Loi sur le Curateur public : De nouvelles mesures plus sécuritaires
Stéphane Tremblay
2022-11-16 13:15:00
Donc, la « mesure d’assistance » est une grande nouveauté. Une personne de la famille ou encore un ami choisi par la personne vulnérable pourra agir comme intermédiaire dans des cas précis, mais sans avoir un pouvoir décisionnel, comme signer un bail à sa place.
Cette nouvelle façon d’aider une personne dans ses démarches courantes est toutefois très encadrée.
En fait, cette mesure innovante s’adresse à une personne apte, capable de choisir seul son assistant ou ses deux assistants, mais ayant des besoins d’aide pour prendre certaines décisions lorsqu’elle communique avec des entreprises de services, des organismes ou des ministères, par exemple.
Grâce à une seule démarche, un assistant pourra communiquer chez Hydro-Québec pour comprendre certains détails de la dernière facture d’électricité, par exemple, au nom de la personne assistée, pour donner et recevoir des informations avant de les transmettre à la personne concernée.
La sécurité, une priorité
Comme la prévention des abus et de la maltraitance est au cœur des préoccupations, le nom de l’assistant sera inscrit dans un registre public, accessible à tout tiers avec lequel l’assistant communique. Il lui permet de s’assurer de la reconnaissance de l’assistant par le Curateur public et de la validité de cette reconnaissance. Ce sera possible uniquement avec le consentement de la personne assistée et si l’information est pertinente pour l’aider.
Plusieurs filtres de protection s’ajoutent aussi à la mesure, comme la vérification des antécédents judiciaires de l’assistant proposé, la notification de la demande à au moins deux proches de la personne qui souhaite de l’assistance afin qu’ils se prononcent en faveur ou non de la nomination de l’assistant proposé, et la fin de la mesure après une période de trois ans.
La curatrice publique du Québec, Me Julie Baillargeon-Lavergne, se réjouit de cette nouvelle mesure, « ça va permettre d’aider les personnes à exercer leur droit sans limiter leurs capacités et ça aussi c’est important ».
Elle ajoute qu’on pourra ainsi mieux connaître les milliers de proches aidants du Québec, qui avaient peu de légitimité aux yeux de la loi jusqu’à présent.
Pour s’en prévaloir, la personne doit démontrer qu’elle comprend bien la portée de la mesure et qu’elle est capable d’exprimer ses volontés et ses préférences.
Il s’agit d’une mesure volontaire. C’est la personne qui souhaite obtenir l’aide d’un assistant qui doit en faire la demande. La procédure est simple et gratuite avec un formulaire à remplir en ligne ou par papier.
La représentation temporaire
Une autre nouvelle mesure est la représentation temporaire qui permet dorénavant au tribunal d’autoriser une personne à accomplir pour une autre personne avec un besoin d’aide dans un cas spécifique et temporaire, et ce, sans pour autant limiter l’exercice des autres droits de la personne assistée.
Une fois l’acte terminé, au nom de la personne partiellement inapte, la représentation prend fin.
« Avant on devait mettre une mesure de protection même s’il s’agissait simplement d’une vente de maison… Maintenant, la personne pourra retrouver sa capacité juridique une fois l’acte terminé », précise Me Baillargeon-Lavergne.
Fin de la curatelle
La loi amène également un autre gros changement, soit la fin du régime de la curatelle. Désormais, il existera seulement le régime de tutelle, mais qui sera adapté selon le besoin de chacun.
Un changement nécessaire affirme la curatrice publique du Québec « avant, ce n’était pas forcément évident pour le monde de comprendre ce qui correspondait à chaque régime de protection ».
La tutelle sera adaptée aux besoins et au niveau d’autonomie de la personne, après une évaluation médicale et psychosociale.
« On n’est plus dans l’optique de retirer tous les droits de la personne, on s’adapte vraiment à ce qu’elle est capable ou non de faire. Le tuteur devra aussi prendre en compte ses demandes », souligne Me Baillargeon-Lavergne.
Il y aura un processus de révision pour toutes les personnes sous curatelles qui deviendront sous tutelle.
Les tutelles déjà existantes seront aussi toutes revues pour permettre de s’adapter à la nouvelle loi « Une inaptitude ce n’est jamais blanc ou noir on peut gérer certaines choses et d’autres non, donc c’est important qu’on révise chaque tutelle. »
Quelque 175 000 personnes sont inaptes au Québec, dont plus de 36 000 sous tutelles ou mandats.
Me Gilles Simart, notaire
il y a un anLoi sur le Curateur public : de nouvelles mesures plus sécuritaires (Stéphane Tremblay, Droit-inc., 2022-11-16)
Selon cette nouvelle, la curatrice publique du Québec, Me Julie Baillargeon-Lavergne, se réjouit de la nouvelle mesure de reconnaissance d’un assistant au majeur : « ça va permettre d’aider les personnes à exercer leur droit sans limiter leurs capacités et ça aussi c’est important. »
Bien plus qu’une « mesure d’assistance », il faut savoir que le concept de droit nouveau « de l’assistant au majeur » a été introduit par la Loi modifiant le Code civil, le Code de procédure civile, la Loi sur le curateur public et diverses dispositions en matière de protection de personnes, L.Q., 2020, c. 11 (« Loi »).
