Me Isabelle Blouin.
Me Isabelle Blouin.
Me Isabelle Blouin a perdu l’usage de ses jambes alors qu’elle n’avait que 12 ans. Avec résilience, elle a appris à vivre avec son handicap et est devenue la directrice du Centre de justice de proximité de la Côte-Nord.

«Je pouvais soit m’apitoyer sur mon sort, soit aller de l’avant », résume Me Blouin lorsqu’elle revient sur l’accident qui lui a coûté ses deux jambes.

C’était en 1991, alors qu’elle n’avait que 11 ans. « Un fil électrique est tombé sur notre voiture, j’en suis sortie, mais je me suis faite électrocuter. J’ai été transférée d’urgence à Québec et on a dû m’amputer les deux jambes, au-dessus des genoux, et un doigt », raconte l’avocate originaire de Sept-Îles.

Elle a tenté de porter des prothèses pendant de nombreuses années, mais n’a jamais été convaincue. « Je n’avais pas beaucoup d’agilité, tout était plus long. Je suis mieux en fauteuil », détaille-t-elle.

L'empathie de certains professeurs

Cette épreuve, elle n’aime pas vraiment la voir comme quelque chose qui lui a donné plus de force.

« C’est juste que je n’ai pas eu le choix et que je suis quelqu’un qui ne lâche pas le morceau. Et finalement, le fauteuil roulant, quand tu l’acceptes, les gens finissent par ne plus le voir », dit-elle.

À Montréal, lorsqu’elle poursuit ses études de droit à l’Université de Montréal, elle se sent intégrée comme n’importe quelle autre étudiante.

Électrocutée quand elle était ado, la juriste a perdu l’usage de ses jambes.
Électrocutée quand elle était ado, la juriste a perdu l’usage de ses jambes.
« J’ai même été frappée par l’empathie de certains de mes professeurs. Je me souviens de Patrice Deslauriers qui a eu la courtoisie de me prévenir que nous allions aborder le thème de la responsabilité. Il ne voulait pas que cela me mette mal à l’aise », se souvient Me Blouin qui a par ailleurs été bâtonnière de la Côte-Nord de 2015 à 2017.

Alors oui, se déplacer à Montréal n’a pas toujours été facile, surtout dans les années 1990. Aujourd’hui encore, certaines structures ne sont pas adaptées, mais l’avocate n’en veut à personne et s’en accommode. « On ne peut pas demander à ce que tout soit accessible aux personnes handicapées », croit-elle.

Pas de discrimination à l'embauche

Parfois, cela a toutefois été un frein en ce qui concerne sa carrière professionnelle. «Je voulais postuler dans un cabinet qui cherchait un étudiant en droit, mais on m’a dit qu’il n’était pas pourvu de rampe d’accès. J’ai laissé tomber », dit-elle.

L’expérience l’a refroidie et elle ne tentera plus sa chance pour trouver un emploi étudiant avant de faire son stage du Barreau, à la Ville de Montréal.

Si la directrice du Centre de justice de proximité de la Côte-Nord assure ne jamais avoir eu affaire à de la discrimination à l’embauche, elle concède toutefois que souvent, elle a peut-être été « plus testée que d’autres par les collègues et les clients. Les gens voulaient s’assurer de ma compétence et que même si je n’avais pas de jambes, j’avais tout de même toute ma tête », lance-t-elle.

« Me Blouin, levez-vous »

Les défis que Me Blouin a dû affronter sont désormais derrière elle.
Les défis que Me Blouin a dû affronter sont désormais derrière elle.
Mais jamais, Me Blouin ne s’est découragée. Elle a dû en revanche s’adapter à certaines situations. Lorsqu’un jour, à la cour, un juge lance dans la salle : « Me Blouin, levez-vous », elle réalise qu’il va falloir qu’elle donne quelques informations aux greffiers…

Les défis qu’elle a dû affronter sont désormais derrière elle, d’autant qu’elle estime que beaucoup d’endroits sont désormais adaptés. Quant aux gens, la plupart sont serviables. « Quand j’arrivais à la cour avec mes dossiers, il y avait toujours quelqu’un pour m’ouvrir la porte. Les gens veulent vraiment aider », précise-t-elle.

Aujourd’hui, Me Blouin ne va plus en cour et ne plaide plus. Son rôle est celui d’une gestionnaire. Elle a quitté Montréal depuis longtemps, mais s’en satisfait puisqu’elle est originaire de la Côte-Nord. « Dans une plus petite ville comme Sept-Îles, on a plus facilement accès aux citoyens. Alors parfois, il suffit de leur demander de déneiger la rampe! »