Les juges traînent Ottawa devant les tribunaux pour obtenir une hausse salariale
Radio Canada
2025-12-04 13:15:18

Le dossier de la rémunération de plus de 1000 juges au sein des différentes magistratures fédérales sera finalement tranché par les tribunaux. Cet été, une commission indépendante avait recommandé des augmentations salariales pour les juges fédéraux de 28 000 $ à 36 000 $ par année, en plus de l’indexation de leur salaire pour compenser la hausse du coût de la vie.
Toutefois, le gouvernement fédéral a rejeté cette proposition, ce qui a ouvert la porte à ce nouvel affrontement judiciaire qui sera entendu par la Cour fédérale du Canada.
Professeur en droit à l’Université Laval, Patrick Taillon parle d’un dossier important qui va mettre la justice à l’épreuve. « Les juges qui vont trancher la requête sont personnellement concernés, puisque c’est de leur rémunération dont il s’agit », constate-t-il.
Pour assurer l’indépendance judiciaire, Ottawa s’en remet à la Commission d’examen de la rémunération des juges pour déterminer les hausses salariales des juges des cours supérieures, de la Cour fédérale et de la Cour suprême, entre autres. Selon les recommandations formulées cet été, le salaire de base de la majorité des juges serait passé de 396 700 $ à 424 700 $, tandis que celui des juges en chef de plusieurs cours serait passé de 435 000 $ à 465 700 $.
Du côté de la Cour suprême, le salaire du juge en chef serait passé de 510 000 $ à 546 000 $, tandis que celui des huit autres juges aurait augmenté de 33 000 $, pour atteindre 505 700 $.
En proposant ces augmentations, la Commission d’examen souhaitait faciliter le recrutement de nouveaux juges, surtout parmi les grands cabinets où les salaires des avocats sont particulièrement élevés. Toutefois, le gouvernement Carney a rejeté les conclusions de la Commission d’examen et refusé d’accorder ce rattrapage salarial.
Le gouvernement fédéral a plutôt affirmé que les juges devaient se contenter d’augmentations salariales liées à la hausse du coût de la vie. Pour justifier sa position, le gouvernement a invoqué sa situation financière difficile et l’incertitude économique grandissante au Canada causée par la guerre tarifaire avec les États-Unis.
La contestation judiciaire est lancée
Dans une déclaration mercredi après-midi, l’Association canadienne des juges des cours supérieures a annoncé qu’elle contesterait la décision du gouvernement devant les tribunaux. Aux yeux de l’Association, qui se base sur un jugement de la Cour suprême en la matière, l’indépendance judiciaire inclut l’adoption d’un processus neutre et indépendant pour statuer sur le salaire des juges.
« C’est la première fois de son histoire que l’Association demande l’intervention des tribunaux pour faire respecter le cadre constitutionnel qui protège l’indépendance judiciaire », explique Jean-Michel Boudreau du cabinet d’avocats IMK.
L’Association canadienne des juges des cours supérieures critique le fait que le gouvernement a sciemment ignoré les conclusions de la Commission d’examen, selon lesquelles il y a un écart croissant entre les salaires des juges et les revenus du secteur privé.
Dans sa requête, l’Association dit que le gouvernement « fait fi de l'analyse rigoureuse menée par la Commission et mine le processus constitutionnel nécessaire à la préservation de l’indépendance judiciaire ». Une porte-parole du ministre de la Justice affirme que le gouvernement étudie la requête provenant des juges et ne peut commenter la situation à ce stade de la procédure.
Le gouvernement Harper avait rejeté les recommandations de la Commission d’examen dans les années 2000, mais l’Association canadienne des juges des cours supérieures n’avait pas contesté cette décision devant les tribunaux. Celle-ci s’était contentée à l’époque de signifier son désaccord avec la décision du gouvernement, tout en acceptant de recommencer l’exercice d’évaluation du salaire des juges quatre ans plus tard.