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Le salaire du bâtonnier en hausse!

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Jean-francois Parent

2016-12-16 15:00:00

Mandaté pour plancher sur une diminution du salaire du bâtonnier, le CA du Barreau du Québec conclut plutôt qu’il faut... l’augmenter!

Me Claudia P. Premont
Me Claudia P. Premont
Le CA du Barreau du Québec vient tout juste d’autoriser la hausse du traitement salarial du prochain bâtonnier. Si Me Claudia P. Prémont se représente et est réélue, elle en bénéficiera aussi.

La résolution présentée aux membres de l’Ordre des avocats dans son infolettre Le Bref fait état d’une augmentation de près de 2 % du salaire annuel de 308 000 dollars, qui s’établira dorénavant à 314 000 $ à partir du 1er avril prochain.

Qui plus est, la résolution 3.2 votée par le Conseil d’administration le 15 décembre dernier accorde également des montants supplémentaires totaux allant de 157 000 à 193 000 dollars pour le prochain bâtonnier qui remplirait un mandat de deux ans, a appris Droit-inc.

Il s’agit d’une allocation de départ équivalent à la moitié du salaire perçu par le bâtonnier pendant la dernière année de son mandat, soit 157 000 dollars, éventuellement couplée à une allocation de logement de 1500 dollars par mois accordée au bâtonnier qui résiderait en dehors des districts judiciaires de Laval, Longueuil et Montréal (soit 193 000$).

« Le comité applique les recommandations du comité d’experts, mandaté pour faire des propositions au CA du Barreau », explique à Droit-inc son vice-président Antoine Aylwin.

La prime de départ équivaut à une augmentation annuelle de 25 % du salaire perçu pendant les deux ans que dure le mandat au bâtonnat. Si le bâtonnier est reconduit dans ses fonctions, le montant de la prime reste le même, faisant en sorte que l’augmentation annuelle pour un mandat de 4 ans s’établirait plutôt à 15 %.

« Le comité externe a dit non »

Me Aylwin
Me Aylwin
Le CA du Barreau s’était pourtant engagé à discuter d’une baisse de traitement pour le bâtonnat. Ainsi, à la page 13 du rapport annuel 2015-2016, endossé par le présent CA, on peut lire que « le Conseil d’administration s’est engagé à respecter, dans la mesure du possible, les choix démocratiques des membres de l’Ordre exprimés lors des élections 2015».

Dans la liste de dossiers que le CA s’engageait à traiter, au 31 mars dernier, dossiers allant de la clarté de la mission du Barreau à l’accès à la justice en passant par une saine gestion financière, le CS s’engageait à traiter de la question suivante : « Diminution du salaire du bâtonnier — Création d’un groupe de travail. Un expert indépendant a été retenu, et les travaux sont en cours. »

« On nous a demandé de se pencher sur une baisse de salaire. Nous avons mandaté un comité indépendant pour le faire. La question qui nous a été posée c’est ‘’est-ce qu’on devrait diminuer le salaire du bâtonnier?’’ et le comité externe a dit non », explique Me Aylwin.

Une décision relevant du CA

Me Lu Chan Khuong
Me Lu Chan Khuong
Appelée à se prononcer sur la situation, la procureure générale Stéphanie Vallée a délégué son attachée de presse Isabelle Marier St-Onge auprès de Droit-Inc. « La Ministre (Vallée) ne commentera pas les décisions du CA du Barreau quant à leurs opérations et administration », écrit Mme Marier St-Onge dans un courriel. Elle ajoute que « le CA du Barreau devra justifier auprès de (ses) membres l'augmentation accordée ».

Selon Antoine Aylwin, cependant, le salaire du bâtonnier est du seul ressort du CA, la loi sur la Barreau ne prévoyant pas de soumettre cette résolution à l’Assemblée générale, dont la prochaine est prévue pour le printemps prochain.

L’ex-bâtonnière Lu Chan Khuong, qui avait fait campagne notamment sur l’impératif besoin de sabrer le salaire du bâtonnier, se disait « catastrophée » de constater qu’on « bafoue ainsi la volonté des membres. (Les membres du CA) sont déconnectés d’une population qui n’a même pas les moyens de se payer les services d’un avocat! Et de membres qui peinent à payer leurs cotisations! » déplore la juriste de Québec.

Saines finances

Le vice-président du Barreau Antoine Aylwin insiste pour dire que cette augmentation des émoluments du prochain bâtonnier sera rentable à long terme pour les membres. « Depuis la nouvelle gouvernance, nous n’avons plus le salaire du bâtonnier sortant à verser, notre immeuble est presque payé et nous générons des excédents chaque année. Par rapport à la structure antérieure, (la hausse de traitement) est effectivement une économie. »

Il ajoute que la baisse de cotisation, qui totalisera 238 $ par membre au printemps prochain, continue de générer des surplus grâce à une « gestion rigoureuse » des finances du Barreau.

« Les revenus sont stables et les dépenses diminuent par rapport à d’autres organisations comparables. D’ailleurs, nos membres profiteront d’autres baisses, puisque notre objectif est de ramener les excédents de cotisation à zéro », soutient Me Aylwyn.

Comparable aux juges ?

Me Claude Provencher
Me Claude Provencher
L’exercice visant à établir le niveau de rémunération du bâtonnier a été difficile, « puisqu’il n’y a pas d’organisations comparables », poursuit Me Aylwin.

C’est d’ailleurs un problème relevé par le comité d’experts, qui a choisi une foule de variables pour fixer la rémunération : le secteur privé, mais aussi la magistrature.

« Comme plusieurs des bâtonniers vont vers la magistrature, nous ne voulons pas nous priver de candidats au bâtonnat qui choisiraient plutôt de devenir juges », se défend Me Aylwin pour justifier l’utilisation du salaire des juges comme étalon à partir duquel l’analyse du salaire se base.

Il signale cependant que le traitement des juges n’est plus utilisé pour calculer la valeur des augmentations consenties au bâtonnat.

L’ex-directeur général du Barreau Claude Provencher ne décolère pas : « Rien, absolument rien ne justifie que le bâtonnier gagne un salaire plus élevé que celui du Procureur général du Québec et ministre de la Justice, soit 158 988 $ ! Surtout que ce salaire est payé avec les cotisations des membres et que parmi ceux ci, 50% des travailleurs autonomes gagnent 50 000$ ou moins et la moitié des salariés gagnent 110 000$ ou moins », dit-il, citant l’étude Barreau-mètre sur les conditions d’exercice de la profession.

« Parmi les membres du Barreau, un salaire de 300 000$ est d'une rareté évidente », conclut Me Provencher, qui est aujourd’hui arbitre et médiateur chez Trudel Johnston.

Selon les données compilées dans l’Étude Barreau-mètre 2015, 10% des membres du Barreau seulement déclarent des revenus supérieurs à 200 000 dollars par année. L’immense majorité, soit 70 %, perçoit des émoluments, de moins de 130 000 dollars.
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