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Un chaos en cour n’efface pas une dette judiciaire

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Élisabeth Fleury

Élisabeth Fleury

2025-10-21 15:00:40

La Cour du Québec confirme qu’une avocate a rempli son devoir malgré un dénouement d’audience hors norme…

Chantal Gosselin - source : archives


Conflit familial virulent, double procédure judiciaire, allégations de menaces de mort, audience mouvementée: une avocate a dû naviguer dans un environnement aussi complexe que toxique pour défendre un client, avant d’être forcée de réclamer ses honoraires en justice.

La Cour du Québec les lui a essentiellement accordés.

La juge Chantal Gosselin a tranché en faveur de Frederick Heins Demers Avocates dans une décision rendue le 3 octobre. L’ancien client a été condamné à payer au cabinet près de 30 000$ en honoraires professionnels.


Annie Frédérick - source : FHD

La juge Gosselin a conclu que l’avocate Annie Frédérick avait agi avec la diligence requise même si son mandat s'est terminé après un incident spectaculaire en Cour supérieure.

Le cabinet était représenté par Me Myriam Roy, alors que défendeur, dont l’identité ne peut-être révélée, se représentait seul.

Un mandat de « haut niveau de conflit »

Me Annie Frédérick avait été mandatée pour représenter ledit client dans un litige de garde qui avait atteint un « haut niveau de conflit », mené simultanément devant la Chambre de la jeunesse et la Cour supérieure.

Myriam Roy - source : FHD

Les enfants avaient manifesté le désir de vivre principalement chez leur père, dénonçant certains comportements de leur mère.

Le contexte était rendu particulièrement difficile par les allégations de la mère, selon lesquelles le père aurait proféré des menaces de mort envers des figures du système judiciaire, notamment la DPJ.

Cette situation tendue a nécessité un investissement constant de Me Annie Frédérick et forcé la confection d’un rapport d’expert qui recommandait la garde exclusive au père.

L’audience du 29 novembre 2021 : le déraillement

L'audience sur le fond de la garde, tenue le 29 novembre 2021, aura été le point culminant et le point de rupture de cette affaire.

Lors du contre-interrogatoire d’une intervenante de la DPJ, la mère (non représentée) a soulevé la question des menaces de mort attribuées au père, citées dans un document du dossier.

L'intervenante a clarifié la situation pour le tribunal, affirmant qu'elle ne s'était pas sentie menacée personnellement. Selon elle, les propos du père s'inscrivaient dans un contexte de débordement émotionnel.

Malgré cette clarification, la juge de la Cour supérieure a immédiatement suspendu l'audience vers 10h30 et s'est retirée. Des constables spéciaux ont été appelés pour confiner et surveiller toutes les personnes présentes dans la salle.

À 14h00, un autre juge a pris la relève, expliquant que sa collègue n'avait « plus la sérénité nécessaire ». Ce second juge, visiblement « en colère » et s'identifiant comme un juge qui siège « en Cour criminelle », a mené une audience expéditive.

Il a suggéré fortement à la mère de déposer une demande d'ordonnance de sauvegarde, a limité le temps de parole de Me Frédérick et a refusé d'entendre des témoins essentiels. Il a également omis de prendre en considération les observations de l'avocate des enfants ainsi que l'aveu de la mère elle-même à l’effet que le père ne représentait « aucun danger ».

Le juge a rendu une ordonnance de sauvegarde radicale, retirant la garde au père et limitant ses droits d'accès à un simple appel téléphonique de 15 minutes par semaine.

Les positions des parties

Devant la Cour du Québec, le père a contesté les honoraires de Me Frédérick en s'appuyant sur deux arguments principaux.

Il a plaidé la faute professionnelle de son avocate, qu'il estimait responsable du fiasco de l'audience et de ses conséquences dramatiques (interruption de l'audience, remplacement du juge, refus d'entendre des témoins essentiels et perte de la garde des enfants).

Selon lui, Me Frédérick n'aurait pas suffisamment géré ni dissipé les allégations de menaces de mort avant l'audience, ce qui aurait engendré cette « catastrophe » judiciaire.

Le défendeur a également dénoncé le taux de 95 $/heure facturé pour le travail de « secrétaires et techniciennes », le jugeant abusif.

Le cabinet a réclamé la totalité des honoraires impayés en insistant sur le fait que Me Annie Frédérick avait agi avec diligence et prudence tout au long de son mandat. Ils ont soutenu que les honoraires étaient justifiés et présumés raisonnables compte tenu de la complexité et du niveau de conflit élevé du dossier.

L’issue spectaculaire de l'audience du 29 novembre 2021 constituait un déraillement judiciaire imprévisible dont l'avocate ne pouvait être tenue responsable, a du reste fait valoir le cabinet.

La décision du tribunal

La juge Chantal Gosselin a conclu que Me Frédérick avait agi avec la prudence et la diligence requises et a rejeté l'allégation de faute professionnelle.

Elle a également estimé que les honoraires étaient justifiés par l'effort et la difficulté du dossier.

La seule correction appliquée concerne le taux horaire de 95 $/heure. Le tribunal a jugé que le terme « collaborateur », utilisé dans la convention d'honoraires, était ambigu et ne s'appliquait pas clairement aux « secrétaires et techniciennes ». Ce doute, interprété en faveur du client, a entraîné une déduction de 917,50 $.

Le défendeur a donc été condamné à payer le solde, soit une somme de 29 820,91 $.

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