Tête à tête avec la nouvelle boss du DPCP à Montréal
Sonia Semere
2022-10-24 15:00:00
C’est désormais en tant que patronne des procureurs de la Couronne de Montréal que Me Rachelle Pitre va poursuivre sa mission au sein du DPCP.
Droit-inc s’est entretenu avec elle pour évoquer ce nouveau rôle qui lui a été confié. L’occasion également d’évoquer les sujets brûlants du moment : la méfiance du public vis-à-vis du système judiciaire, le désengorgement et la lenteur des tribunaux ou encore les affaires liées aux fusillades qui suscitent l'intérêt médiatique et qui inquiètent les procureurs…
Quel bilan tirez-vous de ces cinq dernières années ?
J’ai été nommée comme procureure en chef adjoint responsable de l’équipe attitrée aux violences sexuelles en mars 2017 et a pris place le mouvement #MoiAussi en automne de la même année. J’étais vraiment aux premières loges de l’évolution sociale reliée à ce mouvement.
Durant mon mandat de 5 ans, l’actualité judiciaire sur la lutte à la violence sexuelle a été riche en débats mais il y avait aussi beaucoup de critiques à l’égard du système.
Ça nous a permis de réaliser qu’il était méconnu et qu’on avait besoin d’assurer une présence publique et médiatique plus soutenue. Avec mon organisation, on a saisi chaque occasion pour pouvoir vulgariser notre mission et expliquer le fonctionnement du système judiciaire. Je pense vraiment que la communication publique est fondamentale.
C’est certain également que le DPCP collabore avec tous les partenaires, on veut améliorer nos méthodes de travail pour supporter les victimes dans le système judiciaire.
Il n’y a pas encore de projet pilote de tribunal spécialisé à Montréal mais il faut souligner qu’on a déjà une équipe de procureurs qui sont spécialisés en violences sexuelles. Ils travaillent en étroite collaboration avec les policiers et les organismes d’aide aux victimes.
Vous quittez donc vos anciennes fonctions pour rejoindre le poste de procureure en chef du bureau du DPCP. Pourquoi avoir accepté ce nouveau rôle ?
J’ai toujours dit que j’avais le DPCP tatoué sur le cœur. J’ai vraiment à cœur mon institution, j’y suis depuis ma sortie d’école du Barreau. C’est certain que pour moi, c’est un défi qui allait de soi avec ce que j’avais vécu. J’avais vraiment le goût d’élargir mon champ de compétences, d’avoir de nouveaux défis…
Justement, quels sont les défis qui se présentent à vous ?
L’idée est vraiment d’amener les victimes au cœur du processus judiciaire mais pour tous les types de criminalité.
Avec ces deux années de pandémie, je veux aussi débuter mes fonctions par un souci du bien être des employés qui vont être sous ma responsabilité. J’ai envie de raviver notre besoin d’appartenir à quelque chose de collectif.
Il y a aussi la question des délais qui est importante. On est conscient que tout allongement des délais va impacter les victimes, les témoins, les accusés et leurs proches. Pour le moment, ces solutions en sont encore au stade embryonnaire. Mais évidemment, on a à cœur cette préoccupation.
Et puis il y a aussi la pénurie de main-d'œuvre. C’est un phénomène de société qui affecte tous les secteurs au Québec présentement. Il faut aussi savoir que j’arrive tout juste en poste et je dois nommer trois procureurs en chef adjoint. C’est un défi sur lequel je suis actuellement et qui est une de mes priorités.
Le recours aux mesures alternatives semble, de plus en plus, être favorisé. On pense notamment au Programme de mesures de rechange général. N’est-ce pas là une solution intéressante pour soulager les tribunaux ?
C’est certain qu’on favorise ce programme. On a d’ailleurs un procureur en chef adjoint qui va avoir cette responsabilité là, de s’assurer qu’on applique réellement les mesures alternatives et qu’on les connaisse. Il faut que les procureurs maîtrisent ces notions pour les appliquer. Ça fait partie de nos priorités.
Revenons à la perception du public vis-à-vis du système judiciaire. Celui-ci peut parfois susciter la crainte et la méfiance. Comment créer un lien de confiance et améliorer l’accompagnement des victimes ?
Il faut être plus présent. Il faut réellement prendre le temps d’expliquer comment fonctionne le système judiciaire et prendre le temps de vulgariser. Il faut aussi former une équipe autour des victimes et avoir recours à l’aide de nos partenaires que ce soit les policiers ou les organismes d’aide aux victimes.
Je pense qu’on doit aussi s’assurer que les victimes aient des attentes réalistes face au système judiciaire. Ici, j’ai surtout en tête les violences sexuelles. Il faut comprendre qu’avec un procès criminel basé sur la présomption d’innocence, le but est de condamner l’agresseur sur la base de preuves qu’on démontre à la cour.
Il faut également rappeler que le procès n’a pas forcément été conçu pour guérir les victimes. Une victime qui s’engage dans le processus judiciaire, ce qui est important c’est de lui dire avant tout, de consulter, d’avoir de l’aide psychologique et de prendre soin d’elle pour s’assurer d’être fonctionnelle en société.
Il ne faut pas attendre nécessairement le résultat d’un procès criminel. On a vu des victimes qui même avec une condamnation n’étaient pas guéries…
Outre les violences sexuelles, quels autres types de criminalité suscitent une attention particulière de la part des procureurs ?
Il y a une augmentation fulgurante de la criminalité par arme à feu. On voit qu’il y a des possessions d’armes à feu et des fusillades donc c’est certain que c’est une grande préoccupation.
Il y a aussi la criminalité économique avec la fraude à un employeur. On a aussi les fraudes «grands-parents». C’est une criminalité qui est très sournoise et qui a des conséquences très graves dans la vie des gens. Certaines personnes se retrouvent dans une position de vulnérabilité.
On a aussi des gens qui ont des soucis de santé mentale et des problèmes de consommation de stupéfiants qui commettent des crimes et qui entrent dans un phénomène de porte tournante. Ils vont être confrontés au système judiciaire puis être condamnés.
L’idée c’est d’être en mesure d’éviter à ces gens-là de revenir dans le système judiciaire, leur trouver des ressources et des outils pour qu'ils puissent mettre fin à ce cycle de consommation ou retrouver une stabilité psychologique.
On remarque que le DPCP est particulièrement présent sur les réseaux sociaux depuis ces dernières années. Quelle place prend le numérique dans le système judiciaire et quel rôle peut-il jouer ?
En effet, on a une page TikTok, un compte Instagram, une page Facebook et un compte Twitter. Plus on est présent sur les réseaux sociaux, plus on va sensibiliser d’autres personnes. Je pense aux jeunes qui utilisent ces plateformes de façon systématique. C’est une façon pour nous d’éduquer, d’expliquer et de sensibiliser. L’idée est vraiment d’aller parler à un autre public que celui qui écoute les médias traditionnels.
Francine Dubé
il y a un anBonjour,
Premièrement, il y a des lustres qu'on ne nous appelle plus "secrétaire". Ce mot est dépassé!
Après lecture de votre texte, j'ai eu l'impression de retourner en arrière, vraiment très loin en arrière. Ce type de "secrétaire" n'existe plus depuis longtemps.
Je suis adjointe depuis plus de 43 ans.
Si vous voulez savoir ce qu'est une bonne adjointe, je vous pourrai vous pondre un texte beaucoup plus contemporain.