Erreurs dans les plans et devis : à qui la faute?
Jean-sébastien Beaulieu Et Raphaël Côté
2022-01-21 11:15:00
En effet, malgré l’absence de recommandation et/ou d’avis transmis par un autre intervenant, l’entrepreneur général est tenu de surveiller la qualité et la conformité de tous les travaux exécutés sous sa supervision.
Bien que la tendance actuelle nous laisse présager d’une utilisation plus répandue du contrat « fast track » de conception/construction, où l’entrepreneur est responsable tant de la conception de l’ouvrage que de sa construction, il n’en demeure pas moins que la majorité des entrepreneurs au Québec utilisent toujours les modèles dits plus « standards » dans lesquels les plans et devis sont préparés par des professionnels retenus par le propriétaire.
Dans ces modèles contractuels où l’entrepreneur général est appelé à réaliser des travaux selon des plans et devis spécifiques, il n’est pas rare que l’entrepreneur y décèle des erreurs en cours de construction. À cela, la question qui nous est fréquemment posée est la suivante : comment un entrepreneur général devrait-il réagir afin de protéger efficacement et adéquatement ses droits lorsqu’il découvre des erreurs dans les plans et devis transmis par d’autres professionnels de la construction?
La réponse qui s’impose est la suivante.
Comment réagir face à des erreurs dans les plans et devis?
L’obligation stricte d’information et de renseignement à laquelle est tenu l’entrepreneur lui commande d’aviser tant le propriétaire que les professionnels lorsqu’il découvre de telles déficiences. Plus encore, l’entrepreneur est censé agir dans l’intérêt du propriétaire et être proactif dans les décisions relatives à l’exécution des travaux. Une conduite de l’entrepreneur contraire à ce qui précède, dans un contexte où ce dernier serait apte à dénoncer en temps opportun un vice de conception, ne peut être caractérisée autrement que d’aveuglement volontaire.
« L’entrepreneur général ne devrait pas agir comme un simple exécutant et assimiler tous les plans et devis que lui soumet le propriétaire ».
En ce sens, la décision de l’entrepreneur général de mettre la responsabilité des erreurs qu’il a lui-même observées ou aurait dû observer exclusivement sur les épaules des professionnels concernés et du propriétaire constitue inévitablement une mauvaise lecture du droit en la matière.
Nous sommes persuadés que vous avez déjà été confrontés à ce genre de situation où le propriétaire et/ou le professionnel vous mettent énormément de pression quant à l’exécution des travaux et aux retards pouvant en découler. Nous vous recommandons, à ce titre, de faire preuve de circonspection et de mettre en place un plan d’action précis qui serait systématiquement suivi par les membres de votre équipe pour s’assurer, dans un premier temps, de dénoncer la situation et, dans un deuxième temps, de trouver des solutions complètes et durables pour la suite des travaux.
Nous comprenons qu’en pratique les projets peuvent se dérouler sur une courte période et que la recherche de solutions peut engendrer des retards considérables sur l’échéancier d’un projet. Cependant, il vous est essentiel de documenter adéquatement ces erreurs et les solutions qui peuvent être mises de l’avant. À terme, il est impératif de vérifier que tous les travaux effectués respectent les règles de l’art et qu’ils ont été réalisés conformément à vos obligations. Le but n’est pas de vous substituer aux professionnels, mais de vous assurer que les travaux exécutés ne sont pas la conséquence d’une situation où chacun des intervenants tente à tout prix d’éviter sa propre responsabilité ou de la refiler à l’autre.
Quand un entrepreneur commet-il une faute?
L’entrepreneur commet une faute et engage sa responsabilité civile lorsque subsiste une erreur dans les plans et devis ou dans les expertises qu’il aurait pu déceler, mais qu’il a manqué de le faire. La faute peut également se présenter sous forme d’omission lorsque l’entrepreneur fait défaut de prévenir un danger qui était pourtant prévisible.
Ainsi, l’entrepreneur ne peut se dégager de sa responsabilité en invoquant purement et simplement une erreur dans les plans et devis de manière à rediriger la faute sur l’autre. Dès son implication dans le projet, l’entrepreneur doit s’assurer de l’exactitude des mesures prévues et des données contenues dans les plans et devis, même lorsque ceux-ci ont été préparés par un professionnel engagé par le propriétaire, et a fortiori, l’entrepreneur se doit de les vérifier préalablement à la mise en chantier.
Par exemple, vous avez l’obligation de vous assurer de la qualité réelle du sol, du lieu et de l’environnement de construction avant de débuter des travaux de construction. De plus, l’ouvrage doit être conforme aux plans et devis et l’entrepreneur doit s’assurer de la rigueur de ceux-ci afin de respecter toutes les qualités généralement requises par les règles de l’art. L’entrepreneur pourrait donc engager sa responsabilité pour les conséquences qui résultent de son défaut de prendre les mesures appropriées et de faire les tests qu’il devait effectuer en guise de vérification à la suite de l’attribution du contrat. Ceci dit, l’entrepreneur qui constate une erreur dans la conception d’un projet pourrait aussi choisir une méthode alternative qui permettrait d’atteindre la performance voulue tout en validant cette méthode auprès des professionnels et en présentant sa proposition au propriétaire.
Quoi qu’il en soit, l’entrepreneur en tant que spécialiste du domaine de la construction peut être tenu responsable des dommages subséquents survenus au chantier s’il divulgue à contretemps ou omet de divulguer une erreur contenue dans les plans et devis qui lui ont été soumis, à moins qu’il soit en mesure de démontrer qu’une telle erreur aurait aussi échappé à tout autre entrepreneur compétent, diligent et agissant de façon raisonnable dans des circonstances semblables.
Au risque de nous répéter, l’entrepreneur ne devrait pas agir comme un simple exécutant et assimiler sans protestation ni analyse tous les plans et devis que lui soumet le propriétaire, alors que ses obligations légales en sont tout autres.
L’avocat Jean-Sébastien Beaulieu et le stagiaire en droit Raphaël Côté travaillent chez BCF Avocats d’affaires à Montréal. Me Beaulieu est associé au sein du groupe litige commercial depuis 2020. M. Côté pratique en droit administratif, droit municipal et droit de la construction au sein du groupe litige depuis février 2021.
Justin Justifié
il y a 2 ansUne petite source, un article de Loi, de doctrine ou de jurisprudence aurait grandement aidé à rendre cet article plus crédible...