Opinions

Restructuration du régime de placements admissibles prévue au budget 2025

Main image

Michael Friedman Et Jennie Baek

2025-11-17 11:15:13

Quid du régime de placements admissibles prévu au budget 2025?

Michael Friedman et Jennie Baek - source : McMillan


En 2023, des cotisations s’élevant à plus de 147 milliards de dollars ont été versées à des régimes enregistrés canadiens exonérés d’impôt, dont les régimes enregistrés d’épargne-retraite (« REER »), les fonds enregistrés de revenu de retraite (« FERR »), les comptes d’épargne libre d’impôt (« CELI »), les régimes enregistrés d’épargne-études (« REEE »), les régimes enregistrés d’épargne-invalidité (« REEI »), les comptes d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (« CELIAPP ») et les régimes de participation différée aux bénéfices (« RPDB ») (collectivement, les « régimes enregistrés »).

Il est généralement interdit aux régimes enregistrés de détenir des biens qui ne sont pas des « placements admissibles », tels que définis avec précision dans la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (la « Loi de l’impôt ») et le Règlement de l’impôt sur le revenu (le « Règlement ») qui s’y rattache.

Les règles qui interdisent aux régimes enregistrés d’investir dans des biens qui ne sont pas des « placements admissibles » ont été introduites il y a près de soixante ans. Les restrictions ont été manifestement conçues pour faire en sorte que les régimes enregistrés limitent leurs placements à des titres sûrs et stables à une époque où les types de placements offerts au contribuable moyen étaient limités et où l’information disponible sur les placements potentiels était souvent sommaire.

Cependant, l’expansion de l’économie mondiale et les innovations en instruments financiers ont permis d’augmenter la diversification des placements offerts aux particuliers et le nombre de catégories de « placements admissibles ». On dénombre aujourd’hui plus de quarante catégories différentes de « placements admissibles ».

Dans le budget de 2024, le gouvernement a admis que les règles actuelles applicables aux « placements admissibles » sont « susceptibles d’être incohérentes ou difficiles à comprendre ». Le budget de 2024 invitait les intervenants à formuler des suggestions au gouvernement sur la façon dont les règles relatives aux placements admissibles pourraient être « modernisées » dans le but d’améliorer l’administration et la gouvernance des régimes enregistrés (le « processus de consultation sur les PA »).

Plus tôt cette année, ce processus a pris fin. Le budget 2025 présente des modifications législatives et réglementaires qui tiennent compte des conclusions tirées du processus de consultation sur les PA.

Modernisation des règles relatives aux placements admissibles

Les règles sur les placements admissibles prévues par la Loi de l’impôt et le Règlement sont devenues un ensemble dense et redondant de dispositions qui présentent séparément les catégories de placements admissibles pour chaque type de régime enregistré. Avec du recul, l’évolution des règles relatives aux placements admissibles est compréhensible.

Au fil du temps, un nombre croissant de nouvelles catégories de placements admissibles ont été progressivement ajoutées à la Loi de l’impôt et au Règlement, et les modalités des catégories existantes ont été révisées afin de prendre en compte les préoccupations du gouvernement relativement à la lutte contre l’évitement fiscal.

Le budget 2025 propose d’éliminer les redondances et de faciliter le suivi des règles relatives aux placements admissibles en abrogeant les listes distinctes de catégories de placements admissibles qui s’appliquent à chaque type de régime enregistré. Ces listes seront remplacées dans la Loi de l’impôt par une définition unique de « placement admissible » qui s’appliquera à tous les régimes enregistrés (sauf les RPDB).

En outre, le Règlement présentera une liste de placements admissibles prescrits, qui seront organisés en fonction du type de placement (soit sous les rubriques « Titres de créance », « Titres de capitaux propres », « Fiducies » et « Autres placements visés »). Dans le cadre des révisions proposées au Règlement, les dispositions anti-évitement précédemment intégrées dans certaines catégories de placements admissibles seront retirées et elles seront énoncées séparément dans le nouvel article 5006 du Règlement.

L’entrée en vigueur de la simplification et de la réorganisation des règles relatives aux placements admissibles est prévue le 1ᵉʳ janvier 2027.

Élimination du régime de placements enregistrés

La partie X.2 de la Loi de l’impôt prévoit des dispositions spéciales qui autorisent certaines fiducies et sociétés à demander au ministre du Revenu national d’être acceptées comme « placements enregistrés ». Les participations dans une fiducie ou les actions d’une société qui sont des placements enregistrés pendant l’année civile en cours ou l’année civile précédente constituent un placement admissible pour un régime enregistré.

