Me Vincent Denault doctorant au département de communication de l’Université de Montréal. Crédit photo : Amélie Philibert, Université de Montréal
Me Vincent Denault doctorant au département de communication de l’Université de Montréal. Crédit photo : Amélie Philibert, Université de Montréal
Me Vincent Denault, Barreau 2008 et doctorant au département de communication de l’Université de Montréal s’intéresse depuis plusieurs années à la communication non verbale lors de procès et à la détection du mensonge. Sa thèse porte d'ailleurs sur la question de savoir comment un juge en arrive à conclure qu’un témoin a menti.

Ce diplômé de l'UQAM a récemment publié un article à ce sujet intitulé "Nonverbal communication in courtrooms: Scientific assessments or modern trials by ordeal?"

Droit-inc s’est entretenu avec Me Denault.

Comment vous est venue l’idée de travailler sur la communication non verbale ?

Quand j’étais à l’université, j’ai fait un stage avec un avocat qui m’a emmené à une conférence sur le non verbal. On présentait ce langage comme un code qu’on pouvait décoder. Puis, j’ai suivi une longue formation à ce sujet, mais je me suis rendu compte que cela n’était basé sur aucune publication scientifique. J’ai donc décidé de faire une maîtrise en droit sur l’impact de la communication non verbale dans les procès.

Quelles sont les fausses théories qui circulent le plus souvent concernant le « décodage » de la communication non verbale ?

Sur internet, vous trouverez une foule d’idée qui n’a pas passé la barre de la révision par les pairs, qui est pourtant une caractéristique centrale en science. Des arguments non fondés peuvent ensuite influencer l’issue d’un procès.

C’est-à-dire ?

Tout le monde, y compris les décideurs, a des croyances et des stéréotypes sur quelqu’un qui se touche le nez d’une certaine façon ou qui bouge sur sa chaise. Ces croyances pourront les amener à douter de la parole d’un témoin par exemple, alors qu’il n’y a pas lieu de se poser la question sur la base de ces éléments non verbaux.

Est-ce déjà arriver que des analyses douteuses de comportements non verbaux ont joué dans la prise de décision de juges durant un procès ?

Il y a certains jugements dans lesquels il est explicitement écrit que le non verbal a joué un rôle important dans le verdict et ces commentaires n’ont souvent aucun fondement scientifique. Les indications non verbales du mensonge sont faibles ou peu fiables. C’est de la science-fiction de croire que le langage non verbal va révéler les mensonges. Cela dit, je ne dis pas non plus que le non verbal n’est pas important dans un procès.

Comment faire pour savoir si un témoin ment alors ?

Il n’y a pas de solution miracle. La détection du mensonge est principalement étudiée durant les interrogatoires policiers et pas en procès. Cela s’explique par les techniques d’entrevues utilisées. Or, elles peuvent très difficilement s’appliquer lors d’un procès, car il y a des procédures très différentes.

On entend souvent que le non verbal est plus important que le verbal…

On ne peut pas associer un pourcentage d’importance à l’un ou l’autre. Cela dépend du contexte, des individus, de sa culture. Dans tous les cas, le non verbal est toujours là : le facial, la gestuel, la manière dont votre bureau est rangé ou pas, le ton de votre voix, les silences, même votre manière de vous habiller, vos chaussures... Le sentiment qu'ont certains n’est basé sur rien alors qu’il pourra jouer sur le fait qu’un accusé soit condamné à la peine perpétuelle ou pas, parfois à la peine de mort, dans certains pays. C’est donc très important de prendre conscience qu’on peut tous avoir des croyances non fondées et qu’elles peuvent avoir un impact sur l’issu d’un procès.

Quelles sont les solutions pour que les décideurs ne se fient pas trop aux préjugés ?

Les préjugés et les biais ne peuvent pas être éliminés, mais on peut les mitiger en s’informant sur ce que la science documente. On n’a pas besoin de suivre des formations sur le sujet, la science est accessible sur internet. Comprendre le principe de révision des pairs est une protection intellectuelle contre le charlatanisme.