Me Sébastien Parent est doctorant en droit du travail et libertés publiques à la Faculté de droit de l’Université de Montréal
Me Sébastien Parent est doctorant en droit du travail et libertés publiques à la Faculté de droit de l’Université de Montréal
En cette période des fêtes de fin d’année, l’incontournable party de bureau a déjà eu lieu pour certains, alors que d’autres attendent impatiemment sa venue pour présenter à leurs collègues leurs « moves » de danse tant pratiqués pour cette occasion ou leurs tout nouveaux vêtements « funky ».

Si ce moment de l’année rime avec festivité, atmosphère détendue et échange informel entre collègues - sans oublier évidemment les boissons alcoolisées -, il arrive à l’occasion que certains dérapages se produisent.

Voici donc un top 5 de conduites particulières, certaines frôlant presque l’invraisemblance, ayant donné lieu à des mesures disciplinaires lors d’une fête de Noël organisée par l’employeur.

# 5 : Tenir des propos irrespectueux à l’endroit d’un cadre

À la fin de la soirée dansante de fin d’année, des salariés se réunissent dans une chambre de l’hôtel pour poursuivre la fête. C’est à ce moment que le plaignant s’insurge de la présence d’un cadre et l’invective en ces termes : « moi si j’étais à ta place, je cri**erais mon camp d’icitte ! ». Face au refus du salarié de présenter des excuses, l’employeur lui imposera une suspension de 4 jours.

L’arbitre de grief conclut qu’il s’agit d’un manque de politesse flagrant à l’endroit d’une personne en autorité. Il réduit toutefois la durée de la suspension à 2 journées étant donné que la sanction initiale est à ses yeux trop sévère.

Brasserie Labatt et Union des routiers, brasseries, liqueurs douces et ouvriers de diverses industries, section locale 1999, D.T.E. 2002T-326 (T.A.).

# 4 : Voler l’argent amassé pour les cadeaux d’un tirage de Noël

Des tirages moitié-moitié étaient organisés dans l’entreprise au cours du mois de décembre afin de financer l’achat de cadeaux pour le grand tirage de la veille de Noël.

Prenant un peu d’avance sur ses résolutions de la prochaine année, le salarié responsable d’acheter les cadeaux utilisa plutôt l’argent pour rembourser ses dettes personnelles.

Considérant que ce geste malhonnête constitue un vol au sens du Code criminel et que cela a rompu le lien de confiance, l’arbitre de grief confirme le congédiement du salarié.

Conseil canadien des Teamsters, section locale 931 et Purolator Courrier ltée, D.T.E. 2003T-417 (T.A.).


# 3 : Violenter son directeur et son contremaître

Lors d’une fête de Noël organisée par l’employeur dans un salon de quilles, voilà qu’un employé n’ayant consommé rien de moins que 5 pichets de bière et quelques verres de vin entend sa conjointe l’appeler à l’aide.

Sans s’enquérir de la situation et volant au secours de sa tendre moitié, le plaignant intervient violemment en empoignant par le collet son directeur. Il tente de lui assener un coup de poing, avant de le bousculer sur une table de billard. Pour en ajouter, il lança son téléavertisseur - on se doute que la décision date un peu - sur la poitrine de son contremaître qui assistait à l’altercation. Il n’en fallut pas plus pour que l’employeur lui impose un congédiement.

Bien qu’une agression contre un supérieur constitue une attaque contre l’autorité de l’employeur et que des actes de violence doivent être réprimandés sévèrement en milieu de travail, l’arbitre de grief remplace le congédiement par une suspension de 9 mois, notamment en raison du dossier disciplinaire vierge du plaignant et de l’état de fatigue dans lequel il se trouvait - on l’imagine - à la fin de la soirée.

Nettoyage de drains A. Ducharme (2000) inc. et Syndicat national des travailleuses et travailleurs de l’environnement (FEESP-CSN), D.T.E. 2001T-1030 (T.A.).


# 2 : Briser une chaise et menacer le gérant du restaurant

À l’occasion d’une fête de Noël se tenant dans un restaurant, tout bascula pour un salarié lorsqu’il ne trouva plus son manteau à la fin de la soirée. Submergé d’une grande colère, il brisa une chaise en la projetant sur une distance d’environ 3 mètres. Par la suite, il menaça le gérant du restaurant de lui casser les jambes dans l’éventualité où il ne retrouverait pas son manteau.

Non seulement ces gestes n’ont pas été d’une quelconque utilité pour retrouver ledit manteau, mais ont mérité au salarié une suspension disciplinaire de 3 jours.

Pour l’arbitre de grief, ces gestes constituent un manque de civilité et sont tout à fait inacceptables, en plus de porter atteinte à la réputation de l’employeur. Ainsi, la sanction disciplinaire imposée par l’employeur a été maintenue.

Association internationale des machinistes et des travailleuses et travailleurs de l’aérospatiale, district 140, section locale 2309 et Servisair, D.T.E. 2009T-448 (T.A.).

# 1 : Le « projet laxatif » dans le verre de sa chef de service

Lors d’une retraite fermée organisée par l’employeur, deux gestionnaires et un secrétaire ont élaboré un plan, lequel consistait à déposer un laxatif dans le verre de vin de leur chef de service ... au moment crucial où elle s’apprêtait à se rendre au spa après le souper.

Le concept était fort simple : « ils se disent qu’elle les fait « ch*er », à leur tour ils lui réservent le même traitement ».

En dépit de l’échec de leur projet, dû au fait que leur cible était déjà assez avancée, n’étant plus en état de consommer un verre de plus, les deux gestionnaires et le secrétaire ont tout de même été congédiés.

L’arbitre de grief substituera au congédiement du secrétaire une suspension de 15 semaines, tandis que le Tribunal administratif du travail remplacera le congédiement des deux gestionnaires par une suspension de 26 semaines.

St-Onge et Sobey’s Québec inc., 2016 QCTAT 6258.

Le pouvoir disciplinaire de l’employeur lors des évènements sociaux

Retenons que ces évènements sociaux sont considérés comme étant directement reliés à la vie de l’entreprise, ce qui explique le pouvoir disciplinaire de l’employeur en pareilles circonstances. En effet, la jurisprudence confirme que la présence du salarié à un party de bureau s’inscrit dans le cadre de son emploi.

À noter que certains décideurs considèrent que l’état d’ébriété du salarié peut constituer une circonstance atténuante dans le contexte d’une fête de fin d’année, alors que d’autres sont d’avis que l’ivresse du plaignant ne peut en aucun cas excuser une conduite inacceptable.

En espérant que votre party de Noël sera à la hauteur de vos attentes et se déroulera dans l’harmonie, un joyeux temps des fêtes à tous !


Me Sébastien Parent est doctorant en droit du travail et libertés publiques à la Faculté de droit de l’Université de Montréal. Il est aussi chargé de cours à Polytechnique Montréal où il enseigne le droit du travail. Auparavant, il a complété le baccalauréat ainsi que la maîtrise en droit à la Faculté de droit de l’Université de Montréal. Il est également titulaire d’un baccalauréat en relations industrielles de la même institution. Écrivain dans l’âme et procureur devant la Cour suprême du Canada dès le début de sa carrière, Me Parent commente l’actualité récente en matière d’emploi afin que salariés et employeurs connaissent bien leurs droits et obligations respectifs.