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C’est la guerre entre les sténographes!

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Florence Tison

2020-08-26 14:45:00

Deux sténographes poursuivent le Comité sur la sténographie et l’Académie de sténographie du Québec. Pourquoi donc?

Olivier Bolduc et Tatiana Picard. Photos : LinkedIn et site Web de Piché Olivier Benoit
Olivier Bolduc et Tatiana Picard. Photos : LinkedIn et site Web de Piché Olivier Benoit
Le président de l’Association professionnelle des sténographes officiels (APSOQ) Olivier Bolduc a déposé en son propre nom et en celui d’une collègue sténographe, Tatiana Picard, une poursuite contre le Comité sur la sténographie et la nouvelle Académie de sténographie du Québec.

Les deux sténographes reprochent au Comité de s’être placé en conflit d’intérêts en reconnaissant l’attestation de formation de l’Académie, lancée en 2019 par un membre de ce même Comité, Denise Turcot, et un membre de l’APSOQ, Caroline Morand.

Le Comité aurait également déplacé de l’automne à l’été l’examen annuel pour devenir un sténographe officiel.

Les étudiants de l’École de sténographie judiciaire, seule école reconnue par le ministère de l’Éducation et l’APSOQ, n’avaient pas encore fini leur formation ni leur stage au moment de l’examen de juillet. Les étudiants de l’Académie, oui.

La « voix » rapide vers une carrière de sténographe

Après un congrès américain d’une association de sténographes utilisant la méthode du sténomasque, et auquel ont pris part les fondatrices de l’Académie au début juin 2018, celles-ci inscrivent l’Académie de sténographie du Québec au registre des entreprises au novembre suivant.

Les deux actionnaires Denise Turcot et Caroline Morand sont à ce moment-là respectivement présidente et vice-présidente de l’APSOQ, qu’elles n’ont pas informée du lancement de l’Académie, ni de la part qu’elles y prennent, allègue la poursuite.

Denise Turcot et Caroline Morand. Photos : LinkedIn
Denise Turcot et Caroline Morand. Photos : LinkedIn
Denise Turcot siège quant à elle également au Comité sur la sténographie depuis juillet 2018, un poste qu’elle conservera jusqu’en novembre 2018.

Le Comité, organisme dépendant du Barreau du Québec existant depuis 2001, est composé de sept membres (trois avocats, trois sténographes, et une personne désignée par le ministère de la Justice) appelés à assurer la formation des sténographes et de leur délivrer une attestation.

Caroline Morand déclare en mars 2019 dans un courriel à ses collègues de l’APSOQ que son Académie a été « reconnu(e) comme équivalent(e) » à l’École par le Comité sur la sténographie.

L’Académie ne détient pourtant pas d'accréditation du ministère de l’Éducation, n’est soumise à aucun mécanisme de contrôle et n’offre pas de stage, contrairement à l’École de sténographie judiciaire.

L’Académie se décrit sur son site web comme la « voix » rapide vers une carrière de sténographe.

La formation y est donnée par les deux fondatrices au prix de 10 000 $ pour 80 heures de cours. En comparaison, la formation de l’École est d’une durée de 1 575 heures, et est admissible à l’Aide financière aux études, contrairement à celle de l’Académie.

La formation de l’Académie est la plus courte qui existe en Amérique du Nord, allègue la poursuite. Sa méthode de saisie par sténomasque n’est de plus « pas évaluée par ses pairs ».

Cela inquiète grandement l’APSOQ, qui n’y voit pas une formation suffisante pour exercer le métier de sténographe judiciaire, essentiel pour la justice.

Un examen pour les étudiants de l’Académie

Lors de l’assemblée générale de l’APSOQ le 27 avril 2019, certains membres demandent la démission immédiate des « des dirigeants ou administrateurs n’ayant pas divulgué le projet d’Académie ». La présidente Denise Turcot « refuse de remettre son poste en élection ».

L'avocat de l’Académie est Me Éric Potvin. Photo : Site Web de Paquette Légal
L'avocat de l’Académie est Me Éric Potvin. Photo : Site Web de Paquette Légal
Elle tente par la suite de convaincre les nouveaux administrateurs de « céder » le permis de l’École en leur envoyant un document intitulé « PERMIS-SITUATION ». Elle y mentionne d’éventuelles poursuites contre l’École.

Les administrateurs n’y voient « aucune pertinence » et le nouveau vice-président de l’APSOQ Olivier Bolduc demande par courriel au Comité certains procès-verbaux et rapports d’activité afin de faire la lumière sur la demande de l’Académie.

Denise Turcot empêche le transfert des documents, allègue la poursuite. Elle démissionnera de ses fonctions de présidente de l’APSOQ quelques mois plus tard.

Le Comité déclinera toutes les demandes d’information de l’APSOQ, mais lui demandera tout de même ainsi qu’à l’École de lui permettre de tenir plusieurs examens par an, ce qui déroge au règlement sur la formation de sténographe judiciaire.

