Portrait

Le jour où l’on a pointé un fusil sur moi

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Céline Gobert

2013-05-28 15:00:00

De tout repos la vie d’huissier ? Pas si sûr. Ce huissier chevronné revient sur les situations cocasses, voire même dangereuses de sa carrière…

André Perron est huissier chez la société Paquette & Associés
André Perron est huissier chez la société Paquette & Associés
Une veille de Noël, un grand gaillard de deux mètres ouvre sa porte à André Perron, avant de s’effondrer à terre, en position fœtale, pleurant toutes les larmes de son corps.

Il faut préciser qu’André Perron est huissier, et lorsqu’il frappe aux portes, il n’a pas que des bonnes nouvelles à annoncer. Cette fois, c’était un divorce. Une autre fois, cela peut être une saisie pour non paiement.

« Lorsque l’on se retrouve devant un homme en petite bouteille à terre, il faut que l’on soit pragmatique», explique André Perron, tout juste auréolé du Prix Mérite du CIQ, décerné au nom du Conseil Interprofessionnel du Québec.

Il faut dire que ce précurseur en matière de Vente sous contrôle de justice n’a pas volé sa médaille.

En plus d’avoir vendu plus de 3500 immeubles depuis 1996, et contribué à positionner comme leaders les huissiers en matière de Vente sous contrôle de justice, André Perron a traversé les années sans se laisser abattre par les situations plus ou moins complexes qui ont jalonné sa carrière.

Lorsqu’il s’adresse à ses étudiants du CEGEP, M. Perron les prévient d’ailleurs d’emblée : s’ils ne sont pas capables de se lever le matin, s’ils n’aiment pas le monde, autant qu’ils s’en aillent immédiatement. Un bon huissier doit avoir de l’entregent, mais aussi du caractère.

« Quand on est un médium entre le droit, la Cour, et le citoyen, il est important de rester neutre», dit celui qui exerce chez la société Paquette & Associés.

Du cœur

Pour autant, André Perron a un cœur. Il a les mêmes émotions que tout le monde, précise-t-il. Voilà pourquoi n’hésite-t-il pas, entre deux informations sur la procédure à suivre, à consoler parfois les chagrins.

Il parle aux gens « le temps que cela passe», s’assure qu’ils ne sont pas « dangereux» pour eux-mêmes.

Avant tout, il est un facilitateur, un informateur de droits, un guide pour des personnes le plus souvent plongées dans une situation de détresse.

Il se souvient d’une autre affaire marquante, il y a quelques années, de cette dame à qui le mari cachait des retards de paiement dans le loyer. Le couple devait 150 000 $, elle ne le savait pas.

Là, André Perron, en bon conciliateur, demande à parler au frère de l’épouse. Fait au mieux pour ne pas envenimer une situation déjà épineuse.

« Je ne sais pas comment elle va réagir, explique l’huissier. Nous sommes humains… même si la rumeur est au contraire.»

Le plus important est surtout de rester clair quant à la procédure à suivre. En tant qu’huissier, il ne prodigue pas de conseils juridiques aux gens, mais c’est lui qui les informe de leurs droits.

Un matin- car c’est souvent le matin entre 7 heures et 8 heures que les huissiers viennent le plus souvent frapper aux portes- un homme tente de le bousculer du haut des escaliers. Ce dernier se casse même le nez sur la porte.

« Avec mes 280 livres, je n’ai pas bougé», dit-il. La conjointe, pensant avoir affaire à un dealer venu réclamer son argent, s’excuse face à l’huissier. Des situations comme cela, André Perron en a vu quelques unes.

Un autre matin, c’est un fusil qui l’accueille. Cela fait six mois qu’une dame ne paie pas son loyer. Son copain tient un chien dans une main, une carabine dans l’autre. Encore un moment de crise à gérer pour l’huissier.

Pour autant, André Perron est préparé.

« Une synergologue nous apprend à repérer les gestes possiblement dangereux. Souvent, on peut mandater la Surêté du Québec ou faire appel à des forces exécutoires, des serruriers, les forces de l’ordre…»

A 51 ans, il est clair que l’huissier, qui dit s’être lancé dans cette carrière de « façon purement accidentelle » maîtrise désormais l’art de rester le plus calme possible.

Coûte que coûte. Le fusil sur la tempe, même, parfois.
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