On retrouve cette mesure d’assistance au majeur aux articles 297.10 à 297.27 du Code civil du Québec (« C.c.Q. »), dont la disposition générale énoncée par l’article 297.10 C.c.Q. se lit comme suit :
« Un majeur, qui en raison d’une difficulté, souhaite être assisté pour prendre soin de lui-même, administrer son patrimoine, et, en général, exercer ses droits civils peut demander au curateur public de reconnaître une personne acceptant de lui prêter assistance, notamment dans sa prise de décisions. La reconnaissance de l’assistant est inscrite sur un registre public. »
Dans le cadre du processus de la mesure d’assistance au majeur, nombreux seront les bénéficiaires, car la notion de « difficulté » apportera plusieurs possibilités. Chaque demande d’assistance au Curateur public devrait être unique et contrairement aux mesures de protection comme la tutelle, aucune évaluation médicale et psychosociale n’est requise.
Ce que l’on oublie de dire, c’est que cette mesure d’assistance au majeur prévue par la Loi est non judiciarisée et est entièrement sous le contrôle du Curateur public et de ses représentants, au lieu d’un tribunal.
De plus, si la demande de reconnaissance d’un assistant est présentée par l’intermédiaire d’un avocat ou d’un notaire accrédité pour ce faire par son ordre professionnel, le curateur public n’est pas lié par les conclusions de l’avocat ou du notaire (art. 297.19 et 297.24 C.c.Q.). Que dire de plus.
En fait, cette mesure peut sembler de prime abord facilitant pour une personne majeure vivant une difficulté ou pour un aidant naturel (en ligne:), cependant, il faut savoir qu’il y a plusieurs risques d’en judiciariser le cheminement procédural sous la supervision du Curateur public et de ses représentants, et ce, possiblement aux frais d’une personne majeure, voire de son patrimoine.
Lors du processus de la mesure d’assistance prévu aux articles 297.10 à 297.27 C.c.Q., plusieurs situations conflictuelles pourraient émergées, par exemple, la reconnaissance d’un assistant au majeur pourrait faire l’objet d’oppositions par un intéressé pour l’un des motifs prévus à l’article 297.25 C.c.Q., entre autres :
- doute sérieux que le majeur comprenne la portée de la demande considérant son âge avancé
- doute sérieux que le majeur soit en mesure d’exprimer ses volontés et préférences considérant sa vulnérabilité
- élément qui donne des craintes que le majeur ne subisse un préjudice du fait de la reconnaissance d’un assistant, considérant des possibilités d’exploitation financière, etc.
En cas de refus par le Curateur public selon l’article 297.25 C.c.Q., celui-ci avisera le majeur et l’assistant proposé de sa décision. Le majeur pourra demander la révision de la décision du Curateur public au tribunal dans les trente (30) jours d’un avis de refus.
Quels seront les frais de justice pour toute personne impliquée (majeur, famille du majeur, assistant ou personne intéressée, etc.) par une demande en justice devant un tribunal afin d’appliquer et/ou d’interpréter des dispositions de cette nouvelle Loi, alors que le contentieux du Curateur public en serait partie prenante afin de défendre ses positions probablement aux frais des contribuables. Poser la question c’est y répondre.
Aussi, en arrière-plan de cette Loi n’y a-t-il pas le Code de procédure civile qui régit des principes de justice civile? Ce Code vise à permettre dans l’intérêt public, la prévention et le règlement des différends et des litiges, voire de la médiation, et de favoriser la participation des personnes. Il appert qu’aucun service de médiation n’est prévu par le Curateur public.
Autrement, la médiation pourrait s’avérer une avenue intéressante pour toute personne vivant des situations conflictuelles en rapport avec la gestion de cette mesure d’assistance par le Curateur public et ses représentants.
Ainsi, en regard d’un différend « familial » entourant une demande d’assistance pour un majeur, l’aide d’un médiateur accrédité ou d’une médiatrice accréditée permettrait d’en bonifier le processus, et ce, afin d’éviter une judiciarisation :
- favoriser le dialogue entre les personnes impliquées
- clarifier des points de vue des personnes
- cerner des sources problématiques
- identifier les volontés et les préférences d’une personne
- explorer des pistes de solutions créatives
- parvenir à des ententes pratiques et satisfaisantes
Et dire que pour le Curateur public la sécurité est une priorité, alors que la sécurité fait état d’un esprit confiant et tranquille d’une personne qui se croît à l’abri d’inconvénients. De nouvelles mesures plus sécuritaires ?
Me GILLES SIMART, notaire et médiateur accrédité