La relève du Barreau est-elle en voie d’épuisement?
Une étude inédite dresse un portrait du bien-être et des conditions de travail des jeunes avocats au Québec.
Ce mardi 28 octobre, Droit-inc s’est rendu dans les locaux du Barreau du Québec afin de découvrir les résultats de l'étude inédite portant sur le bien-être et les conditions de pratique des jeunes avocats du Québec.

Dirigée par la professeure Nathalie Cadieux de l’Université de Sherbrooke, cette recherche s’inscrit dans la continuité d’une première étude publiée en 2016. Réalisée auprès de 685 jeunes professionnels, l’étude a été menée en collaboration avec le Barreau du Québec, le JBM, le Jeune Barreau de Québec et l’Association des Jeunes Barreaux de Région.
Elle révèle des progrès notables dans la reconnaissance du bien-être au travail, mais aussi des défis persistants touchant la santé mentale, la conciliation travail-vie personnelle et la rétention dans la profession.
Des chiffres qui interpellent
Parmi les constats les plus marquants de l’étude, on note que seulement 33 % des jeunes avocats estiment avoir été adéquatement préparés par l’École du Barreau à leur vie professionnelle.
La charge de travail demeure également un enjeu majeur : près des trois quarts des heures effectuées (74 %) sont facturables. Cette intensité se reflète aussi dans les habitudes de travail, puisque plus de la moitié des jeunes (53 %) déclarent avoir travaillé pendant leurs vacances.
L’étude met également en évidence des inégalités persistantes à l’embauche, les jeunes issus de la diversité étant moins nombreux à décrocher un emploi à la suite de leur stage. En région, c’est la stabilité même de la profession qui préoccupe.
Une profession passionnée, mais fragilisée

La recherche montre que si les jeunes avocats restent profondément attachés à leur métier, certains envisagent malgré tout d’en partir.
« C’est une étude assez alarmante, mais notre objectif n’est pas d’être alarmistes », a déclaré Me Andrée-Anne Dion, présidente du Jeune Barreau de Montréal et associée au cabinet Shadley Knerr.
« Il faut que tout le monde travaille ensemble. On veut aller à la rencontre de nos membres et des étudiants pour savoir ce qu’on peut faire. Le but, c’est de lancer une discussion plus large sur le bien-être et l’avenir de notre profession. »
Selon Me Dion, ces défis se font sentir au quotidien. Elle exerce en défense criminelle, un domaine aux horaires imprévisibles, où les avocats sont régulièrement confrontés à des personnes en détresse ou à des situations de santé mentale délicates, rendant le travail particulièrement exigeant sur le plan émotionnel.
Entraide et communication
Dans ses débuts, Me Dion nous confie avoir ressenti ce poids de manière intense. « Comme beaucoup de jeunes avocats, on prend beaucoup sur nos épaules. On veut bien faire, on veut apprendre, et on travaille énormément. »
Après la pandémie, elle a senti le besoin de prendre une pause. « Si je n’avais pas eu ce soutien, je ne serais peut-être plus dans ce domaine aujourd’hui. Le fait d’avoir pu prendre trois semaines pour me recentrer m’a sans doute évité un arrêt plus long, voire un changement complet de carrière. »
Pour mieux préparer la relève, Me Dion insiste sur l’importance des programmes de soutien accessibles dès les débuts de carrière.

Le Barreau du Québec propose le programme PAMBA, qui permet aux avocats et aux étudiants de consulter gratuitement un psychologue pour un certain nombre de séances. Ce soutien, encore trop méconnu, est particulièrement utile pour les jeunes qui débutent avec un salaire plus modeste et hésitent parfois à investir dans leur santé mentale, assure l’avocate.
Elle met également l’accent sur l’ouverture à la discussion et la communication dans les milieux de travail. Les employeurs doivent créer un climat où les jeunes avocats se sentent à l’aise de parler de leurs difficultés.