Les fiducies de fonds commun de placement et les sociétés de placement à capital variable classiques (chacune au sens de la Loi de l’impôt) peuvent demander le statut de placement enregistré. En outre, les fiducies ou les sociétés qui ne seraient pas autrement admissibles à titre de fiducie de fonds commun de placement et de société de placement à capital variable parce qu’elles ne satisfont pas à certaines conditions prescrites, y compris à celle d’avoir 150 détenteurs de capitaux propres admissibles d’une catégorie particulière d’unités ou d’actions, peuvent également être des placements enregistrés, à condition que leurs biens immobiliers se composent exclusivement de placements admissibles (ces fiducies ou sociétés sont souvent appelées « quasi-fiducies de fonds commun de placement » et « quasi-sociétés de placement à capital variable »).

Lorsqu’une telle fiducie ou société acceptée à titre de placement enregistré ne détient pas exclusivement des placements admissibles, elle peut se voir imposer certaines pénalités fiscales. Une liste des placements enregistrés est publiée chaque année dans la Gazette du Canada.

Le gouvernement signale que, dans le cadre du processus de consultation sur les PA, certains intervenants ont indiqué que le statut de placement enregistré n’offrait pas « suffisamment de valeur pour en justifier les fardeaux administratifs et de conformité associés ». En conséquence, le budget 2025 propose d’éliminer le régime des placements enregistrés, y compris le statut de placements enregistrés à titre de placements admissibles, à compter du 1ᵉʳ janvier 2027.

Pour le remplacer, deux nouvelles catégories de placements admissibles seront établies.

La première nouvelle catégorie visera les unités d’une fiducie qui est assujettie et qui se conforme pour l’essentiel au Règlement 81-102 sur les fonds d’investissement (le « Règlement 81-102 ») des Autorités canadiennes en valeurs mobilières.

Le Règlement 81-102 est l’un des principaux règlements nationaux régissant les fonds d’investissement en vertu du droit des valeurs mobilières canadien applicable. Il s’applique généralement aux fonds d’investissement « publics » (c’est-à-dire les fonds d’investissement qui sont des émetteurs assujettis, comme les fonds communs de placement, les titres d’OPC alternatifs, les FNB et les fonds d’investissement à capital fixe). Il est à noter que ce règlement contient également certaines règles concernant les placements « fonds de fonds » applicables aux fonds d’investissement qui ne sont pas des émetteurs assujettis.

Bien que l’introduction de catégories supplémentaires de placements admissibles soit la bienvenue, la portée de cette nouvelle catégorie pourrait ne pas englober toute la gamme des fiducies actuellement admissibles à titre de quasi-fiducies de fonds commun de placement. Par exemple, les unités de certaines fiducies offertes par notice d’offre aux termes d’une dispense de prospectus applicable pourraient ne pas faire partie de la nouvelle catégorie. En outre, le degré auquel une fiducie peut s’écarter de la conformité au Règlement 81-102 avant d’être considérée comme n’étant pas « conforme pour l’essentiel » aux exigences de ce règlement reste à déterminer.

La deuxième nouvelle catégorie de placements admissibles comprendra les unités d’une fiducie qui est une « fiducie de placement déterminée » (au sens du paragraphe 251.2(1) de la Loi de l’impôt), si les placements de la fiducie sont gérés par une personne inscrite comme un gestionnaire de fonds d’investissement visé par le Règlement 31–103 sur les obligations et dispenses d’inscription et les obligations continues des personnes inscrites (« Règlement 31–103 ») des Autorités canadiennes en valeurs mobilières.

Le Règlement 31-103 est l’un des principaux règlements nationaux régissant les obligations d’inscription et des personnes inscrites en vertu du droit des valeurs mobilières canadien applicable. En bref, une personne ou une société qui dirige les activités, les opérations ou les affaires d’un « fonds d’investissement » (au sens du droit des valeurs mobilières canadien applicable, qui propose une définition différente de celle de la Loi de l’impôt) est généralement tenue d’être inscrite à titre de « gestionnaire de fonds d’investissement ».

