La députée Véronique Hivon implore le fédéral quant aux soins de fin de vie...
La députée Véronique Hivon implore le fédéral quant aux soins de fin de vie...
Alors que la Loi concernant les soins de fin de vie devait entrer en vigueur jeudi, la question de sa validité retournera plutôt en urgence devant les tribunaux. Québec conteste ainsi le jugement de la Cour supérieure, qui a suspendu l’application de certaines dispositions sur l’aide médicale à mourir à quelques jours de son entrée en vigueur.

Convaincue que le Québec a agi dans ses compétences, la mère du projet, la députée péquiste Me Véronique Hivon, exhorte le fédéral à reconnaître la validité de la loi québécoise, même si lui tarde à réécrire la sienne.

Comment avez-vous réagi à la décision de la Cour supérieure de suspendre l’application des dispositions concernant l’aide médicale à mourir, jugeant qu’elles entraient en contradiction avec deux articles du Code criminel?

J’étais vraiment incrédule. Selon nous, ça ne tient pas la route. J’ai été ravie que l’appel soit logé rapidement, c’était la bonne chose à faire. On est convaincu de la validité constitutionnelle de la loi, on est dans notre champ de compétence. En plus, en février dernier, la Cour suprême est venue dire au fédéral que les deux articles du Code criminel qui prohibent le suicide assisté sont invalides parce qu’ils violent les libertés de la personne.

Le fédéral avait jusqu’en février prochain pour se conformer à ce jugement de la Cour suprême. Comment avez-vous accueilli la demande de sursis de six mois du gouvernement Trudeau?

Ça m’a choquée. On est dans l’attente de savoir si notre loi peut entrer en vigueur, alors que nous, on a travaillé sur le dossier de manière responsable pendant quatre ans avant l’adoption de la loi. Et pendant ce temps, au fédéral, il ne se passait rien. Je trouve ça particulièrement absurde qu’aujourd’hui ce soit le Québec qui doive attendre après ceux qui n’ont rien fait.

Québec est-il prêt à appliquer cette loi, advenant qu’elle soit jugée valide lors de la date prévue de son entrée en vigueur, le 10 décembre?

Totalement. Tout a été fait dans la recherche de l’équilibre. Quand on a adopté la loi, j’ai mis une disposition disant qu’au plus tard, elle devait entrer en vigueur 18 mois après l’adoption. On s’est donné ce temps-là pour faire les choses correctement. Là, on est fins prêts. Il y a des formations qui se sont données partout depuis des mois, le Collège des médecins a fait tous les protocoles.

Que se passera-t-il le 10 décembre si les dispositions de l’aide médicale à mourir sont toujours en suspens?

Il faut rappeler que la loi est beaucoup plus large que l’aide médicale à mourir uniquement. C’est une loi de soins de fin de vie. C’est une approche de continuum de soins pour que la personne en fin de vie soit au centre de tout, qu’on l’accompagne le mieux possible. Ça crée un droit aux soins palliatifs, ce qui n’est pas rien. Et ça, c’est en vigueur. On ne peut pas nous l’enlever.

Les médecins pourraient-ils tout de même prodiguer l’aide médicale à mourir?

C’est sûr qu’il n’y aura pas de poursuites. C’est ce qui est aussi très décevant dans la situation actuelle. Ça crée une incertitude, alors que notre loi est faite toute en équilibre avec le Collège des médecins et les ordres professionnels. Cette loi-là, selon nous, elle est valide. On la défend bec et ongles devant les tribunaux.

Quel est l’impact de cette saga judiciaire pour les gens en fin de vie?

Il y a des gens qui comptent sur l’entrée en vigueur de cette loi-là. C’est une source de sérénité, de réconfort dans leur fin de vie. Pour une bataille juridique de compétence constitutionnelle, on leur fait porter un très lourd fardeau. C’est d’autant plus choquant qu’au Québec, on a toujours réussi à mener ce débat-là sans partisanerie parce qu’on gardait en tête les personnes pour qui on travaillait. Et c’est elles qui en paient le prix. Je trouve ça cruel et ça me rend très triste.