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Turbulences à venir : un guide pratique pour les transactions d’aéronefs à l’ère des tarifs douaniers

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Steven Sitcoff Et Andrea Sepinwall

2025-08-25 11:15:17

Quid des transactions d'aéronefs à l’ère des tarifs douaniers?

Steven Sitcoff et Andrea Sepinwall - source : McMillan


Après des mois de suspense, les États-Unis ont annoncé le 31 juillet 2025 que les droits de douane de base sur la plupart des produits importés du Canada passeraient à 35 %. Alors, qu’est-ce que cela signifie pour les transactions transfrontalières d’aéronefs entre des parties situées au Canada et aux États-Unis?

À l’heure actuelle, aucun droit de douane canadien n’est applicable sur les importations d’aéronefs pilotés en provenance des États-Unis. En revanche, les importations aux États-Unis d’aéronefs appartenant à des Canadiens sont généralement soumises aux droits de douane américains, à moins qu’une exonération ne soit possible, notamment en cas de traitement tarifaire préférentiel au titre de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (l’ACEUM).

Statut de l’ACEUM : préparez-vous!

Commençons par la bonne nouvelle : l’ACEUM fournit généralement un mécanisme permettant d’exempter de nombreux produits fabriqués au Canada, y compris les aéronefs et les moteurs d’aéronef, des droits de douane américains lorsqu’ils sont importés aux États-Unis. La mauvaise nouvelle, par contre, est que l’ACEUM arrive à expiration le 30 juin 2036, à moins que les parties ne le renouvellent.

En outre, il fait l’objet d’examens, le premier devant avoir lieu le 1ᵉʳ juillet 2026. Le mécanisme d’examen peut ouvrir la voie à une renégociation de l’ACEUM en tout ou en partie, entraînant un manque potentiel de prévisibilité quant à son application. Pour ajouter à la complexité de la situation, historiquement, les ventes d’avions civils entre le Canada et les États-Unis ne dépendaient pas de l’ACEUM pour bénéficier d’un traitement en franchise de droits, mais de l’accord de l’Organisation mondiale du commerce sur le commerce des aéronefs civils, entré en vigueur en 1980.

En effet, avant l’introduction récente des droits de douane par les États-Unis, les vendeurs canadiens n’avaient pas besoin de se familiariser avec l’ACEUM en ce qui concerne la vente de leurs aéronefs. Cependant, à la suite de l’imposition des nouveaux droits de douane, ils ont dû faire des pieds et des mains pour comprendre son application à leurs ventes potentielles. Il n’est donc pas surprenant que cette situation ait entraîné une certaine confusion et des retards dans de nombreuses transactions d’aéronefs. Il est désormais impératif que les exportateurs d’aéronefs vers les États-Unis se familiarisent avec les mesures à prendre pour profiter du traitement préférentiel au titre de l’ACEUM.

L’admissibilité à ce traitement préférentiel dépend de la liste tarifaire et des règles d’origine de l’ACEUM. En particulier, la compréhension de la règle concernant le changement tarifaire est essentielle. Il s’agit du transfert de matériaux originaires de pays non membres de l’ACEUM pour qu’ils deviennent conformes à l’accord lorsqu’ils sont incorporés, dans notre cas, à un aéronef fabriqué au Canada. Cette analyse est complexe et s’appuie sur la description, la classification tarifaire et le pays d’origine des marchandises pour déterminer l’admissibilité au traitement préférentiel au titre de l’ACEUM. De plus, ce ne sont pas seulement les aéronefs et les moteurs d’aéronef qui sont concernés.

En effet, les pièces de rechange et autres marchandises se trouvant à bord d’un aéronef importées aux États-Unis doivent faire l’objet de la même analyse au titre de l’ACEUM afin de déterminer si elles peuvent ou non profiter d’un traitement préférentiel.

Stratégies pour atténuer l’impact des droits de douane américains

Scénario nº 1 : Importation aux États-Unis d’un aéronef fabriqué au Canada

La prise des mesures suivantes est recommandée ou requise pour profiter du traitement préférentiel au titre de l’ACEUM :

(1) Préparation à l’ACEUM : Il est recommandé que l’exportateur (c’est-à-dire le vendeur de l’aéronef) soit proactif et prépare les documents nécessaires à la conformité à l’ACEUM avant de mettre l’aéronef en vente. Cela devrait contribuer à améliorer la commercialisation de l’aéronef auprès des acheteurs américains potentiels.

