Carrière et Formation

Une avocate transforme un projet bénévole en organisme communautaire

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D’un projet bénévole à une mission structurée : une avocate se confie sur la création de son organisme.


Marie-Anik Shoiry - source : LinkedIn


Me Marie-Anik Shoiry est la fondatrice de l’organisme Le Reflet, dédié à la collecte et à la distribution de produits d’hygiène et de soins pour les personnes vulnérables.

Tout est parti d’une initiative bénévole et d’un blog. À l’époque, Me Shoiry travaillait en tant que directrice juridique pour Industrielle Alliance et partageait des histoires positives et inspirantes destinées principalement aux femmes.

Un jour, elle a été touchée par l’action d’une femme de son entourage, qui préparait des sacs à dos de Noël pour des adolescentes hébergées sous la responsabilité de la DPJ.

L’avocate a proposé de raconter cette initiative sur son blog et a été invitée à participer à la remise des sacs. « Voir les étoiles dans les yeux de ces jeunes filles, certaines n’ayant jamais reçu de cadeau auparavant, c’était bouleversant », se souvient-elle.

Elle a donc lancé un appel sur les réseaux sociaux et, avec le soutien de son employeur, Industrielle Alliance, un bac de collecte a été installé dans ses bureaux. Rapidement, les dons se sont accumulés… dans son sous-sol.

Le projet a vite pris de l’ampleur. Des entreprises ont commencé à faire des dons, obligeant l’organisme à trouver un local. En 2018, l’objectif était ambitieux : préparer 600 trousses-cadeaux pour les femmes hébergées à la YWCA de Québec et à la Y des femmes à Montréal.

En janvier 2020, quelques semaines avant le début de la pandémie, elle a donc créé officiellement un OBNL, afin de structurer le projet, obtenir du financement et développer l’organisation. Près de six ans plus tard, Droit-Inc est allé à la rencontre de Me Shoiry.

Aujourd’hui, comment fonctionne l’organisme? Est-ce que vous travaillez avec une équipe, des partenaires extérieurs?

On est trois employés dans l’équipe. J’ai enfin pu embaucher un coordonnateur aux opérations cette année. Jusqu’à tout récemment, j’étais la seule employée, faute de budget, même si les besoins étaient bien présents.

Je travaille aussi avec une esthéticienne sociale. L’esthétique sociale, c’est un concept qui vient d’Europe, encore très novateur ici. Avec le temps, on a voulu aller plus loin que la simple distribution de produits : on propose maintenant aussi des soins. On se déplace directement dans les organismes partenaires pour offrir gratuitement des soins à des femmes en situation de fragilité.

Aujourd’hui, notre modèle repose vraiment sur la collaboration. On travaille avec plus de 115 organismes partenaires : des CIUSSS (comme ceux de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches), des écoles, des milieux défavorisés, et plusieurs organismes communautaires. Ensemble, on identifie les besoins et on personnalise nos distributions selon les différentes clientèles.

Au départ, notre mission visait surtout les femmes, mais avec le temps, on a élargi notre portée pour soutenir toutes les personnes vulnérables de la communauté. Cela dit, la majorité de nos actions demeurent centrées sur les femmes en situation de précarité, car c’est là que les besoins sont les plus criants. On intervient aussi beaucoup auprès des jeunes, les adolescents et jeunes adultes, pour qui l’accès à des produits d’hygiène joue un rôle crucial dans la construction de l’estime de soi.

Comment vos expériences passées, que ce soit en cabinet ou en entreprise, façonnent aujourd’hui votre façon de diriger l’organisme?

Honnêtement, ça m’a énormément aidée d’avoir travaillé dans le monde des affaires, que ce soit dans un cabinet ou au sein d’une institution financière. Ces expériences m’ont permis de mieux comprendre le fonctionnement du milieu corporatif et de développer un bon réseau dans la communauté d’affaires.

Aujourd’hui, je me rends compte que ça me donne un bel équilibre : j’ai à la fois cette sensibilité pour le milieu communautaire, que j’adore, d’ailleurs, parce qu’on y côtoie des travailleurs sociaux et des intervenants extraordinaires, qu’on ne met pas assez en lumière, et en même temps, j’ai les réflexes du monde des affaires.

C’est essentiel, parce qu’un organisme de bienfaisance, ça reste aussi une organisation qu’il faut gérer avec rigueur. On doit trouver du financement, assurer une bonne gouvernance, bâtir un conseil d’administration solide et compétent. Tout le volet « business » de mon parcours m’aide beaucoup à structurer l’organisme et à le faire grandir.

Comme on a aussi un important volet philanthropique, il faut constamment chercher des sources de financement, remplir des demandes de subventions, et solliciter des partenariats. Et le défi, c’est que la précarité hygiénique, ou ce qu’on appelle « l’action produit », n’est pas encore reconnue dans les programmes gouvernementaux, même si c’est un enjeu crucial. Résultat : on n’a aucune source de financement récurrente. Chaque année, il faut recommencer à zéro pour réunir les fonds nécessaires à la poursuite de notre mission.

Dans ce contexte, mon réseau d’affaires et mes compétences juridiques sont de précieux atouts. Mon passé d’avocate m’aide à naviguer les aspects légaux et administratifs, à rédiger les ententes, à m’assurer que tout est conforme. Je dirais que mon parcours m’a permis d’avoir les deux côtés de la médaille : la rigueur et la structure du monde des affaires, et la bienveillance et l’humanité du communautaire. Et c’est cette combinaison-là qui, je crois, fait la force de notre organisme aujourd’hui.

Travailler dans le milieu communautaire, est-ce quelque chose qui vous a toujours intéressée?

Je dirais que ça a toujours fait partie de moi. Depuis que je suis toute petite, mes parents m’ont transmis des valeurs d’entraide, de solidarité et de partage. J’ai toujours eu ce besoin de m’impliquer. Déjà au secondaire, j’avais participé à une mission humanitaire au Mexique, où on faisait du bénévolat dans des soupes populaires, ça m’avait beaucoup marquée.

Donc oui, le désir de redonner a toujours été présent, c’est vraiment ancré dans mes valeurs. Je ne pensais pas forcément que ça deviendrait un jour mon travail à temps plein, mais les choses se sont faites naturellement.

C’est drôle, parce qu’il n’existe pas vraiment de formation universitaire en philanthropie ou en action communautaire structurée, et pourtant, c’est un domaine tellement humain, tellement essentiel. Peut-être qu’un jour, on en verra apparaître, qui sait?

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