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Quand la Cour suprême congédie un juge malade

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Jean-francois Parent

2018-01-15 14:15:00

Un juge du plus haut tribunal du pays a été forcé de démissionner alors qu'il était dépressif...

Gérald Le Dain a été forcé de démissionner alors qu'il était dépressif
Gérald Le Dain a été forcé de démissionner alors qu'il était dépressif
Un récent documentaire de la CBC révèle que le départ précipité du juge Gérald Le Dain, en 1988, était en fait un congédiement forcé et injustifié. Pour lequel la famille attend toujours des excuses.

Cliniquement dépressif, Gérald Le Dain n'a pu se rendre à la rentré judiciaire de l'automne 1988, relate la radio de la CBC dans un reportage radio diffusé en fin de semaine dernière.

Il a été nommé à la Cour suprême en 1984 par Pierre-Elliott Trudeau.
Mais plutôt que de lui accorder un congé pour soigner sa dépression, on lui a montré la porte.

Sa femme, Cynthia Le Dain, raconte être allée demander un temps de répit pour son mari au juge en chef Brian Dickson, en septembre 1988.

Le juge en chef à l'époque, Brian Dickson
Le juge en chef à l'époque, Brian Dickson
Elle dit avoir craint que son mari ne sombre dans la dépression. Mais plutôt que de lui témoigner de la compassion, Brian Dickson aurait montré la porte à Gerald Le Dain, selon les témoignages recueillis par la CBC.

L'ex-juge Claire L'Heureux-Dubé se rappelle avoir été choquée par le traitement réservé à son collègue, avec qui elle a siégé pendant quatre ans. Elle a confié à la CBC qu'en 1988, tous les juges avaient énormément de travail et de pression, en raison d’une pléthore de dossiers concernant la toute nouvelle Charte des droits et liberté, adoptée en 1982.

C'est également une période charnière au Canada, où la Cour suprême doit gérer plusieurs dossiers explosifs : l'accord du Lac Meech, la Loi 101…

Claire L’Heureux-Dubé se rappelle que l'approche rigoureuse du juge Le Dain pouvait ralentir les choses. Elle et sa collègue sur le banc, Bertha Wilson, ont été « choquées » de la façon dont Gerald Le Dain a été traité. « Nous jugions la chose injuste. Qu'un juge ne puisse plus rendre de décision est un problème. Mais c'est secondaire, selon moi. Le juge Le Dain, dont le raisonnement juridique était si puissant, aurait dû avoir un temps de convalescence et nous revenir en santé », explique l'ex-juge à la CBC.

Caroline Burgess, la fille du juge Le Dain, estime que son renvoi forcé a précipité la maladie de son père. Gerald Le Dain est décédé en 2007.

L'ex-juge Claire L'Heureux-Dubé
L'ex-juge Claire L'Heureux-Dubé
Dans sa biographie écrite par son conseiller juridique Robert J. Sharpe en 2003, le juge en chef de l'époque, Brian Dickson, confie avoir estimé que le pronostic concernant une éventuelle convalescence du juge Le Dain était mauvais. La Cour suprême, où les dossiers s'accumulaient, « ne pouvaient se permettre d'attendre » qu’il revienne en santé.

« L'ex-juge Le Dain a pratiqué le droit au cabinet Walker, Martineau, Chauvin, Walker & Allison, devenu Fasken, puis au cabinet Riel, Le Dain, Bissonnette Vermette & Ryan, qui allait devenir Dunton Rainville.

Il a été doyen de la fac d'Osgoode Hall, à Toronto, et a enseigné à McGill.
De 1969 à 1973, il a présidé la Commission d’enquête sur l’usage des drogues à des fins non médicales.

David Butt, qui a travaillé avec lui à la Cour suprême, soutient que le traitement réservé à Gerald Le Dain était « inhumain ».

Sa fille, Caroline Burgess, croit que son père a été traité de façon « cruelle et déraisonnable ». Et pour ça, il n'y a « jamais eu d'excuses ».
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6 commentaires

  1. Tiburo
    Tiburo
    il y a 6 ans
    Métier de fou...
    C'est la démonstration même que nous exerçons un métier de fou et que nous nous mettons mutuellement une pression énorme à exécuter le métier de juriste.

    Plus j'avance dans la profession, plus je vois la détresses de mes collègues et la maladie, sous toute ses formes.

    Impossible de prononcer le mot "sabbatique" sans se faire regarder comme si nous étions cinglés. Heureusement, certains juriste ont la chance de se ressourcer, mais ces poste sont rares.

    Donc, je ne suis pas surpris de lire ces révélations. Je ne suis pas certains que même aujourd'hui, le traitement serait différent.

  2. Me Stéphane Lacoste
    Me Stéphane Lacoste
    il y a 6 ans
    Des ressources
    C'est une triste histoire pas très jolie pour la Cour suprême mais c'était 1988. Ça n'excuse pas, mais ça explique en partie.

    Il est toujours difficile aujourd'hui pour tout le monde d'obtenir de l'aide pour des problèmes de santé mentale. Il existe toutefois des ressources et j'invite les confrères qui auraient de tels problèmes à consulter le PAMBA http://www.barreau.qc.ca/pamba/ ou les ressources regroupées par l'Association du Barreau canadien http://www.cba.org/CBA-Wellness/Resources/Wellness-Links?lang=fr-CA

  3. Zak
    Barf
    On s'en fout.
    Son salaire était payé, sa pension aussi. Il n'y a rien d'inhumain dans ça. Qu'il ne se compare pas aux gens qui perdent du revenu dans une situation similaire.

  4. Anonyme
    Anonyme
    il y a 6 ans
    ah voila la compensatoion
    10 millions comme Kadhr

  5. Un collègue
    Un collègue
    il y a 6 ans
    Une réalité bien actuelle!
    Au tournant de la décennie, je suis moi-même tombé malade pendant 2 ans ... 2 longues années au cours desquelles j'ai bien essayé de comprendre et de soigner ma détresse.

    Cela n'a pas été facile. Oh que non! Qui plus est , j'avais développé une certaine dépendance à l'alcool qui a aggravé la situation, d'autant qu'elle m'aveuglait ... Je devais ainsi combattre sur 2 fronts à la fois.

    Aujourd'hui cependant, je réalise que s'il m'a fallu tout ce temps pour guérir, c'est qu'il m'a fallu apprendre à me pardonner et à comprendre que peu importe qui on est, la maladie mentale est insidieuse et qu'elle ne s'apprivoise pas ni ne peut se comprendre sans se laisser à soi-même et à notre entourage le temps de s'y faire.

    En bref, il est facile de critiquer le juge Dickson mais à quoi bon?

    Tirons simplement une leçon du passé pour mieux gérer l'avenir.Se laisser le temps pour se soigner signifie aussi d'apprendre à laisser aux autres le temps de comprendre!

    n.b.: Aujourd'hui, je suis très heureux et joie de retrouver mes proches a chassé mes désagréables souvenirs de certains préjugés!

    Soyons patients!

  6. L'autre collègue
    L'autre collègue
    il y a 6 ans
    Bravo
    Bravo pour votre témoignage, c'est émouvant de voir que l'humain peut souffrir mais néanmoins s'en sortir.

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