(2) Contrat d’achat d’aéronef: Lors de la négociation du contrat d’achat d’aéronef, il est conseillé de prendre en considération le lieu de l’inspection préalable à l’achat, la clôture du contrat et sa livraison, ainsi que les conséquences de ces choix. Notamment, si le vendeur accepte de livrer l’aéronef aux États-Unis, il sera généralement responsable des droits de douane applicables ou devra demander un traitement tarifaire préférentiel en vertu de l’ACEUM. En outre, certains acheteurs basés aux États-Unis peuvent demander que l’inspection préalable à l’achat ait lieu dans leur pays, ce qui pourrait également déclencher l’application des droits de douane, même si l’aéronef n’est finalement pas vendu à un client américain. Il convient également de désigner avec soin les incoterms applicables à la vente de l’aéronef en faisant particulièrement attention aux ventes effectuées selon la condition rendu droits acquittés, car dans ce cas, c’est le vendeur qui doit payer les droits de douane et non l’acheteur. D’autres clauses dont l’adaptation est à envisager sont celles qui traitent de la force majeure et des changements défavorables importants, en vue de fixer un plafond tarifaire ou du prix d’achat ou des deux, dont le dépassement signifierait que l’ACEUM ne refléterait plus l’intention des parties.

(3) Règles d’origine: L’aéronef canadien doit être certifié conforme aux règles d’origine de l’ACEUM. Toutefois, la détermination du pays d’origine de l’aéronef peut s’avérer complexe et être le résultat de certains faits. Par exemple, l’intérieur de l’aéronef peut avoir été installé dans un pays différent de celui où la cellule a été fabriquée, ou l’aéronef peut avoir fait l’objet d’une remise à neuf importante ailleurs que dans le pays de fabrication. À cet égard, il peut être judicieux de demander l’aide du constructeur (même dans le cadre de la vente d’un aéronef d’occasion), car il est souvent le mieux placé pour procéder à ces déterminations et est habitué à fournir les informations et documents nécessaires.

(4) Formalités d’importation : L’importateur de l’aéronef aux États-Unis doit demander un traitement tarifaire préférentiel au titre de l’ACEUM au moment de l’importation et disposer des documents justificatifs en cas d’examen ultérieur par les autorités américaines.

Scénario nº 2 : Importation aux États-Unis d’un aéronef fabriqué aux États-Unis

En principe, aucun droit de douane américain ne devrait s’appliquer. Il convient néanmoins de confirmer que le pays d’origine de l’aéronef est bien les États-Unis et que l’appareil n’a pas fait l’objet d’une transformation substantielle sur le marché secondaire qui pourrait modifier la détermination du pays d’origine (voir les commentaires ci-dessus concernant les règles d’origine).

Scénario nº 3 : Importation aux États-Unis d’un aéronef fabriqué à l’extérieur du Canada, des États-Unis et du Mexique

L’exonération au titre de l’ACEUM ne s’appliquera généralement pas, sauf dans des circonstances exceptionnelles telles qu’un aéronef fabriqué dans un pays tiers qui a fait l’objet d’une modification tarifaire ou possiblement d’autres modifications majeures au Canada, aux États-Unis ou au Mexique (dans ce cas, la plupart des commentaires énoncés au scénario nº 1 s’appliqueraient). D’autres formes d’allégement peuvent cependant être disponibles, y compris d’éventuelles exonérations tarifaires accordées par les États-Unis à des constructeurs d’aéronefs spécifiques. Idées fausses concernant l’application des droits de douane américains aux aéronefs

(1) « L’aéronef a été fabriqué par une société américaine. »

Malheureusement, ce n’est peut-être pas aussi simple. La question fondamentale pour l’application des tarifs douaniers est le pays d’origine de l’aéronef et non l’emplacement du constructeur. Par exemple, l’aéronef peut être vendu par un constructeur américain, mais avoir été fabriqué à l’étranger. Par ailleurs, même dans le cas d’un aéronef de toute évidence fabriqué aux États-Unis, les travaux de production ou réalisés sur le marché secondaire effectués en dehors des États-Unis peuvent être suffisamment importants pour que l’aéronef ne soit plus considéré comme étant d’origine américaine et ne puisse donc plus profiter du traitement préférentiel au titre de l’ACEUM.

