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L’extradition par le Bureau de la concurrence entraîne des peines d’emprisonnement aux États-Unis

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Graham Reynolds

2008-08-13 09:00:00

Le Bureau de la concurrence du Canada a annoncé le 30 juillet dernier que deux Canadiens extradés aux États-Unis en 2007 pour y faire face à des accusations de complot, de fraude postale et de fraude électronique ont été condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement par un tribunal fédéral américain.

C’est la première fois que le Bureau de la concurrence du Canada fait une telle annonce qui illustre l’étroite collaboration entre les responsables de l’application de la loi au Canada et aux États-Unis.

Le communiqué du Bureau de la concurrence indique que les défendeurs exploitaient à Toronto une entreprise de télémarketing appelée First Capital Consumers Group qui a pratiqué des techniques de vente sous pression à l’égard de quelque 40 000 consommateurs américains ayant de mauvais antécédents en matière de crédit. Cette pratique a permis de générer environ huit millions de dollars américains.

Fait à noter, les défendeurs avaient été arrêtés pour la première fois en 2002 et avaient alors été accusés d’avoir enfreint la Loi sur la concurrence et le Code criminel du Canada. Au nombre des accusations qui avaient été portées contre eux figuraient les suivantes : complot, fraude, télémarketing trompeur et possession de biens criminellement obtenus. Toutefois, ces accusations ont cédé le pas à une demande d’extradition présentée par le département de la Justice des États-Unis le 15 juillet 2003. Les poursuites au Canada ont été interrompues peu après.

Les défendeurs ont porté leur procédure d’extradition en appel devant la Cour d’appel de l’Ontario, puis devant la Cour suprême du Canada, où leurs appels ont été rejetés. Selon le droit canadien, le gouvernement canadien doit s’assurer qu’il existe une option réaliste de poursuivre au Canada avant qu’une extradition puisse être ordonnée. Selon les défendeurs, une poursuite au Canada aurait été une option plus réaliste ou viable, d’autant plus que des accusations avaient été portées au Canada avant la demande d’extradition aux États-Unis. Toutefois, le gouvernement était d’avis qu’une poursuite aux États-Unis serait plus efficace et plus fiable. La Cour d’appel (et, ultimement, la Cour suprême du Canada) ont convenu que le gouvernement avait appliqué le bon test en décidant de confier l’affaire à la justice américaine.

La Cour d’appel de l’Ontario a noté que la fraude n’avait eu des répercussions qu’aux États-Unis, où résidaient toutes les victimes, et qu’il aurait fallu obtenir le témoignage de ces personnes pour juger des infractions. Ce facteur, ainsi que d’autres facteurs, a fortement influé sur la décision de remettre les défendeurs entre les mains des autorités américaines. Les appels interjetés devant la Cour suprême du Canada ont été rejetés le 30 août 2007.

L’énorme différence entre le Canada et les États-Unis au plan de l’imposition des peines constitue sans doute l’aspect le plus intéressant de cette affaire. Dans une importante affaire de télémarketing jugée en 2004, le Bureau de la concurrence a obtenu des peines d’emprisonnement de trois ans pour deux auteurs d’une manoeuvre de télémarketing trompeur consistant en l’envoi de fausses factures aux fins de paiement, qui avait rapporté environ un million de dollars.

Même si le produit tiré de la manœuvre reprochée dans l’affaire plus récente était plusieurs fois supérieur, la différence au niveau des peines d’emprisonnement est remarquable (les deux défendeurs condamnés jusqu’à présent ont écopé de peines d’emprisonnement respectives de 19 ans et 7 mois et de 23 ans et 4 mois, et doivent rembourser cinq millions de dollars). Un autre défendeur recevra sa sentence plus tard.

Même si le Bureau de la concurrence n’a procédé à aucune extradition (ni demandé aucune extradition) jusqu’à présent dans une affaire de cartel international, cette récente affaire illustre l’étroite collaboration entre les responsables de l’application de la loi au Canada et aux États-Unis et devrait servir de précédent pour d’éventuelles affaires dans lesquelles les autorités de la concurrence des États-Unis pourraient demander le rapatriement de participants à un complot commercial visant des résidents américains. Il sera intéressant de voir si le Canada refuserait alors d’intenter une poursuite en justice dans des circonstances analogues à cette récente affaire.

Par Graham Reynolds, c.r., associé au bureau de Toronto d’Osler, Hoskin & Harcourt S.E.N.C.R.L./s.r.l.
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1 commentaire

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 15 ans
    État souverain...
    Lesson learned:

    1) Il faut modifier les sanctions applicables au Code criminel canadien;

    2) Il faut éviter de transporter notre inaction locale en faisant du magasinage de juridictions;

    3) Tout au plus, il faut prôner la mise en place et l'utilisation d'un Tribunal conjoints - Trois amériques, pour traiter de ce genre de dossier;

    4) Le monde virtuel pose des défits juridiques constants, il faut être pro actifs.

    Guantanamo Pete

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