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Québec défend sa Loi sur les mines, contestée en cour par une communauté autochtone

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Radio-canada Et Cbc

2024-02-22 10:15:41

Source: Radio-Canada / Charles Contant
La Première Nation Mitchikanibikok Inik conteste devant les tribunaux le régime de libre accès minier du Québec…


Régime juridique distinct. Absence de préjudices concrets. Conciliation des intérêts autochtones avec d’autres. Voilà autant d’arguments avancés par le gouvernement du Québec pour défendre sa Loi sur les mines, dont la constitutionnalité de certains articles clés est remise en question par une communauté autochtone.

C’est dans un dialogue calme et courtois avec la juge Chantal Masse que les deux avocats du Québec ont livré leurs plaidoiries dans cette cause les opposant aux Anishnabeg de Lac-Barrière, une petite communauté installée à mi-chemin entre Val-d’Or et Mont-Laurier.

Me Leandro Steinmander, le premier à s’exécuter, a réitéré à maintes reprises un de ses chevaux de bataille : les Anishnabeg invitent la Cour supérieure à « s’aventurer en terrain inconnu ». Leurs demandes, avance-t-il, ne s’appuient sur aucun précédent valable, du moins en droit québécois.

La veille, les avocats de la petite communauté d’un peu plus de 700 membres ont fait valoir à la juge la pertinence d’une décision du Yukon rendue en 2012 concernant une loi sur l’exploitation minière de ce territoire.

La Cour d’appel avait alors déclaré que la Loi sur l’extraction du quartz n’accordait aucun pouvoir discrétionnaire à la Couronne du Yukon dans l’enregistrement des claims miniers, et donc qu’elle était incompatible avec son devoir de consultation.

On compte environ 60 maisons dans la communauté, dont la plus récente a été construite en 1998. Source: Radio-Canada / Delphine Jung

Contrairement au régime de droit minier au Yukon, les claims accordés en vertu de la Loi sur les mines au Québec n’ont pas d’effet préjudiciable sur l’exercice futur des droits territoriaux revendiqués par les Anishnabeg de Lac-Barrière. Il faut discerner les effets de l’inscription d’un claim en soi et les effets de l’exercice effectif de ce droit, soit les activités sur le terrain, selon les avocats de Québec.

« Au Yukon, le juge nous dit que celui qui acquiert un claim acquiert un intérêt sur les minéraux », a expliqué le procureur du Québec. Cette mesure amoindrit donc l’exercice futur du droit de jouir des avantages économiques découlant du territoire.

« Au Québec, le claim minier, comme droit temporaire, ne concerne que la recherche des richesses du sous-sol », lit-on dans les documents de Cour. Les titulaires de ce droit n’ont donc pas de droit sur les minéraux, mais plutôt un droit exclusif d’exploration permettant d’effectuer les travaux requis pour déceler la présence d’un gisement exploitable.

Des claims à quelques clics

Le claim s’obtient par désignation sur carte par l’entremise du site web Gestim, et ce, sur la base du premier arrivé, premier servi. Si l’avis de désignation sur carte est accepté, le claim est inscrit dans un registre, et le gouvernement délivre un certificat d’inscription attestant l’existence du claim.

Les communautés autochtones dont le territoire fait l’objet de claims peuvent consulter, après coup, ces inscriptions, sans jamais s’être entretenues avec ces titulaires de claims.

Des préjudices plus théoriques que concrets

Si le véritable enjeu réside dans l’exploration permise en vertu d’un claim minier, encore faut-il démontrer que les activités qui en découlent causent un préjudice « plus que négligeable » aux droits territoriaux, susceptible d’enclencher un mécanisme de consultation.

Dans le cas des claims en cause dans cette affaire, le gouvernement du Québec a souligné que la faible ampleur des travaux d’exploration n’aurait pas pu véritablement porter atteinte au territoire des Anishnabeg.

Cependant, la juge Masse n’a pas semblé convaincue : « On parle de valeur économique. (...) La difficulté, c’est que si on ne consulte pas les personnes, on ne sait pas s’il y a une valeur d’une autre nature ». Ce à quoi l’avocat a rétorqué que la preuve présentée devant la juge ne supporte pas cet argument.

Québec plaide aussi que le préjudice subi, peu importe son ampleur, n’est que théorique la grande majorité du temps, puisqu’inexistant.

Un document montre l'emplacement des activités minières sur le territoire de la communauté de Lac-Barrière au 1er janvier 2024.

« Dans plus de 80 % des terrains dans une année de référence, a plaidé Me Leandro Steinmander, il n’y a aucun travail qui est réalisé. Beaucoup de claims vont expirer sans qu’aucun travail n’ait été réalisé. La conséquence pratique des activités qui ne sont pas assujetties à la consultation, ça va être d’imposer à tous d’échanger à propos de quelque chose de…»

«... théorique?» a demandé la juge.

« Indéfinissable », a poursuivi l’avocat.

