Vente de Rona : l’AMF a-t-elle été négligente?
Louis Fortier
2016-03-22 14:20:00

Toute l'information relative à cette opération d'une valeur de 3,2 milliards de dollars se trouve dans la circulaire de sollicitation de procurations de la direction de Rona dont les versions anglaise et française sont accessibles ici.
Traduction incomplète vers le français
La lecture de la version française de cette circulaire est instructive : sur 203 pages, 69 sont en anglais, soit un peu plus du tiers du document.
Ces 69 pages non traduites de l'anglais vers le français correspondent justement au texte intégral de la convention d'arrangement.
Arguments de l’AMF
Comment l'Autorité des marchés financiers du Québec, dont la mission consiste notamment à protéger les épargnants, peut-elle justifier une telle situation?
Selon l'AMF, en vertu de l'article 55 de la Charte de la langue française, un contrat conclu au Québec peut être rédigé dans une autre langue que le français si telle est la volonté expresse des parties.
C'est vrai. Mais ce raisonnement juridique boiteux parce que lacunaire serait d'une foudroyante fulgurance si seulement l'AMF arrivait à le concilier avec l'article 40.1 de la Loi sur les valeurs mobilières du Québec, qui est impératif. L’article 40.1 dispose que tous les documents d'information continue tels que la circulaire doivent être établis en français, ou en français et en anglais.
La convention d'arrangement peut bien avoir été signée en anglais mais une fois insérée dans la circulaire destinée aux actionnaires, elle doit absolument être traduite vers le français dans son intégralité afin de permettre aux actionnaires francophones de prendre une décision éclairée.
Imaginons un instant qu'une société chinoise présente une offre d'achat visant Rona. Selon le raisonnement de l’AMF, les actionnaires, anglophones et francophones, devraient-ils accepter que le tiers de la circulaire qui leur est destinée soit rédigé en mandarin ou en cantonais?
L'AMF se justifie en affirmant que de toute façon la teneur de la convention d'arrangement est résumée dans la circulaire. Pourtant, le passage de la circulaire qui résume la convention ‒ et qui ne compte qu'une dizaine de pages ‒ est précédé d'un avertissement aussi sérieux qu’éloquent :
« Le texte qui suit n’est qu’un résumé des modalités importantes de la convention d’arrangement (…) et est présenté entièrement sous réserve du texte intégral de la convention d’arrangement (…). Les actionnaires sont priés de lire intégralement la convention d’arrangement (…). »
(Nos soulignés)
L'AMF se défend en affirmant qu'elle n'a pas accordé de dispense de traduction dans ce dossier.
Laxisme de l’AMF
En tant qu'organisme chargé de l'application de la loi, l'AMF peut-elle se contenter de ne rien faire et prétendre que tout est légal et conforme parce qu'elle n'a pas accordé de dispense de traduction? C'est tout à fait illogique.
Pourquoi les actionnaires anglophones de Rona disposeraient-ils de plus de renseignements que les actionnaires francophones? Comment expliquer le laxisme délirant de l'AMF dans ce dossier?
C'est que, depuis au moins 2011, l'AMF et un certain lobby financier insistant font la promotion active d'un soi-disant modèle européen qui permettrait le dépôt au Québec de documents d'information continue uniquement en anglais accompagnés de résumés en français. Pour l'AMF, la traduction vers le français coûte trop cher. Pour l'AMF, les Québécois n'ont simplement plus les moyens d'être francophones.
Le gouvernement du Québec doit agir
La version française de la circulaire de Rona ne respecte ni le statut du français au Québec ni la Charte de la langue française ni la Loi sur les valeurs mobilières. Elle bafoue les droits linguistiques des actionnaires francophones et nous donne un avant-goût de ce que nous réserve l'AMF avec son « modèle européen », manifestement non transposable au Québec.
Il est sidérant de constater que des fonctionnaires de l'État québécois cautionnent avec autant d’insouciance des manœuvres qui minent l'identité québécoise et menacent la paix linguistique.
On en vient même à se demander si les droits linguistiques des épargnants francophones du Québec ne seraient pas maintenant mieux protégés par une véritable commission fédérale des valeurs mobilières qui exigerait que les documents d'information continue soient déposés dans les deux langues officielles à la grandeur du pays.
À la demande expresse de l'Association canadienne des juristes-traducteurs (ACJT), le gouvernement Charest en 2012 puis le gouvernement Marois en 2013 s’étaient engagés par écrit à ne pas modifier l'article 40.1 de la Loi sur les valeurs mobilières du Québec. À l’automne 2014, l’ACJT a présenté la même demande au gouvernement Couillard. Elle attend toujours sa réponse.
Le moment est venu pour le gouvernement du Québec de régler cette question une fois pour toutes ou, à défaut, de confier au gouvernement fédéral la protection des droits linguistiques des épargnants francophones.
