Nouvelles

Elle fuit son mari violent et se fait accuser d’enlèvement d’enfant

Main image

Camille Laurin-desjardins

2020-11-10 13:15:00

Une mère qui a quitté l’Arabie saoudite pour protéger son fils de son ex mari a été accusée d’enlèvement d’enfant. Québec et une directrice sont condamnés à lui verser 250 000$...

France Rémillard. Photo : Facebook
France Rémillard. Photo : Facebook
Le jugement rendu le 16 octobre dernier par la juge Claude Dallaire, en Cour supérieure, fait état d’une histoire abracadabrante, celle d’une dame originaire d’Arabie Saoudite, qu’on ne peut identifier.

La femme, qui est débarquée au Québec en 2005, après avoir fui son mari violent, de qui elle venait de divorcer, a été arrêtée en 2013 devant son fils de 9 ans, qui a été confié à la DPJ.

Pour obtenir réparation des traumatismes qu’elle et son enfant ont vécus, elle a intenté une poursuite contre France Rémillard, la directrice de l’Autorité centrale du Québec – « le département du Ministère de la justice qui a le mandat d’aider les États signataires de la Convention de La Haye à retrouver les enfants, dans un contexte d’enlèvement international ou interprovincial », comme l’explique le jugement –, ainsi que contre son employeur, le ministère de la Justice, représenté par le Procureur général du Québec. Mme Rémillard est sévèrement blâmée dans le jugement.

La victoire de cette dame, qui est maintenant résidente permanente au Canada, aura toutefois été de courte durée. Un de ses avocats, Me Jean-François Towner, de Jeansonne Avocats, nous a signalé que le jugement a été porté en appel. Pour cette raison, il n’a pas voulu commenter le dossier. Il est assisté de Me Monica Maynard, oeuvrant à son compte. Les défendeurs sont quant à eux représentés par Mes Manuel Klein et Bruno Deschênes, du ministère de la Justice.

Une histoire invraisemblable

La demanderesse a connu des épisodes de violence avec son ex mari, dès la lune de miel, relate-t-on dans le jugement. Après plusieurs viols à la pointe d’un couteau, elle tombe enceinte. Par la suite, elle ira vivre chez ses parents, et fuira en Angleterre en 2003 pour accoucher, d’où elle entamera des procédures de divorce. Il la forcera à rentrer au pays, en demandant notamment la garde de l’enfant (dont il ne voulait pas au départ).

Elle rentre donc, et son mari obtient des visites supervisées avec son enfant, chez les grands-parents. Mais il menace une fois de plus de la tuer, ainsi que de kidnapper et tuer l’enfant.

Me Jean-François Towner. Photo : Site web de Jeansonne Avocats
Me Jean-François Towner. Photo : Site web de Jeansonne Avocats
Après avoir réussi à obtenir le divorce, la dame décide en 2005 de fuir le pays, craignant pour sa sécurité et celle de son enfant. Elle vient s’établir au Canada (dans une ville qui n’est pas révélée dans le jugement).

En 2011, elle obtient le statut de réfugié. Pour éviter de se faire repérer, elle fait l’école à la maison à son fils. Tous les deux n’ont donc jamais été séparés.

Pendant toutes ces années, son ancien mari la recherche activement par le biais d’enquêteurs, croyant qu’elle est en Angleterre.

« Durant toutes ces années, la demanderesse vit avec la peur au ventre d’être un jour retrouvée, et que son mari mette ses plans à exécution, sachant qu’il est tireur d’élite, qu’il est très branché, et surtout, qu’il n’a plus rien à perdre », décrit le juge.

En 2013, alors que la dame et son fils ont obtenu la résidence permanente, son ex mari finit par retrouver sa trace au Canada. Il retient notamment les services de Me Pierre-Hugues Fortin, un avocat spécialisé dans les enlèvements internationaux d’enfants, qui se tourne quant à lui vers France Rémillard, de l’Autorité centrale du Québec. Celle-ci mènera son enquête pendant des mois, et finira par les retrouver.

« Pour mener à bien sa mission, la directrice de L’ACQ a fait plusieurs incursions dans les dossiers détenus par divers organismes publics provinciaux et fédéraux sur la mère et l’enfant », note le magistrat.

Bien qu’une juge ait déjà refusé qu’un mandat d’arrestation soit émis contre la mère et que le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ait refusé d’enquêter la plainte formulée par Me Fortin pour enlèvement d’enfant, Mme Rémillard appelle son « contact », spécialiste en enlèvements d’enfants au SPVM, pour faire avancer le dossier.

