Excuses du pape : l'Église poursuivie au nom de milliers de victimes

Une demande d’action collective a été déposée contre l’Église catholique au nom des milliers de victimes des pensionnats autochtones à la suite des excuses du pape.

Un survivant des pensionnats autochtones a déposé une demande d'action collective contre l'Église catholique, cherchant à obtenir justice pour les milliers de victimes d'abus subis dans les institutions gérées par l'Église au Canada.
La procédure a été déposée devant la Cour supérieure du Québec par Rolland Maillet et ses avocats, Mes Gérard Samet et Robert Astell. Elle vise l'Église catholique du Canada, l'Archevêque de Québec et la Nonciature apostolique au Canada.
La demande d'action collective ne vise pas les pensionnats eux-mêmes, qui ont déjà fait l'objet de poursuites, mais l'Église catholique en tant qu'institution qui a dirigé et administré ces établissements.
Elle allègue que l'Église porte une responsabilité directe pour les abus physiques, psychologiques, culturels et sexuels que des milliers d'enfants autochtones ont subis.
La demande se fonde plus particulièrement sur les excuses officielles du pape François lors d’un voyage officiel au Canada en juillet 2022, où il a reconnu le rôle de l'Église dans l'assimilation forcée et les abus subis dans le système des pensionnats.
Le demandeur soutient que ces excuses ne sont qu'une première étape et que l'Église doit être tenue légalement responsable des torts qu'elle a causés.
Traumatismes et séquelles
Le demandeur expose en détail les abus dont il dit avoir été victime, notamment des sévices sexuels et des violences physiques.
Rolland Maillet affirme avoir dû endurer des injections médicamenteuses chaque semaine pendant un an parce qu’on le jugeait trop « sauvage ». Il aurait également dû subir une opération à une main à force d’avoir été frappé avec une règle parce qu’il faisait des fautes. On l’aurait aussi forcé à dormir sur un matelas couvert de pierres pour nettoyer ses origines « sauvages ».
Le demandeur dit avoir surtout été victime d’abus sexuels commis par des professeurs « assez âgés » sur une base régulière. Il allègue en outre avoir été enlevé à sa famille à la naissance et séparé de sa culture.
Rolland Maillet soutient que ces expériences ont causé chez lui de profonds traumatismes psychologiques et des séquelles qui affectent encore sa vie aujourd'hui.
« Disons que je n’ai pas eu une enfance joyeuse. J’ai 73 ans aujourd’hui, et j’en subis encore les conséquences », a commenté M. Maillet au cours d’un entretien avec Droit-inc.
Le groupe
Le demandeur rappelle dans sa requête que l’Église catholique romaine a joué un rôle central dans la mise en place et la gestion d’institutions destinées à assimiler les enfants autochtones au Canada. Pendant plus d’un siècle, plus de 150 000 enfants ont été forcés de fréquenter ces institutions.
Le groupe visé par l'action collective inclut « toute personne autochtone ayant subi des abus » dans le cadre du système des pensionnats gérés par l'Église. L'objectif est d'obtenir des dommages compensatoires, moraux et punitifs d'un montant de 1 million de dollars ainsi que des mesures concrètes de réparation et de soutien à la guérison.
Les questions communes soumises à la Cour portent sur la responsabilité juridique de l'Église, la contradiction entre ses valeurs et ses actes, et son inaction face aux demandes de réparation et de réconciliation.
Les avocats du demandeur soutiennent que l'Église a violé les droits fondamentaux des enfants autochtones et qu'elle doit maintenant faire face aux conséquences de ses actions.
Pour Rolland Maillet, il est temps que l’Église soit tenue responsable des torts qu’elle a causés. « La personne qui a engagé un tueur à gages pour tuer est aussi coupable que le tueur à gages qui a tué », a-t-il illustré à Droit-inc.