Le bâtonnier Paul-Matthieu Grondin
Le bâtonnier Paul-Matthieu Grondin
Quelques jours après l’assemblée générale extraordinaire où 52% des membres du Barreau exigeaient de l’ordre qu’il retire son recours constitutionnel au sujet de l'adoption bilingue des lois québécoises, le Barreau du Québec obtempère.

« Le Barreau adopte une position qu’on veut raisonnable. On propose une suspension des procédures pendant qu’il y a négociation avec le gouvernement », explique à Droit-inc le bâtonnier Paul-Matthieu Grondin. « L’assemblée générale nous a appris quelques leçons. »

Selon Me Grondin, qui a par ailleurs adressé une lettre à ses membres lundi soir pour les informer de la décision du Barreau, il y avait un consensus de ces derniers sur les incohérences des versions en anglais « qui ont un impact défavorable sur la version française des lois » ainsi que sur leur souhait de pouvoir voter à distance.

Pour rappel, le Barreau du Québec et le Barreau de Montréal demandaient à la Cour supérieure l’invalidation de toutes les lois québécoises, déplorant que celles-ci n’aient pas été adoptées simultanément en français et en anglais à l'Assemblée nationale, conformément à l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867. L’affaire a provoqué un tollé dans le milieu juridique.

Quatre conditions

Dans une lettre également envoyée lundi soir à la ministre de la Justice Stéphanie Vallée, et dont Droit-inc a obtenu copie, le Barreau propose donc de régler le dossier à l’amiable et « hors cour », et ce, aux quatre conditions qu’avait énoncées la ministre Vallée en mars 2017.

« Ce sont des conditions auxquelles le gouvernement s’était déjà engagé, indique Me Grondin. À notre avis, il n’y a pas eu de suivi conséquent. »

La première est l’embauche de deux juristes civilistes ayant une parfaite maîtrise de la langue anglaise, dans le respect des règles applicables en vertu de la Loi sur la fonction publique.

La seconde, l’embauche de traducteurs supplémentaires en fonction de besoins identifiés.

La troisième condition est l’accroissement de la collaboration et de la proximité des traducteurs, réviseurs et légistes, notamment des juristes anglophones tout au long du processus.

Enfin, dans le cas de réformes majeurs en matière civile (Code civil et Code de procédure civile), la dernière condition est l’évaluation de l’opportunité d’ajouter des ressources dédiées à ces réformes.

Par ailleurs, le Barreau du Québec demande au gouvernement de bien vouloir modifier le Code des professions afin de prévoir que les membres, lors de toutes les assemblées générales annuelles des membres (AGA) ou extraordinaires (AGE), puissent voter à distance, favorisant ainsi une plus grande participation des membres.

Quant au Barreau de Montréal, qui ne s’est pas encore prononcé suite à l’AGE, il va se réunir « incessamment sous peu » pour prendre une décision, nous indique la directrice des communications du Barreau de Montréal, Gislaine Dufault.

Un avis juridique déconseillait le recours

Notons que, selon Le Devoir, le projet de recours avait été déconseillé dans un avis juridique en 2017, destiné à l'ex-bâtonnier de Montréal Simon Tremblay.

Le constitutionnaliste Stéphane Beaulac, professeur à l’Université de Montréal, appelait à la « prudence ». Il écrivait qu’il faudrait « hésiter à aller de l'avant avec une contestation judiciaire attaquant la constitutionnalité, s'agissant des exigences de bilinguisme, du processus d'adoption des lois par l'Assemblée nationale du Québec. »

Quant au recours déposé par les Barreaux, il s’appuyait notamment sur un avis juridique rédigé en 2011 par l’ancien juge de la Cour suprême Michel Bastarache.