Écoblanchiment : adieu au faux-semblant, bienvenue à la transparence
Ralph Cuervo-Lorens Et Dave Oswald
2025-11-11 11:15:02

Dilemme de l’écoétiquette
Dans presque tous les magasins, vous trouverez des produits dont les étiquettes promettent le respect de l’environnement, de faibles taux d’émission et la neutralité carbone. Les graphismes réconfortants de feuilles et de rivières ainsi que les logos vert vif suggèrent tous que vous faites un meilleur choix écologique.
Mais est-ce bien le cas? C’est la question que se posent les organismes de réglementation, les investisseurs et les consommateurs. Et dans un monde où le respect de l’environnement revêt de plus en plus d’importance, la réponse n’est pas toujours oui.
Les déclarations environnementales de divers types ne datent pas d’hier. Les entreprises en font depuis des années, avec différents degrés de véracité et de responsabilité. Jusqu’à aujourd’hui, les organismes de réglementation et les parties prenantes ne s’intéressaient à ces déclarations que de façon modérée.
Les entreprises avant-gardistes ont consacré beaucoup de ressources pour assurer le bien-fondé de leurs déclarations environnementales, tandis que d’autres considéraient l’exercice comme étant principalement d’ordre marketing et l’ont traité en conséquence.
Mais la situation a changé, car les exigences du marché ont évolué. Faire des déclarations environnementales et mettre de l’avant ses vertus écoresponsables est passé d’une simple pratique commerciale habile à un gage de responsabilité en affaires. Il n’est donc pas surprenant que ces déclarations fassent dorénavant l’objet d’un examen plus approfondi et d’une toute nouvelle terminologie.
L’écoblanchiment, soit le fait d’exagérer les avantages environnementaux d’un produit ou service ou de faire de fausses représentations à son sujet, n’est plus considéré aujourd’hui comme une simple erreur de marketing. Dans la plupart des pays avancés, ce procédé est sujet à un examen minutieux et peut entraîner de graves conséquences. L’écoblanchiment trompe non seulement les consommateurs, mais il cause aussi une distorsion des marchés.
Lorsque de fausses déclarations concernant les attributs ou les caractéristiques écologiques d’un produit ou d’un service inondent le marché, elles pénalisent les entreprises qui investissent véritablement dans la durabilité. Ainsi, les entreprises se livrent concurrence au nom d’une illusion au lieu d’une performance réelle. Ces fausses déclarations sont une source de confusion pour les consommateurs et freinent l’innovation. La crédibilité de la durabilité finit par s’éroder, et le coût de cette érosion dépasse le simple aspect marketing.
Alors que l’écoblanchiment expose de plus en plus les entreprises à d’importants risques réputationnels, juridiques et financiers, et que l’examen par des organismes de réglementation et autres parties prenantes s’intensifie, l’ère des déclarations vagues, faciles et réconfortantes en matière de durabilité tire à sa fin. Une nouvelle approche est nécessaire.
Confiance et transparence
La confiance est ce qui fait tourner l’économie moderne. Toutefois, de récents sondages suggèrent qu’elle est fragile en ce qui concerne la durabilité des entreprises. Plus de 57 % des Canadiens affirment ne plus croire aux déclarations environnementales des entreprises.
À l’échelle mondiale, on assiste à une montée en flèche du nombre de litiges portant sur les facteurs ESG, surtout aux États-Unis et dans l’Union européenne (UE), où les consommateurs, les investisseurs, les activistes et les organismes de réglementation ont commencé à contester activement les déclarations environnementales non fondées ou trompeuses. Même les organisations qui mettent de l’avant leurs certifications environnementales, comme B Corp, ont été accusées d’écoblanchiment.
Cette perte de confiance recèle des problèmes profonds au sein du paysage de la durabilité. Les entreprises subissent une pression croissante pour signaler leurs engagements environnementaux et sociaux. Or, beaucoup ne disposent pas des systèmes, des données et de la gouvernance interne nécessaires pour tenir ces promesses de manière crédible.
Hausse du risque de poursuites juridiques
Parallèlement, les organismes de réglementation du monde entier prêtent attention à cette question. Au Canada, le Bureau de la concurrence a clairement indiqué que les déclarations environnementales doivent être fondées sur une épreuve et une documentation « suffisantes et appropriées ».
Dans l’UE, la proposition de législation sur ces déclarations interdirait le marketing environnemental général ou non vérifiable. La Federal Trade Commission des États-Unis, quant à elle, examine ses guides écologiques afin de resserrer les règles concernant la publicité environnementale.
Par ailleurs, les organismes de réglementation des valeurs mobilières incitent les entreprises à publier des informations détaillées liées au climat et à s’aligner sur les cadres mondiaux tels que le Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques et le Conseil des normes internationales d’information sur la durabilité. À cet égard, les organismes de réglementation canadiens ne sont pas restés les bras croisés.
Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières et le Bureau du surintendant des institutions financières ont publié des lignes directrices sur les informations liées au climat et la gestion des risques concernant les facteurs ESG. Les entreprises qui ne répondent pas aux exigences peuvent se retrouver en décalage avec les marchés des capitaux et les investisseurs institutionnels.
Bien que le paysage réglementaire continue d’évoluer, les risques juridiques associés à l’écoblanchiment sont déjà présents. Une augmentation importante du nombre de poursuites liées à la durabilité a été constatée, surtout aux États-Unis, où les déclarations trompant les investisseurs et les consommateurs font maintenant l’objet de poursuites actives par les organismes de réglementation et les cabinets d’avocats spécialisés en actions collectives.
Des entreprises bien connues au Canada et ailleurs dans le monde « retirent » même, de façon discrète ou non, diverses déclarations concernant la durabilité, par crainte d’être accusées d’écoblanchiment et, évidemment, de ne pas pouvoir étayer adéquatement ces déclarations, le cas échéant.
Les conseils d’administration subissent aussi des pressions croissantes, car ils doivent s’assurer que les informations publiées par les entreprises sont exactes et justifiables. Dans plusieurs territoires, le défaut d’exercer une surveillance adéquate des risques liés à la durabilité peut constituer un manquement à l’obligation fiduciaire.
Plus le risque juridique est grand, plus le coût lié à l’absence d’étaiement des déclarations est important. Les entreprises ne risquent pas seulement de faire l’objet de mesures réglementaires, elles sont également confrontées à des réactions négatives en matière de réputation, à l’exode des investisseurs, à l’attrition de la clientèle et à la perte de talents. Il est donc évident que chaque entreprise a tout à gagner à combler l’écart de crédibilité en matière de durabilité.
Impératifs juridiques et judiciaires
C’est à ce point que le droit et les sciences judiciaires convergent. Des conseils juridiques peuvent aider les entreprises à comprendre l’évolution des normes et des responsabilités en matière d’information et de commercialisation relatives à la durabilité et aux facteurs ESG. Les outils judiciaires, quant à eux, fournissent les preuves dont les entreprises ont besoin pour respecter et vérifier ces normes.
Les avocats conseillent les entreprises sur la conformité réglementaire, les risques de litige, les obligations d’information et les structures de gouvernance. Les juricomptables examinent les chiffres et les contextes opérationnels pour aider à vérifier les déclarations en matière de durabilité et d’écoresponsabilité, à détecter les risques et à poser les jalons de pratiques durables crédibles, dont la production de rapports.
Ce processus à deux phases aide les organisations à réduire leur risque de poursuite pour écoblanchiment, à élaborer des stratégies de défense et à établir une base solide pour leurs futures déclarations en matière de durabilité.
Phase un : examen des déclarations environnementales
Les déclarations environnementales de nombreuses organisations ont été faites avant qu’une méthodologie ou qu’un cadre clair ne soit mis en place pour les appuyer. Bien que ces déclarations n’aient pas été formulées dans de mauvaises intentions, elles peuvent désormais constituer un risque juridique important si elles continuent d’être utilisées.
Leur examen peut comprendre ce qui suit :
Vérification des déclarations: Comparer les déclarations environnementales antérieures ou actuelles aux dossiers internes, comme les données sur les acquisitions, la documentation sur la chaîne d’approvisionnement, les extrants opérationnels et la caractérisation des produits.
Analyse des lacunes: Déterminer les cas où des incohérences ou des affirmations non fondées peuvent exposer l’organisation à un risque réglementaire ou réputationnel.
Justification judiciaire: Préparer une documentation claire et justifiable qui appuie ces déclarations ou en explique les limites.
Préparation aux litiges: S’assurer que si des questions sont soulevées (par des organismes de réglementation, des investisseurs, des prêteurs ou des demandeurs), l’entreprise est en mesure d’y répondre à l’aide de données, en faisant preuve de transparence et en assurant une défense juridique viable.
Ce type d’examen peut aider les entreprises à mieux évaluer et à améliorer leur empreinte carbone publique, à corriger les anciennes pratiques et les dossiers si nécessaire, et à prendre des mesures proactives pour réduire et gérer ce risque.
L’objectif n’est pas de désigner un coupable, mais plutôt de cerner les risques et d’aider les entreprises à préparer une défense justifiable si des organismes de réglementation, des investisseurs, des actionnaires, des groupes d’activistes ou des demandeurs dans des actions collectives intentent des poursuites.