Le Comité informe l’APSOQ le 10 juin dernier que l’examen annuel se tiendra le 15 juillet et que tous les étudiants de l’Académie y seront admissibles pour devenir des sténographes officiels.

La cohorte 2018-2020 de l’École n’aura alors pas terminé sa formation ni son stage obligatoire. L’examen s’était jusqu’alors toujours tenu à l’automne, et ce depuis 2005.

Demande d’injonction interlocutoire rejetée

Selon les demandeurs, « le Comité empêche les futurs diplômés d’accéder rapidement à la profession, ce qui nuit à leur chance de réussite ».

« Il découle de ce qui précède que le projet de l'Academie a été concocté en catimini, de façon occulte et que les principaux acteurs visant la promotion de l’Académie ont également participé au processus décisionnel de sa reconnaissance », énonce la demande, qui dénonce un « cas clair » de conflit d’intérêts.

La demande d’injonction interlocutoire demandée par l’avocat de Olivier Bolduc et Tatiana Picard, Me Guillaume Lavoie, de Dussault Lemay Beauchesne, a été rejetée le 8 juillet par le juge Thomas Davis.

Me Lavoie y demandait qu’aucun étudiant de l’Académie ne puisse passer les examens le 15 juillet prochain.

Quant à la demande introductive d’instance, « on la conteste », a indiqué à Droit-inc l’avocat de l’Académie Me Éric Potvin, de Paquette Légal, qui s’est refusé à tout autre commentaire.
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5 commentaires

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 3 ans
    Magouilles au barreau, quelqu'un est surpris?
    Les petits arrangements (passifs ou actifs) entre amis, ce n'est pas un monopole du ministère des affaires des transport!

  2. Anonyme
    Anonyme
    il y a 3 ans
    décision
    L'article dit simplement que la demande d'injonction a été rejetée, mais il serait pertinent d'y inclure le lien vers la décision : http://t.soquij.ca/q9XJx

    Le juge a été assez sévère dans ses commentaires envers les demandeurs, notamment aux passages suivants :

    "[18] Avec égards pour les demandeurs, le droit mis de l’avant par ceux-ci, qu’on aborde sur le thème du droit apparent ou celui de la question sérieuse, est très douteux sinon inexistant.
    (...)
    [22](...)Le Tribunal ajoute que le dossier comporte des éléments de rancune en relation avec la démarche de Mmes Turcot et Morand de fonder l’Académie. On peut se questionner si les demandeurs et l’École cherchent à protéger leurs intérêts privés, bien que le Tribunal n’ait pas à décider de cette question à ce stade."

  3. Anonyme
    Anonyme
    il y a 3 ans
    Quelle magouille?
    Le Barreau n'a probablement aucun intérêt dans cette question. Il devrait plutôt laisser les sténographes s'arranger entre eux. Avec ce que je connais des sténographes, ceux-ci vont finir par s'entre-tuer et détruire eux-mêmes leur "profession".

    Ferait pas de mal..

  4. Avovatdudiable
    Avovatdudiable
    il y a 3 ans
    Ah bon ???
    Une guerre de mots, sans doute...

  5. Rodolphe Bourgeois, avocat
    Rodolphe Bourgeois, avocat
    il y a 2 ans
    Au contraire, la supervision du Barreau est essentielle
    Lorsqu'on comprend la sensibilité du travail des sténographes, on comprend la nécessité d'une supervision déontologique et de la formation. Bien que, si les juges en avaient le temps, cette supervision pourrait s'exercer aussi par la Magistrature.

    La fiabilité des transcriptions sténographique est essentielle dans notre système qui se repose sur elles pour prendre connaissance de ce qui a été dit à la Cour et prendre des décisions comme accorder ou refuser un appel.

    Sans supervision, les transcriptions pourraient être truffées d'erreurs, voire, faire carrément l'objet de corruption. Une partie au litige pourrait soudoyer le sténographe pour modifier à son avantage les transcriptions, lequel ne serait alors pas soumis à des sanctions faciles d'accès (il faudrait le poursuivre au civil en dommages). C'est ce qui pourrait arriver sans supervision.

    On pourrait, à tort, penser que les tribunaux pourraient à la place recourrir aux enregistrements audio de la Cour, qui coutent bien moins chers à la personne les demandant.

    Le problème est qu'il semble que les juges sont capables de lire beaucoup plus rapidement que la vitesse de la parole. Donc, les transcriptions leur permettraient d'abbattre beaucoup plus de travail dans un même temps. J'ai déjà vu à quoi cela ressemble: après 20 minutes de pause, la juge avait lu 80 pages et les débats démontraient qu'elle les avaient réellement lues CORRECTEMENT.

    Voilà l'importance de transcriptions par écrit qui sont véridiques et exactes.

    Respectueusement soumis.

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