Florence Ashley se bat pour améliorer les droits de sa communauté
Florence Ashley se bat pour améliorer les droits de sa communauté
Pour elle, le Québec est clairement en retard sur ce sujet et les avocats devraient plus échanger avec les personnes trans pour comprendre ce qu’ils -ou elles- vivent.

Née dans un corps d’homme, Florence Ashley n’a pourtant pas envie de choisir son genre. En apparence, elle a en revanche décidé de porter des robes, du maquillage et une longue crinière rousse.

La jeune femme de 25 ans originaire de Laval poursuit des études en droit, à l’Université McGill. Après un bac, elle entame une maîtrise. Elle s’est rapidement spécialisée en bioéthique en se focalisant sur les politiques de santé transgenre.

Son sujet: “Sauver des vies trans avec un carnet de prescriptions: le paysage normatif de la prescription d’hormones par les médecins de famille”. Elle est supervisée par le doyen de la faculté de droit lui-même, Robert Leckey, un « superviseur exceptionnel », dit-elle.

Pour 2019-2020, elle sera auxiliaire juridique à la cour suprême pour la juge Sheilah Martin, et deviendra « possiblement la première personne ouvertement trans » à l’être.

En droit par hasard

Le doyen de la faculté de droit, Robert Leckey
Le doyen de la faculté de droit, Robert Leckey
« Je pourrais romancer une belle histoire pour expliquer pourquoi je suis allée en droit, mais ça ne s’est pas passé comme ça. J’étais en physique, et je n’aimais pas ça. Alors, je me suis dit que le droit, ça pourrait être intéressant. Aujourd’hui, j’ai une approche critique du droit », explique la jeune femme.

Passer le Barreau n’est pas à l’ordre du jour non plus, du moins pas pour l’instant. Celle qui se qualifie de transféminine ( une catégorie d’ensemble qui inclut les personnes trans assignés garçons à la naissance et qui ont une identité de genre plutôt féminine) a plutôt des aspirations universitaires : poursuivre vers un doctorat ou enseigner.

C’est depuis qu’elle a « transitionné », en troisième année de bac, qu’elle s’intéresse aux problématiques qui entourent les droits des personnes trans.

« Transitionner, pour une femme ou un homme trans c’est souvent faire son coming out, prendre des hormones selon le désir de la personne. Je suis quelqu’un de non binaire, c’est-à-dire que je ne suis pas attachée à un genre. Ma transition a consisté à m’identifier à la féminité même si on m’a assigné comme étant un homme à la naissance », précise Mme Ashley.

Le Québec en retard

La juge Sheilah Martin
La juge Sheilah Martin
Alors depuis, elle se rend compte à quel point « il y a encore plein de choses à faire au niveau législatif pour les personnes trans ». Surtout au Québec. « Le Québec est la seule province canadienne ou une personne qui n’est pas citoyenne ne peut pas changer le marqueur de genre de ses papiers d’identité ni son nom », explique la juriste.

De manière générale, elle estime que le Québec est en retard sur toutes ces questions. « Il y a un gros attachement à l’État civil au Québec et un manque d’intérêt au niveau législatif », dit-elle.

Elle illustre ses propos avec l’exemple des prisons provinciales : « il n’y a pas de politiques de placement au Québec, généralement, c’est fait en fonction des parties génitales. Vous me voyez, moi, aller dans une prison pour homme ? Quand tu es condamné et que tu es trans, tu es mieux d’avoir une peine de plus de deux ans pour aller dans une prison fédérale qui respecte le choix de genre ».

Une militante avant tout

Pour changer les choses et alerter la population à différents niveaux, elle milite. « D'ailleurs, je me considère d’abord comme une militante puis une universitaire », précise-t-elle.

La jeune femme est membre du Comité trans du Conseil québécois LGBT depuis 2016 et s’est impliquée dans la clinique juridique trans à McGill dont elle a été codirectrice. Désormais elle siège au conseil consultatif.

Faire cette maîtrise est devenue sa manière d’apporter une pierre à l’édifice. « Mes textes universitaires sont guidés par les besoins concrets de la population trans, je n’aime pas écrire sur des affaires théoriques », assure-t-elle.

L’un de ses textes sur la loi fédérale C16 (qui modifie la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel) a d’ailleurs été publié dans le University of Toronto law journal.

Pour elle, le gouvernement pense encore — à tort — que les lois qui punissent les crimes haineux sont ce dont les transgenres ont besoin.

« C’est cute, mais ça ne sert à rien ». Le vrai problème, c’est surtout celui de l’accès à la justice. En effet, comment une personne trans pourrait faire valoir ses droits que lui donne la loi C16 s’il n’a pas d’avocat pour le défendre ?

Un vrai changement aura lieu lorsque les juristes auront appris de la réalité que vivent les gens trans et en les écoutant, croit-elle. « Il faut travailler avec les communautés trans pour représenter leur réalité et leur diversité », ajoute-t-elle.

Pour elle, l’un des gros problèmes réside dans le fait qu’il y a une grande distance entre le droit théorique et ce qui se passe sur le terrain.

Alors justement, Florence Ashley va sur le terrain. Récemment, elle a fait partie d’un panel lors d’une journée organisée par Juripop concernant l’accès à la justice pour les personnes marginalisées.