Anonyme
il y a 9 ansMais quelle histoire.
Le président de l'ordre des traducteurs qui se soucie du bien être des épargnants québécois. Wow.
Ceux-ci sont pleinement capables de se plaindre s'ils le désirent. De plus, ils peuvent voter contre le plan d'arrangement.
L'articel 40.1 de la LVM ne tiendra pas la route encore longtemps, change de profession, vos interventions sont totallement risibles.
Dubitatif
il y a 9 ansVous souciez-vous du bien-être des épargnants?
En passant, Me Fortier n'est pas président de l'Ordre des traducteurs.
Votre 2e paragraphe est aussi cohérent et crédible qu'un discours de candidat républicain.
Au 3e paragraphe, vous vous révélez, si on peut dire.
Ainsi, vous souhaitez abroger l'article 40.1 de la LVM? La Charte de la langue française tant qu'à y être?
Tant qu'il y aura des gens comme vous, il y aura beaucoup de travail pour les avocats.
Changer de profession? Contrairement à vous, Me Fortier semble avoir l'embarras du choix.
Juriste-traducteur
il y a 9 ansC'est peut-être vous qui devriez changer de profession.
Anonyme
il y a 9 ansEst-ce que le président de l’Association canadienne des juristes-traducteurs défend les droits linguistiques des épargnants francophones du Québec ou ses propres intérêts?
Anonyme
il y a 9 ansUne convention d'arrangement n'est pas un document d'information continue.
Vous y allez un peu fort.
Un peu amer qu'on vous ait pas demandé vos services de traduction ?
Anonyme
il y a 9 ansC est que ca survienne dans le cadre d une transaction ou les parties ont largement le cash requis pour faire la traduction.
Et que l AMF est totalement intransigeante quand ca vient aux petits emetteurs du quebec sur le tsx-v qui se voient imposes toutes sortes de contraintes linguistiques ou de compliance provinciale alors que tout l argent est levé a toronto. Go figure!
PS: ce texte est volontairement en franglais pour le fun, en hommage a Sugar Sammy et a PKP!
Anonyme
il y a 9 ansMonsieur, ce n'est pas l'AMF qui a été négligente car si vous consulter tout bon avocat en valeur mobilière - les règlements applicables donnent raison à l'AMF.
Lors d'un arrangement - les compagnies ont le choix de traduire ou non. Néanmoins - les compagnies choisissent généralement toutes de traduire par courtoisie - ici les dirigeants ont choisi de ne pas traduire car ça comporte des sommes importantes - (et peut être par conséquent moins de bonis...!. Le blâme revient à eux et non pas à l'AMF.
Par ailleurs- je sais qu'en tant que traducteur vous avez partie pris, mais personnellement je ne crois pas que la traduction d'un contrat juridique donne un avantage aux porteurs- si le contrat est de toute façon résumé.
Anonyme
il y a 9 ansMoins de traduction veut dire moins d'argent pour les membres de l'asso que représente Me Fortier.
Voilà une bonne raison de chercher à "protéger" des gens qui n'ont pas demandé une telle protection et d'enrober le tout dans un carcan identitaire...
Anonyme
il y a 9 ansMe Louis Fortier est avocat, traducteur agréé et administrateur agréé. Il est le président de l’Association canadienne des juristes-traducteurs (ACJT).
Il est surtout très objectif sur cette question.
Anonyme
il y a 9 ansMe Fortier ne prétend pas à l'objectivité.
Vous, qu'avez-vous à dire sur ses arguments?
Anonymous
il y a 9 ansWho is that Badass Dude?
Qui est ce dur à cuire?
Marie-Pierre
il y a 9 ansOui, Me Fortier protège ses propres intérêts. Les siens, et ceux de toutes les autres personnes qui touchent, de près ou de loin, au domaine de la traduction au Québec. On parle ici d'un secteur important lié notamment au marché financier canadien, soit celui de la traduction juridique. Un secteur qui fournit du travail à des coordonnateurs, des traducteurs, des réviseurs, des correcteurs d'épreuve et des adjoints. Un secteur qui offre des services essentiels aux investisseurs francophones, plus particulièrement à ceux qui ne maîtrisent pas suffisamment l'anglais pour comprendre un document d'information continue, dont la nature est complexe. Il est vrai que la convention d'arrangement n'est pas un document d'information continue en soi. Mais lorsque son texte est intégré dans une circulaire de sollicitation de procurations, il fait partie intégrante d'un document d'information continue et se doit d'être traduit intégralement. Tout bon investisseur a le droit de connaître les tenants et les aboutissants d'une opération à laquelle il prend part, surtout dans le cadre d'une opération de cette ampleur. Je ne saurais attribuer la faute à une personne ou un organisme précis. Mais je peux aisément reconnaître que les droits des investisseurs francophones ont été bafoués.
