Montréal paie 6 millions $ et s’excuse pour des arrestations de masse de manifestants
Radio -canada
2023-03-02 10:15:00
Dans une entente à l'amiable, la Ville met un terme à 16 actions collectives concernant autant d’événements s'étant produits entre 2011 et 2015. Les demandeurs réclamaient à l'origine 53 millions de dollars à la Ville.
Les thèmes des manifestations concernées vont du rejet de la hausse des frais de scolarité lors de la crise étudiante de 2012 à la dénonciation de la brutalité policière en passant par les luttes anticapitalistes et par les protestations contre l’austérité gouvernementale. Elles ont toutes un dénominateur commun : les forces policières y ont procédé à des arrestations de masse après avoir coincé les manifestants en souricière.
Entre 2011 et 2015, des mouvements de contestation sociale ont entraîné d’imposantes manifestations à Montréal. Ces rassemblements ont donné lieu à des manœuvres policières d’encerclement, à des détentions ou à des constats d’infraction, note-t-on dans la décision.
Les demandeurs ont fait valoir que les forces policières avaient porté atteinte aux droits fondamentaux des manifestants et leur avaient causé des dommages.
Ce sont donc 3119 membres potentiels qui pourraient obtenir un dédommagement. Après les frais d’avocat, ils toucheront chacun environ 1500 $ par arrestation survenue lors des manifestations visées par les recours collectifs.
Les conventions d’honoraires prévoient des frais d'avocat qui représentent 25 % de la somme versée par la Ville.
Un des avocats des membres de cette action collective, Marc Chétrit, affirme qu'à sa connaissance, les forces policières n'ont pas procédé à une arrestation de masse depuis 2015.
Excuses publiques
En plus de cette somme, l’entente prévoit que la Ville publiera sur son site Internet, dans les dix jours suivant l’approbation de la transaction et pendant une période de 90 jours, des excuses publiques.
« Certains gestes posés par les forces policières et par l’administration municipale à l’égard des participantes et participants aux manifestations visées par les présentes actions collectives ont porté atteinte à certains de leurs droits fondamentaux, leur causant ainsi des dommages. C’est pour cette raison que la Ville de Montréal offre publiquement ses excuses à toutes ces personnes. »
Le juge Martin Sheehan note dans la décision que « plusieurs membres ont indiqué que cette reconnaissance était très importante à leurs yeux ».
Selon Me Chétrit, les excuses publiques de la Ville sont capitales. De plus, l'avocat souligne que le fait de divulguer publiquement les conditions de l'entente à l'amiable – ce qui n'est pas le cas habituellement – témoigne de la volonté des parties de « réparer un tort de manière très publique ». « Le modus operandi de la police concerne tout le monde. On ne devrait pas avoir peur d'aller s'exprimer dans la rue quel que soit le message », ajoute-t-il.
Les représentants satisfaits
Certains demandeurs ont fait valoir que le calcul du dédommagement, traité en quatre « blocs » rassemblant un certain nombre de cas, fera en sorte que « certains recevront des indemnités différentes alors que leur préjudice est semblable ».
Le juge souligne que malgré cette disparité, la méthode choisie repose sur des « considérations raisonnables ».
Les avocats des réclamants que nous avons consultés semblent jusqu'ici assez satisfaits de l'entente. « On a mené une bataille de longue haleine qui s'est échelonnée sur dix ans (...). C'est une victoire sur toute la ligne », a réagi Me Chétrit.
« Nous espérons que ce règlement découragera tout corps de police de pratiquer ces arrestations de masse brimant la liberté de manifester. »
Un précédent en 1996
Me Chétrit s'est inspiré du travail de l'avocat Julius Grey pour négocier cette entente à l'amiable. En 2011, la Cour d'appel du Québec avait ordonné à la Ville de Montréal de verser 195 000 $ en dommages et intérêts à un groupe de 78 manifestants représentés par Me Grey après qu'ils eurent été arrêtés à la place Émilie-Gamelin puis détenus pendant une nuit dans un poste de police à l'été 1996.
Les membres de l'action collective ont vécu des situations similaires à celle de 1996, a dit estimer Me Chétrit en entrevue au 15-18.
« Souvent, on parlait des arrestations de masse en 2012, mais on ne disait pas que ce monde-là était parfois pris dans un autobus toute une nuit, sans toilette, sans avocat, sans eau, sans aide médicale, jusqu’à 7 h du matin. Non, ce ne sont pas vraiment des choses qu’on devrait voir dans une société libre et démocratique. »
Si quelque 3200 manifestants obtiendront une certaine justice grâce à cette entente à l'amiable, c'est parce qu'ils ont la capacité de prouver – contraventions à l'appui – qu'ils ont été arrêtés dans certaines circonstances, a expliqué l'avocat. Or, Me Chétrit estime que 1800 autres personnes pourraient être concernées mais que leurs dommages sont plus complexes à prouver.
Anonyme
il y a un anUne belle démonstration de sérieux et de persévérance, autant sur le plan professionnel que personnel.