Pour faire partie de cette deuxième nouvelle catégorie de placements admissibles, une fiducie doit être une « fiducie de placement déterminée », au sens du paragraphe 251.2(1) de la Loi de l’impôt. Ainsi, pour être admissible à ce titre, une fiducie doit, entre autres choses et en tout temps depuis sa création, avoir suivi « une politique raisonnable en matière de diversification des placements », n’avoir jamais contrôlé une société et ne pas avoir enfreint certaines exigences et limites en matière de détention de biens. Il est concevable que de nombreuses quasi-fiducies de fonds commun de placement n’aient pas, du moins à un certain moment dans le passé, satisfait aux exigences légales pour être considérées comme une « fiducie de placement déterminée ». De telles fiducies seraient donc, semble-t-il, exclues de la portée de la deuxième nouvelle catégorie de placements admissibles.

L’entrée en vigueur proposée des nouvelles catégories de placements admissibles est le jour du dépôt du budget, soit le 4 novembre 2025.

Le gouvernement s’attend généralement à ce que les unités ou les actions de fiducies ou de sociétés qui étaient des placements enregistrés demeurent admissibles, soit en vertu de l’une des catégories actuelles de placements admissibles, soit en vertu de l’une des nouvelles catégories de placements admissibles, soit des deux. Malheureusement, il est possible que ce ne soit pas le cas dans la pratique. Les régimes enregistrés devront évaluer attentivement s’ils devront se départir de placements enregistrés avant 2027 s’ils ne sont pas certains que ces placements continueront d’être des placements admissibles à l’élimination du régime de placements enregistrés.

Les gestionnaires de fonds d’investissement de fiducies qui sont des placements enregistrés devraient examiner leurs documents de placement et autres documents d’information afin de cerner toute conséquence défavorable potentielle de l’élimination du régime des placements enregistrés et d’apporter des corrections pour veiller à ce que le statut de placement admissible ne soit pas perdu en 2027. Les quasi-sociétés de placement à capital variable voudront faire preuve d’une diligence particulière dans l’évaluation de leur situation, puisque les deux nouvelles catégories de placements admissibles ne s’appliquent pas aux sociétés.

Placements dans des petites entreprises

À l’heure actuelle, le Règlement contient deux ensembles distincts de règles qui reconnaissent, à titre de placements admissibles, les titres de certains types d’entités qui exploitent de petites entreprises. Chaque ensemble de règles ne s’applique qu’à certains types de régimes enregistrés. De plus, aucun des deux ensembles de règles ne s’applique aux REEI.

Les deux ensembles de règles se recoupent, à certains égards. Le gouvernement craint que la complexité des règles concurrentes ait découragé les régimes enregistrés d’investir dans les petites entreprises. Le budget 2025 propose de « simplifier et de rationaliser » les catégories de placements admissibles afin de permettre les placements dans des titres de petites entreprises.

Le gouvernement propose de conserver le premier ensemble de règles, qui s’applique actuellement uniquement aux REER, aux FERR, aux CELI, aux REEE et aux CELIAPP. Ce premier ensemble stipule que les actions de ce qu’on appelle des « sociétés déterminées exploitant une petite entreprise », des « sociétés à capital de risque » et des « coopératives déterminées » sont des placements admissibles. Lorsque les modifications proposées seront adoptées, le premier ensemble de règles s’appliquera à tous les régimes enregistrés, y compris les REEI.

Par contre, le deuxième ensemble de règles, qui prévoit actuellement que les actions de « sociétés admissibles » et les participations dans des « sociétés de personnes en commandite de placement dans des petites entreprises » et des « fiducies de placement dans des petites entreprises » sont des placements admissibles, sera abrogé. Les participations dans les « sociétés de personnes en commandite de placement dans des petites entreprises » et les « fiducies de placement dans des petites entreprises » acquises avant 2027 continueront d’être des placements admissibles tant qu’elles seront détenues par le régime enregistré acquéreur.

À propos des auteurs

Michael Friedman est associé en fiscalité chez McMillan.

Jennie Baek est associée chez McMillan.

98
Publier un nouveau commentaire
Annuler
Remarque

Votre commentaire doit être approuvé par un modérateur avant d’être affiché.

NETiquette sur les commentaires

Les commentaires sont les bienvenus sur le site. Ils sont validés par la Rédaction avant d’être publiés et exclus s’ils présentent un caractère injurieux, raciste ou diffamatoire. Si malgré cette politique de modération, un commentaire publié sur le site vous dérange, prenez immédiatement contact par courriel (info@droit-inc.com) avec la Rédaction. Si votre demande apparait légitime, le commentaire sera retiré sur le champ. Vous pouvez également utiliser l’espace dédié aux commentaires pour publier, dans les mêmes conditions de validation, un droit de réponse.

Bien à vous,

La Rédaction de Droit-inc.com

PLUS

Articles similaires