont 90 % des postes vacants qui sont pourvus. »

Selon Héloïse, il y a bel et bien une embauche massive dans les palais de justice au Québec. Toutefois, le Ministère de la Justice procède à l’emploi de personnes « n’ayant pas les qualités requises pour travailler avec des juges ».

« Le niveau d’expérience et de scolarité de ces personnes est très bas, puisqu’il n’y a peu d’exigences particulières à l’embauche. On ne demande qu’un secondaire 5 et un diplôme en secrétariat ou en bureautique. La plupart des nouveaux employés ne savent même pas pourquoi on appelle un avocat maître ! » dit-elle, exaspérée.

Selon l’adjointe à la magistrature, le manque d’expérience juridique des nouveaux employés cause beaucoup de mouvements dans les palais de justice. « On ne retrouve plus d’expertise dans ce métier. Les nouveaux employés doivent souvent changer de juges qui ne sont pas satisfaits de leur travail », souligne-t-elle.

À cause du niveau de difficulté du poste, plusieurs personnes choisissent de quitter leur nouvel emploi dans un palais de justice. « Oui, on embauche massivement, mais je dirais qu’il y a environ le quart des employés qui s’en vont et les ¾ qui restent ne sont pas capables d’accomplir leurs nouvelles tâches », pointe-t-elle.

La plupart des employés présents depuis plusieurs années ont choisi de quitter à leur tour leur poste. « Mes collègues que j’avais en 2017 ne sont plus là. Elles ont toutes quitté le palais de justice ! » mentionne Héloïse.

« Grâce à leur permanence, plusieurs s’en vont en congé sans solde pour éviter de perdre leur place. Par contre, je n’ai jamais vu personne revenir de leur congé. Les gens ne sont pas fous, ils ne veulent pas revenir travailler dans ces conditions de travail », ajoute Line.

Pour la première fois de l’histoire, les juges se sont rangés publiquement du côté des employés des palais de justice dans une lettre rédigée le 3 avril dernier.

« Avec autant de postes non comblés, les adjointes qui demeurent en poste doivent toujours en faire plus et plusieurs nous verbalisent leur découragement. Cela n’est sans doute pas étranger à l’exode dont témoigne le haut taux de roulement recensé dans les palais de justice », peut-on lire dans la lettre.

Conditions de travail

Le manque de main-d’oeuvre dans les palais de justice cause de la surcharge de travail chez les employés restants. Il n’est pas rare de voir des adjointes à la magistrature faire des heures supplémentaires et travailler dans des délais serrés pour compenser pour le manque de personnel.

« Après ma journée de travail, j’arrive chez moi, je suis comme un zombie. J’ai de la difficulté à me concentrer, je ne veux pas participer à rien, je suis fatiguée… On est en train de tomber malade, on tombe toutes comme des mouches », avoue Line.

Les nombreux départs dans les palais de justice sont d’ailleurs souvent causés par des dépressions ou des burn-out, selon les deux adjointes à la magistrature.

L’écart salarial entre les palais de justice et les cabinets privés cause également un sentiment d’injustice chez les employées.

« En 14 ans, mon salaire n’a augmenté que de 7000 $. Lorsque je suis arrivée en poste, j’étais déjà plafonnée à cause de mon expérience. Aujourd’hui, il y a neuf paliers de salaire et le maximum qu’on peut atteindre c’est 51 500 $ par an », confie Line.

Selon Héloïse, « ce n’est pas normal qu’une personne avec 10 ans d’expérience fasse 75 000 $ dans un cabinet d’avocats privé et 51 500 $ au Ministère de la Justice du Québec. Si je me pointe dans un cabinet, je sais qu’on va m’accueillir à bras ouvert. Mais moi, je veux rester au palais de justice et je veux qu’on me paye ce que je pense mériter ».

Les nombreux départs dans les palais de justice peuvent causer des ralentissements dans les dates de procès.

« C’est le public qui va écoper. S’il n’y a plus d’adjointes à la magistrature aux côtés d’un juge, on n’a pas le choix de repousser la date de procès. Les gens ont déjà probablement attendu des mois, voire des années pour aller en cour. Ils ont aussi payé des sommes astronomiques en avocat pour s’y préparer. Ce serait dommage que ce soit repoussé », dit Héloïse.

Selon les juges de la Cour supérieure, « tout cela a assurément un impact sur la qualité de la justice, de même que sur les délais à être entendus et à obtenir jugement. Les citoyens sont les plus grands perdants ».


''L’identité des personnes a été changée pour protéger leur anonymat.''
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2 commentaires

  1. A
    A
    Le fait qu'un Juge gagne 9x le salaire d'un adjointe est purement indécent.

  2. Anonyme
    Anonyme
    il y a 11 mois
    Rigueur
    1. C'est faux;

    2. C'est hors contexte;

    3. Ce n'est pas le salaire élevé des juges qui pose problème, mais plutôt le salaire médiocre du personnel pour lequel le grouvernement du Québec n'a rien à cirer.

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