Phase deux : feuille de route vers une véritable écologisation
Une fois le risque historique compris et traité, les entreprises doivent se tourner vers l’avenir. Une stratégie de durabilité crédible doit reposer sur des résultats mesurables, des contrôles rigoureux et des rapports transparents. C’est à ce moment que la théorie est mise en pratique.
Nous aidons les clients à concevoir et à mettre en œuvre ce qui suit :
Paramètres environnementaux de référence: Établir un point de départ pour mesurer la performance environnementale.
Contrôles internes et processus de production de rapports: S’assurer que toutes les futures déclarations environnementales peuvent être vérifiées au moyen d’une collecte et d’une intégration de données fiables et uniformes.
Pratiques exemplaires en matière d’information: Conseiller les entreprises sur les communications relatives à la durabilité qui répondent aux exigences réglementaires ainsi qu’aux attentes des parties prenantes.
Assurance par un tiers: Aider à la certification, à la vérification et à l’examen indépendant des données et des déclarations en matière de durabilité.
Structures de gouvernance: Renforcer les politiques internes, les rôles et les responsabilités qui soutiennent une gestion efficace des risques liés à la durabilité à tous les échelons d’une entreprise.
Solution créatrice de valeur
Les deux phases permettent la mise au point d’un système sur mesure qui non seulement aide les entités à gérer les risques et à assurer leur conformité, mais renforce leur crédibilité sur le marché. La vérification est utile, mais le fait de disposer de son propre système spécialement conçu réduit la probabilité d’être confronté à des défis juridiques et autres et, le cas échéant, permettra d’être plus à même de les relever.
Plus important encore, un tel système fait en sorte, avec le temps, que les entreprises seront plus susceptibles de gagner la confiance des investisseurs, de fidéliser la clientèle et d’occuper une position de premier plan sur le marché.
Les données sont au cœur des deux phases. L’époque où les engagements de haut niveau et les preuves anecdotiques suffisaient est révolue. Aujourd’hui, les parties prenantes s’attendent à ce que les entreprises :
indiquent des réductions quantifiables des émissions;
fassent preuve de transparence quant à la chaîne d’approvisionnement;
fournissent une analyse du cycle de vie des produits;
présentent des données sur les déchets et l’utilisation de l’eau;
donnent des détails sur l’approvisionnement en énergie renouvelable.
Ces renseignements doivent être vérifiables et fournis de façon continue et en temps réel, notamment par l’intermédiaire des données.
De l’approvisionnement en matières premières à l’impact environnemental des produits en fin de vie, chaque aspect des activités de l’entreprise est surveillé, mesuré et géré. Cela nécessite des systèmes de données et des outils d’analyse robustes capables de saisir la performance environnementale en temps réel ainsi qu’un système complet de veille en direct en matière de durabilité.
Une fois ces systèmes et outils mis en place, la durabilité passe d’une obligation de déclaration externe à un avantage opérationnel interne, ce qui permet, entre autres, de cerner les inefficacités, de réduire les coûts énergétiques, de diminuer la quantité de déchets et d’améliorer la résilience de la chaîne d’approvisionnement. Lorsque les données sont intégrées de cette manière aux systèmes opérationnels de base, elles favorisent la création de valeur.
Occasion de leadership
Plus qu’un défi, les préoccupations concernant l’écoblanchiment sont une occasion de leadership pour toute entreprise, quel que soit son secteur. Les entreprises qui fondent leur stratégie de durabilité sur des données vérifiables et des cadres de gestion rigoureux deviendront des chefs de file de confiance dans leur industrie.
Les avantages d’assurer la durabilité sont importants :
-réputation accrue de la marque et augmentation de la confiance à son égard;
-accès aux capitaux et financement favorable;
-consolidation des relations avec les parties prenantes;
-différenciation concurrentielle; amélioration de l’efficience opérationnelle et de l’innovation.
Cela dit, cette confiance doit être gagnée. L’ère des déclarations environnementales non vérifiées est révolue. Aujourd’hui, tout est une question de transparence, de responsabilité et de résultats vérifiables.
Si votre organisation ou vos clients subissent des pressions quant à la durabilité ou souhaitent adopter une approche plus facile à défendre et plus crédible en la matière, nous pouvons vous aider. McMillan et Forensic Restitution offrent une combinaison unique d’expertise juridique et de sciences judiciaires conçues pour :
-cerner et gérer les risques liés à la durabilité;
-soutenir des stratégies de durabilité crédibles;
-aider les organisations à prospérer dans une économie axée sur la confiance et la durabilité.
À propos des auteurs
Ralph Cuervo-Lorens est cochef du groupe de pratique Environnement de McMillan.
Dave Oswald est président de Forensic Restitution, cabinet de premier plan en juricomptabilité et en enquêtes.
Partager cet article: