Covid-19

Plaidoyer pour que le système de justice arrive en 2020

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Florence Tison

2020-05-05 15:00:00

« On envoie des sons sur la planète Mars et aux confins de l’univers; on est tu capable de faire une visioconférence au Québec? »

Me Paul Fréchette, avocat pratiquant surtout en matière familiale à Gatineau. Source : Paul Fréchette
Me Paul Fréchette, avocat pratiquant surtout en matière familiale à Gatineau. Source : Paul Fréchette
La crise liée au coronavirus a au moins eu ça de positif : le système de justice s’est un peu dépoussiéré pour lui aussi aplanir sa courbe.

Audiences par téléphone ou par visioconférence, requêtes et jugements transmis par courriel, greffes numériques, paiement en ligne, les cours du Québec ont fait des pas de géant pour que l’accès à la justice perdure malgré le confinement.

Les avocats espèrent maintenant que ces mesures demeureront après la crise, et que le système de la justice continuera de privilégier les moyens technologiques dans son fonctionnement. Parce que jusqu’à la crise de la COVID-19, ça ne bougeait pas beaucoup, pour ne pas dire pas du tout.

« Tout fonctionne selon un système que moi, j’ai connu il y a 37 ans, et ça n’a pas vraiment changé », observe Me Paul Fréchette, avocat en droit de la famille et droit matrimonial à Gatineau.

Avec la crise sanitaire actuelle, Me Fréchette a eu le plaisir de voir les procédures s’accélérer de façon formidable grâce aux outils technologiques qu’on utilisait « très très peu » auparavant. Il a même reçu des jugements par courriel.

Sonia Lebel, ministre de la Justice. Source : CAQ
Sonia Lebel, ministre de la Justice. Source : CAQ
« Ça, c’est une excellente affaire, parce que quand un juge rendait un jugement ici en Outaouais, ça pouvait prendre des semaines et des semaines avant de l’avoir, tandis que maintenant on l’a dans les heures qui suivent! » s’enthousiasme l’avocat.

« Je vous le dis, je suis en train de prier fort pour que ça demeure », poursuit Me Fréchette.

La ministre de la Justice Sonia Lebel a affirmé vendredi au Journal de Montréal qu’on « va sortir de la crise avec des avancées qui vont demeurer ». Les avocats des régions éloignées du Québec n’auront plus à perdre une journée pour venir déposer leurs dossiers, et les procureurs pourront reporter les causes de façon virtuelle.

Espérons-le, parce que jusqu’à la crise du coronavirus, ces progrès semblaient bien loin, et surtout en droit criminel.

Le droit criminel, l'enfant pauvre du progrès

Si les tribunaux sont fermés sauf pour les rares affaires urgentes, les avocats de la défense doivent quand même se présenter pour reporter des auditions et procès. Ça a toujours fonctionné comme ça.

Me Josiane Michel, criminaliste. Source : Photo courtoisie
Me Josiane Michel, criminaliste. Source : Photo courtoisie
« On se rend compte qu’on était très, très archaïques dans nos façons de faire, observe l’avocate de la défense Me Josiane Michel. Premièrement, être 40 avocats dans une salle à volume pour reporter des dossiers, ce qu’on faisait avant, eh bien on se rend compte que ce n’est pas efficace! »

Pour éviter la contagion, les associations d’avocats de la défense ont monté un service d'avocat de garde pour les salles à volume, où toutes les causes sont remises officiellement devant juge sans que les autres avocats, accusés et justiciables aient à se présenter.

« Voyons, on est en 2020 là! Comment ça qu’on ne peut pas faire ça par téléphone? s’indigne Me Michel. Toutes les salles de cour pour reporter comme un perroquet! Je ne comprends pas. »

Sans parler du fait que bien de ces dossiers reportés pourraient être menés par visioconférence ou conférence téléphonique, sauf qu’on « est zéro là », déplore l’avocate.

« Par exemple, moi j’ai un dossier dont tout le procès a été fait; il nous reste seulement les plaidoiries à faire. Si le système était équipé, on pourrait faire ça par moyens technologiques. C’est seulement pour plaider, il y a une façon de faire! »

De la fibre optique et de l’initiative

Me Marc-Antoine Desjardins. Source : Photo courtoisie
Me Marc-Antoine Desjardins. Source : Photo courtoisie
Tous les avocats s’entendent pour dire que la visioconférence, c’est bien pratique, même si ça a ses limites quand vient le temps de faire un procès devant jury. Les avantages vont d’ailleurs bien au-delà des strictes nécessités sanitaires imposées par la crise de la COVID-19.

« On sauve des coûts incroyables, on sauve du temps, on favorise la conciliation travail-famille pour tout le monde, et puis juste notre qualité de vie en général, énumère Me Marc-Antoine Desjardins, qui pratique pour la défense des accidentés de la SAAQ et de la CNESST. Le client n’est pas moins bien servi, et l’administration de la justice administrative est au rendez-vous. »

Selon Me Paul Fréchette, « le danger serait de revenir à nos anciennes habitudes ». Il espère que tous les moyens technologiques mis en place en temps de crise trouveront une pérennité.

Me Desjardins est bien d’accord.

« On envoie des sons sur la planète mars et aux confins de l’univers, on est tu capable de faire une visioconférence au Québec? se demande l’avocat. Ça prend juste de la fibre optique et de l'initiative! »
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1 commentaire

  1. Oyoyoy
    Oyoyoy
    il y a 3 ans
    Oyoyoy
    J'aime lire depuis quelques semaines l'enthousiasme des juges sur les miracles de ces technologies.

    Mais est-ce qu'ils ont l'intention de les utiliser un jour?

    J'ai l'impression qu'ils ne servent en fait qu'à aller plus vite pour tout reporter aux calendes grecques.

    Vive le progrès.

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