« C’est peut-être théorique pour la personne qui veut obtenir le claim, mais ce n’est pas théorique pour les personnes qui peuvent avoir des choses à dire sur leur territoire. N’est-ce pas cela la conséquence? » a rétorqué la juge.

Québec ajoute que, de toute façon, le droit en vigueur prévoit déjà la possibilité d’interdire la désignation de claims ou de soumettre la réalisation de travaux d’exploration dans une aire déterminée à une autorisation par le biais d’une entente avec les communautés autochtones concernées.

Toutefois, force est de constater que la communauté ne considère pas cette option, ayant à plusieurs reprises manifesté son opposition catégorique à toute activité minière sur son territoire.

De simples travaux mineurs pour la SOQUEM

Lorsqu’est venu le tour de parole à la Société québécoise d’exploration minière (SOQUEM), cette dernière a essentiellement souscrit aux arguments avancés par le Procureur général du Québec, en plus d’y apporter quelques précisions.

Selon la SOQUEM, les travaux d'exploration sont d'ampleur minime. Source: Radio-Canada / Yoan Dénécé

De manière générale, les travaux d’exploration doivent être qualifiés de « travaux mineurs », considérant qu’ils sont exécutés « à pied, par de petites équipes, à l’aide d’une machinerie légère pouvant être transportée à la main », peut-on lire dans les documents de cour.

Plus précisément, les travaux de la SOQUEM ne consistent qu’« à extraire de petites quantités de substances minérales à des fins d’échantillonnage ». Ils sont « limités dans le temps, peu bruyants et ne laissent que peu de traces ».

La corporation de la Couronne ajoute que, si des travaux plus importants s’avèrent nécessaires, l’émission de permis est requise, ce qui enclenche le processus de consultation auprès des communautés autochtones concernées. Ainsi, tout travail majeur d’exploration minière est assujetti à une consultation.

Balancer les intérêts des Anishnabeg avec ceux du reste de la société

Toutefois, aucun droit de veto pour les développements miniers ne découle de cette obligation de consultation. « Un régime minier compétitif doit permettre de maintenir un équilibre entre les intérêts des communautés locales et autochtones et les perspectives économiques de développement du secteur minier », lit-on dans les arguments écrits de la SOQUEM.

En parallèle, la Première Nation Mitchikanibikok Inik (autre nom des Anishnabeg de Lac-Barrière) avance que Québec aurait manqué à son obligation fiduciaire envers elle. Cette obligation impose à la Couronne d’agir envers le groupe autochtone concerné en toute loyauté et en toute bonne foi, en plus de communiquer l’information de manière complète.

En 2011, une entreprise tierce, Copper One inc., a acquis 1052 claims situés sur le territoire des Anishnabeg. Cinq ans plus tard, le ministère des Ressources naturelles a décidé de suspendre la période de validité de ses claims, une mesure que Copper One a contestée devant les tribunaux.

Malgré une intervention de Mitchikanibikok Inik dans le dossier judiciaire pour soutenir la position du Québec, les parties concluent une entente de règlement à l’insu de la communauté : Copper One cède ses claims à la SOQUEM en échange de 8 millions de dollars.

« Un tel engagement en faveur (de Mitchikanibikok Inik) en tant que bénéficiaire et selon lequel le gouvernement du Québec renoncerait à considérer les intérêts de toutes les autres parties serait, par sa nature même, contraire au rôle du gouvernement du Québec dans la mise en valeur des ressources minérales », poursuit Québec.

Par ailleurs, non seulement ce transfert n’a eu aucun effet préjudiciable pour les Anishnabeg, mais il était en outre à leur avantage. « Quel est l’effet préjudiciable de ce transfert? On vous plaide qu’il n’y en a aucun. À la limite, s’il y en avait un, Lac-Barrière a été accommodé », avance Alexandre Ouellet, l’autre avocat représentant le gouvernement provincial.

« L’objectif de ce transfert était de désintéresser Copper One de ses claims afin qu’elle abandonne son intention d’effectuer des travaux d’exploration minière sur le territoire revendiqué par (la communauté) et de s’assurer qu’aucune autre entreprise n’acquiert les claims de Copper One avec l’intention de réaliser des travaux d’exploration sur le territoire.»

Un changement à la Loi sur les mines attendu en mai

Québec plaide qu’une approche idéale serait d’assujettir davantage l’exécution de certains travaux d’exploration plus importants à une autorisation. C’est l’approche véhiculée dans un projet de modification de la Loi sur les mines et d’un de ses règlements qui entreront en vigueur le 6 mai 2024. On parle alors de « travaux d’exploration à impacts ».

En vertu de ces modifications, la réalisation de ce type de travaux sera assujettie à l’obtention d’une autorisation gouvernementale, qui peut aussi comporter des conditions. Ce faisant, ce serait en présence d’un projet concret que la consultation serait entreprise, et non pas au moment de l’inscription ou du renouvellement de claims.

La juge Masse a d’ailleurs laissé sous-entendre qu’elle doute d’être en mesure de rendre son jugement d’ici cette date.

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