Mettre fin au clivage entre juristes et procureurs
Benoît Pelletier
2017-01-18 10:15:00

Certes, les avocats et notaires en question ne jouissent pas nécessairement d'une grande sympathie de la part du public, mais leurs revendications n'en sont pas moins légitimes. Au départ, ils se disaient prêts à renoncer au droit de faire la grève en échange de la création d'un comité indépendant et liant en ce qui touche à la rémunération et aux conditions de travail ayant des incidences pécuniaires, et d'un mécanisme d'arbitrage liant en ce qui a trait aux conditions de travail normatives.
Parité
Mais ils ont depuis assoupli leur position, et ce qu'ils réclament dorénavant c'est ni plus ni moins que la parité avec les procureurs de la Couronne. En effet, ces derniers profitent depuis 2011 d'un statut spécial au sein de l'État québécois : ils sont couverts par une loi particulière qui prévoit la mise sur pied d'un comité non liant pour la rémunération et les conditions de travail ayant des incidences pécuniaires et un arbitrage non liant pour les autres conditions de travail.
Nous saisissons mal pourquoi le statut des avocats et notaires du gouvernement du Québec serait différent de celui de leurs collègues oeuvrant en matière criminelle ou pénale. Après tout, tous ces juristes se doivent d'être impartiaux dans l'exercice de leurs fonctions. À moins bien entendu que l'État québécois ne se contente d'opinions juridiques de complaisance et de conseils biaisés, ce dont nous doutons fortement.
Plus d'un millier d'avocats et notaires de l'État québécois agissent tantôt en droit civil, tantôt en droit constitutionnel ou administratif, tantôt en droit fiscal ou autre. Ce sont même eux qui défendent les procureurs aux poursuites criminelles et pénales lorsque ceux-ci font l'objet de litiges civils où leur responsabilité professionnelle est attaquée, ou qui soutiennent la validité des dispositions du Code criminel lorsque celle-ci est débattue devant les tribunaux.
Ils se portent quotidiennement à la défense de la primauté du droit, empêchent l'État de poser des actes illégaux ou inconstitutionnels, et préparent les dossiers devant être entendus par les cours de justice et les tribunaux administratifs. Ce sont même eux qui vont plaider ces dossiers devant ces instances.
Dans certains cas, les avocats et notaires du gouvernement québécois travaillent en tant que légistes à la rédaction des lois et règlements, préparent des contrats et défendent l'État lorsque sa responsabilité est en jeu. Dans d'autres cas, leur travail en matière de contentieux fiscal permet à l'État de poursuivre les fraudeurs et autres débiteurs et de recouvrer d'importantes sommes d'argent.
Droit criminel, pas plus noble
Le droit criminel et pénal ne constitue pas une branche du droit plus noble que les autres. De fait, rien ne saurait justifier que, au sein d'un même employeur, c'est-à-dire l'État, des salariés ayant la même formation en droit et exerçant le même type de fonctions soient payés selon des barèmes différents ou soient soumis à des régimes différents de négociation en matière de relations de travail.
Certes, on nous objectera que, tel que l'affirme la jurisprudence, les procureurs de la Couronne doivent exercer leurs fonctions en toute indépendance. Mais n'en est-il pas de même ou ne devrait-il pas en être de même pour tous les autres avocats et notaires de l'État? D'ailleurs, la jurisprudence récente de la Cour suprême du Canada suggère que ces derniers doivent, à l'instar des procureurs de la Couronne, exercer leurs fonctions avec objectivité et en faisant abstraction de toute considération partisane ou d'autres motifs illégitimes, et ce, qu'ils agissent en leur qualité de poursuivants, de conseillers juridiques officiels du gouvernement ou d'intervenants dans des affaires concernant l'État.
Bref, les avocats et notaires de l'État québécois sont, tout comme les procureurs aux poursuites criminelles et pénales, les gardiens de l'intérêt public de même que de l'intégrité et de l'image du gouvernement. Ils contribuent fortement au maintien et au renforcement de l'État de droit et de l'administration de la justice. Il appartient maintenant au gouvernement du Québec de reconnaître de digne façon la qualité du travail de ses avocats et notaires et de mettre fin au clivage qui existe présentement entre ses procureurs de la Couronne et ses autres juristes.
Admis au Barreau du Québec en 1982, Benoît Pelletier a d’abord pratiqué le droit au sein du contentieux des affaires civiles et du droit immobilier du ministère de la Justice du Canada (de 1983 à 1989) et des Services juridiques du Service correctionnel du Canada (en 1989 et 1990), à Ottawa. C’est en 1990 qu’il s’est joint au corps professoral de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, dont il fait encore partie et où il assume en ce moment la fonction de professeur titulaire. Benoît Pelletier a aussi assumé la fonction de doyen adjoint à cette faculté de droit de 1996 à 1998.