En revanche, les aéronefs fabriqués et/ou assemblés au Canada avec des pièces ou des moteurs fabriqués dans des pays tiers devraient généralement pouvoir en profiter. Or, le simple fait d’achever la construction d’un aéronef au Canada ou au Mexique n’est pas suffisant pour pouvoir profiter du traitement préférentiel au titre de l’ACEUM.

(2) « Les droits de douane américains ne s’appliquent qu’aux aéronefs neufs et non à ceux d’occasion. »

Les droits de douane américains s’appliquent aux aéronefs neufs et d’occasion, sans distinction. Par conséquent, une détermination de l’admissibilité au traitement préférentiel au titre de l’ACEUM sera toujours nécessaire dans les deux cas.

(3) « L’aéronef, bien qu’il ne soit pas de fabrication américaine, se trouve déjà aux États-Unis. »

Il est vrai que si l’aéronef se trouve déjà aux États-Unis et que la conclusion de la vente et la livraison de l’appareil ont lieu sur le sol américain, la transaction de vente ne devrait pas déclencher l’application de droits de douane américains. Néanmoins, cela n’exclut pas la possibilité que l’aéronef soit réimporté aux États-Unis quelque temps après la conclusion de la vente. Dans ce cas, les droits de douane américains s’appliqueraient.

(4) « L’aéronef était déjà immatriculé aux États-Unis. »

En règle générale, l’immatriculation et l’emplacement actuel de l’aéronef n’ont aucune incidence sur l’application des droits de douane; l’élément déclencheur est l’importation d’un aéronef aux États-Unis. Cela dit, dans le cas d’un aéronef fabriqué en sol étranger, si l’aéronef est immatriculé aux États-Unis, aucun droit de douane américain ne devrait en principe s’appliquer, tant que l’aéronef n’est pas réimporté aux États-Unis.

(5) « Aucun droit de douane ne s’applique à la maintenance, puisqu’il s’agit d’un service. »

Il est vrai que les tarifs douaniers ne s’appliquent pas à l’acquisition de services. Malgré ce fait, les droits de douane pourraient s’appliquer à l’importation de moteurs d’aéronef et d’autres pièces installées sur l’appareil, en fonction de leur pays d’origine. Par conséquent, avant de décider d’effectuer sur un aéronef des travaux majeurs de maintenance ou une remise à neuf ailleurs qu’aux États-Unis, il faut se demander si les travaux envisagés feraient en sorte que l’appareil ne serait plus conforme aux règles de l’ACEUM au moment de sa réimportation aux États-Unis.

(6) « L’aéronef est immatriculé au Canada et appartient à un Canadien. »

Comme nous l’avons vu, le simple fait d’avoir un propriétaire canadien et d’être immatriculé au Canada n’assure pas que l’aéronef peut profiter d’un traitement préférentiel au titre de l’ACEUM. En fin de compte, c’est le pays d’origine de l’aéronef et le fait qu’il a fait l’objet ou non d’une modification tarifaire ou possiblement d’autres modifications majeures après sa fabrication qui détermineront son statut tarifaire.

(7) « Le transbordement me permettra de contourner les droits de douane. »

La pratique du transbordement, qui consisterait dans ce cas-ci à expédier une marchandise ne pouvant profiter d’un traitement préférentiel au moment de son importation directe aux États-Unis vers un pays tiers disposant de meilleurs tarifs douaniers, puis à exporter la marchandise de ce pays vers les États-Unis, ne constituera pas un avantage pour les vendeurs d’aéronefs canadiens. D’une part, parce qu’elle ne modifie pas le pays d’origine des marchandises et, d’autre part, parce que les marchandises transbordées sont désormais soumises à des tarifs douaniers américains de 40 % (à moins qu’une exonération au titre de l’ACEUM ou d’autres mesures ne s’appliquent).

À propos des auteurs

Steven Sitcoff est un avocat chevronné du cabinet McMillan dont la pratique est axée principalement sur la présentation à des sociétés canadiennes et internationales de solutions de planification fiscale proactives et pratiques visant à les aider à faire progresser leurs objectifs d’affaires.

Andrea Sepinwall est une avocate chevronnée du cabinet McMillan en droit de l’aviation et des affaires, comptant plus de vingt ans d’expérience en droit commercial et financier acquise en pratique privée et à titre de conseillère juridique interne.

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