Anonyme
il y a 9 ansSur huit commentaires: deux réponses sur le fond, six attaques ad hominem.
Bravo les juristes, Vous faites honneur à la profession.
Anonyme
il y a 9 ansEn fait, la plupart des textes soulignent ce que Me Fortier a oublié de souligner, son intérêt dans la question, intérêt qu'il cherche à dissimuler de façon maladroite en parlant de protection des investisseurs québécois plutôt que de pertes de revenus pour les membres de son association. Ce n'est pas une attaque contre lui que de souligner ce fait.
Advocatus Demeritus
il y a 9 ansRéfléchissez un peu.
À qui profiterait la disparition du français dans le domaine des valeurs mobilières?
Quelles sont les conséquences de l'abandon des exigences linguistiques dans ce domaine sur tous les autres secteurs d'activités au Québec?
J'aimerais bien savoir combien coûtent les services des avocats, des comptables et des courtiers qui participent à un dossier comme celui de Rona.
Qui n'a pas les moyens de payer la traduction d'un contrat de vente d'une valeur de 3,2 milliards de dollars?
Anonyme
il y a 9 ansVous faites semblant de ne pas comprendre? Me Fortier aurait bien pu présenter l'argument économique des traducteurs. En fait, il n'en fait aucune mention, il parle seulement de protection des québécois francos. Il a peut être raison, peut être pas, mais pour moi il semble faire appel à des motifs autres plutôt que d'au moins mentionner cet élément qui est probablement le motif premier de son intervention.
Anonyme
il y a 9 ansChaque fois que vous plaidez, vous déclarez l'intérêt que vous avez à ce que votre client gagne?
C'est ridicule. les gens le savent bien. Ce n'est pas parce que vous y avez un intérêt que vous êtes de mauvaise foi.
D'ailleurs vous êtes cynique à l'os. Vous ne bossez que pour votre salaire ? Ça vous regarde. Mais il y a des pharmaciens qui se soucient de la santé des gens, des architectes qui veulent créer pour la postérité, des avocats qui se soucient de justice, et des professionnel du langage, dont les traducteurs, qui font la promotion de l'usage d'une langue.
Ce n'est pas incompatible avec le fait de gagner sa vie.
Anonyme
il y a 9 ans"Me Fortier aurait bien pu présenter l'argument économique des traducteurs."
Il aurait pu, il ne l'a pas fait, et ça ne change strictement rien au fond de l'affaire. C'est ça, qu'il faut comprendre.
Anonyme
il y a 9 ans"Chaque fois que vous plaidez, vous déclarez l'intérêt que vous avez à ce que votre client gagne?"
Non, je n'ai pas à le faire parce que je ne fais pas semblant que je cherche à gagner pour protéger des victimes qui ne m'ont rien demandé ou pour réparer une injustice dont serait victime l'ensemble de la société. Je n'ai pas à jouer ce genre de jeu. C'est ce que Me Fortier fait ici.
Anonyme
il y a 9 ansActually, if you want to make a political point, and this is exactly what the text above attempts to do, you should clearly disclose any conflicts of interest and explain why they don't impact your arguments. If you don't, you come off looking less than forthright and you lose credibility.
Me Fortier can state his legal arguments in absolute terms (granted his detractors did the same), like many things in our profession, they are neither black nor white. Ultimately they will need to be decided by a court.
Anonyme
il y a 9 ansIl rédige ce texte en se présentant comme président de l'Asso! Il ne cache rien de ses intérêts et de ses fonctions! Ma foi, vous êtes bouché ou quoi?
Pourquoi prendre les lecteurs pour des abrutis incapables de faire la part des choses?
Anonyme
il y a 9 ansEn fait, il a oublié de mentionner qu'il avait transmis une mise en demeure au nom d'un organisme. Ce genre de papier sans dénoncé ton rôle, c'est ordinaire (même s'il avait raison).
Historien
il y a 9 ansPrudence avant d'accuser un Juste de manquer d'intégrité!
La lettre d'opinion de Me Fortier est parue dans Droit-inc. le 22 mars 2016.
La mise en demeure du MÉDAC envoyée par Me Fortier est datée du 24 mars 2016.
Anonyme
il y a 9 ansPourquoi cherchez-vous à attaquer l'intégrité de Me Fortier?
Si vous n'êtes pas d'accord avec les idées qu'il exprime dans sa lettre, essayez d'élever un peu le débat en faisant valoir des contre-arguments plus crédibles.
Me Fortier a écrit une lettre à titre de président d'une association de traducteurs.
Vous ne reprocheriez quand même pas au représentant d'une association d'éleveurs de bovins de ne pas vous précisez qu'il est carnivore ou qu'il n'est pas végétarien?
Le MÉDAC a ensuite demandé à Me Fortier de transmettre une mise en demeure à titre de procureur.
Ce n'est pas sorcier.