La dame sera arrêtée, devant son fils, pour enlèvement d’enfant. Le garçon sera placé dans un foyer d’accueil confidentiel, pendant 11 jours, le temps qu’un signalement fait à la DPJ soit évalué. Sa mère sera détenue pendant quatre jours, après quoi elle sera libérée mais devra porter un bracelet GPS. Elle sera finalement blanchie, « après que le DPCP ait déclaré forfait sur la plainte portée, les accusations d’enlèvement ayant été retirées, faute de preuve ».

La dame se demande pourquoi « l’ACQ n’a pas agi comme elle le fait normalement dans un tel cas, soit en référant le père aux autres ressources susceptibles de l’assister », surtout que Mme Rémillard avait appris que la mère et son enfant avaient obtenu le statut de réfugié parce qu’ils étaient « en danger de mort »…

« Bien que le mystère plane toujours, dans l’esprit de la demanderesse, une chose est certaine, après avoir eu accès aux comptes d’honoraires du père, à la documentation qui l’accompagne, et aux transcriptions de certains débats judiciaires, la réponse n’est pas sans donner un grand frisson dans le dos », écrit le juge, qui considère que l’aide apportée par Mme Rémillard au père de l’enfant était « illégale », et qui déplore que son employeur, le ministère de la Justice, l’ait laissée faire.

« Nous sommes d’avis que la demanderesse avait raison d’entreprendre ce difficile recours, pour éviter qu’un autre parent soit victime des indiscrétions de L’ACQ, et que des objectifs étrangers à l’objet de la Loi puissent de nouveau guider la directrice de cet organisme dans ses interventions, (...) avec pour résultat qu’un autre enfant demeure traumatisé par des expériences qu’il n’aurait jamais dû connaître, et qui étaient loin d’être dans son meilleur intérêt », conclut le juge.
10376

5 commentaires

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 3 ans
    Une histoire emblématique d'un système dont la complexité augmente le niveau d'incohérence
    Le droit interne ne manque pas d'exemples de décideurs administratifs qui se lavent les mains d'un aspect d'une question, au motif que celui-ci relève d'un autre organe de l'état, ou en prétendant exercer leur juridiction sans se faire entraver par cet autre organe. Et un tas de jugements leurs donnent raison (en s'appuyant sur les sacro-saint principes de respect pour ce qui relève de l'expersise des "tribunaux intérieurs", ou pour ce qui relève de la sphère de discrétion des fonctionnaires).

    Et ça donne ce genre de résultat.

    De plus, en ajoutant au cocktail une petite "shote" de droit international public on peut multiplier les possibilités à l'infini!

    Les avocats du minitère n'auront aucune difficulté à trouver des précédent soutenant que les autorités publiques sont bienfondées de pousser la coopération avec le plus d'états possibles, même les plus rétrogrades, dans le but de propager l'évangile du droit international. Une telle pratique est à la fois conforme avec les buts et les méthodes de cette branche du droit, pour qui il n'y a pas de "shithole coutries", mais seulement des états qu'il convient d'accompagner dans leur conversion vers la lumière onusienne.

  2. Lechter Assidu
    Lechter Assidu
    il y a 3 ans
    Une référence?
    C'est chouette, cet article, mais il n'ajoute guère aux révélations de La Presse.

    Quelqu'un a-t-il la référence sur jugements.qc.ca ou CanLii?

  3. Anonyme
    Anonyme
    il y a 3 ans
    Vous voulez dire
    shote de "droit international privé"; on parle d'enlèvement international d'enfants dans un contexte de séparation

    L'ONU n'a rien à voir dasn tout ceci; bref, retournez sur les bancs plus que par son étroitesse d'esprit, votre message fait peur par son ignorance. Pourquoi discourir sur des choses dont les bases élémentaires vous font défaut?

Annuler
Remarque

Votre commentaire doit être approuvé par un modérateur avant d’être affiché.

NETiquette sur les commentaires

Les commentaires sont les bienvenus sur le site. Ils sont validés par la Rédaction avant d’être publiés et exclus s’ils présentent un caractère injurieux, raciste ou diffamatoire. Si malgré cette politique de modération, un commentaire publié sur le site vous dérange, prenez immédiatement contact par courriel (info@droit-inc.com) avec la Rédaction. Si votre demande apparait légitime, le commentaire sera retiré sur le champ. Vous pouvez également utiliser l’espace dédié aux commentaires pour publier, dans les mêmes conditions de validation, un droit de réponse.

Bien à vous,

La Rédaction de Droit-inc.com

PLUS

Articles similaires