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Anonyme
il y a 8 ansEn quoi est-ce qu'une augmentation de salaire au niveau des procureurs de la couronne va faire en sorte que les juristes de l'état seront plus indépendents? Surtout à la lumière du fait qu'ils sont syndiqués et ont donc des protections importantes?
Merci
Anonyme
il y a 8 ansCe n'est pas le salaire. C'est qui détermine le salaire.
Comment un juriste peut dire vraiment ce qu'il pense à un ministre, et ainsi défendre l'intérêt public, quand c'est ce ministre qui détermine son salaire?
Comment maintenir une relation avocat-client saine, avec un lien de confiance, quand ce juriste est forcé de se retrouver en guerre ouverte avec ce client à tous les 5 ans?
En fait, en pratique, les juristes de l'État et les procureurs de la Couronne ont toujours eu le même salaire. Et il en est de même dans toutes les autres provinces et au fédéral. La véritable question, c'est pourquoi le Québec cherche à créer 2 classes de juristes. L'économie est minime, moins d'un million par année sur un budget de 100 milliards. Tout ceci est d'un ridicule consommé.
Anonyme
il y a 8 ansMerci d'avoir pris la peine de répondre et intelligemment de sucroit.
Je comprends ce que vous dites, mais en quoi le ministre détermine le salaire? Les juristes de l'état ne sont-ils pas payés selon un échelle applicable à tous?
Par ailleurs, les juristes de l'état ont-ils toujours le mandat de défendre l'intérêt public (de la façon que le font les procureurs du DPCP)? Pas convaincu que ce soit le cas notamment après quelques expériences avec Revenu Québec. La Cour d'appel semble d'accord.... De la même façon j'ai connu des dossiers où des avocats de la CSST et du PG étaient d'un côté et ceux de la CLP de l'autre. Trois groupe de juristes de l'état défendant l'intérêt public?
Si ces juristes doivent défendre des intérêts autres que "l'intérêt public", leur indépendence n'est pas plus importante que celle des avocats en contentieux d'entreprise, non? Avec respect, le fait de vouloir avoir un bénéfice sur la base de la nécessité d'une quelconque indépendence ne me semble pas plus pertinente ou significative ici que pour n'importe quels avocats. Je vous assure que les difficultés dont vous parlez s'appliquent amplement à ceux d'entre nous qui travaillons en contentieux. De la même façon, en pratique privée, si le client qui vous donne plusieurs dizaines de milliers de dollars de facturation par année vous donne instructions de poursuivre un recours avec lequel vous n'êtes pas d'accord, vous êtes dans la même situation, non?
En fait les juristes de l'état ne sont-ils pas tout autant redevables à leurs clients? Parce que cet espèce de soumission à l'intérêt public a-t-elle vraiment préséance sur l'obligation envers le client pour la grande majorité de ces juristes?
Par ailleurs, votre argument sur l'économie est trompeur: les salaires ne constituent pas 100 milliards de dépenses (du moins j'espère que non!), c'est le budget total de l'état québécois. Je ne crois pas qu'il soit approprié de comparer comme vous le faites.
DJT
il y a 8 ans"Comment un juriste peut dire vraiment ce qu'il pense à un ministre, et ainsi défendre l'intérêt public,"
Crown prosecutors must take justice into consideration, the rest must take their instructions from their clients. Please stop with this crap about working for the better good, you are mercenaries- with boundaries- just like the rest of us!
Anonyme
il y a 8 ansSur tous les forums de discussions sur Internet, il y a toujours une personne qui s'approprie le forum et qui se comporte comme s'il en était le propriétaire.
Généralement, il commente tous les sujets et il est souvent le premier à commenter chaque sujet. Il pense que son opinion est d'une importance primordiale. Si tout le monde se comportait comme lui, Internet serait inutilisable. Souvent, cette personne exaspère le véritable propriétaire du site. C'est un peu l'idiot du village. Appelons-le l'idiot du forum.
Sur droit-inc, cette personne est DSG.
DSG
il y a 8 ansSome people should just lighten up. Judging by some of the comments, many people understand that it's only humor and they actually enjoy my comical posts. Even when speaking the truth I throw in something ridiculous as though written by some embittered fictitious persona. Anyone who gets offended should learn to laugh at themselves a little. And no, I have never (not once) said anything racist on this site.
Anonyme
il y a 8 ans"And no, I have never (not once) said anything racist on this site."
Certainly up for debate, I remember some posts on Maher Arar where there was definitely more than a whiff of something...
Anonyme
il y a 8 ansTout à fait! Ce genre d'insultes ne devrait sa avoir sa place ici.
Anonyme
il y a 8 ans"Je ne m'ennuie pas de la semaine de 35 heures. Du temps supplémentaire payé. De pouvoir accumuler jusqu'à 2 jours de congé par mois en temps additionnel ou encore du télétravail. J'ai une qualité de vie moins bonne, pour un salaire pratiquement double (et je ne suis pas en grand cabinet)."
Is it surprising that no offended people have responded to this yet. Is this all true?